Mêlant habilement les époques, Jérôme Attal entraîne un héros d’aujourd’hui sur les pas de Chateaubriand à la recherche de la mystérieuse sonneuse de cloche de Westminster. L'auteur répond à nos questions sur l’écriture de son nouveau roman, La petite sonneuse de cloches.
Pour la partie historique, j’ai écumé les rapports d’universitaires anglais sur la période de la Révolution française et ses répercussions à Londres, sur la manière dont étaient ressentis par la population anglaise ces flots de Français qui venaient trouver refuge à Soho ou Mayfair. Deux choses m’ont frappé : les Français étaient nommés : "migrants", ce qui bien sûr fait directement écho à l’époque actuelle ; et la bonne société anglaise était davantage choquée par les mœurs et les manières très "m’as-tu-vu" des aristocrates plutôt que par la condition des plus miséreux qui trainaient dans leurs rues.
Concernant les œuvres musicales, je n’écris pas en musique parce que j’ai toujours l’impression que ça vient entrer en concurrence avec la musique de l’écriture, la musique qui vient de ces vagues de phrases que l’on produit. Sauf quand je veux me mettre dans un état d’esprit particulier, me calquer dans un rythme bien précis – mais c’est très rare. J’ai quand même eu une grande période The National (groupe de rock indé américain) pendant l’écriture de ce livre, et notamment la chanson "England", le texte de la chanson à la fois précis et elliptique (je ne saurais dire autrement) ayant toujours beaucoup d’impact sur moi. Si je devais poursuivre l’histoire de Joachim, mon héros, je l’imaginerais, à son retour à Paris, parcourir les rues en pensant à Mirabel Hunt et se répétant en boucle, comme un mantra, ces phrases de la chanson : "You must be somewhere in London, you must be lovin’ your life in the rain…" Après, avec le recul, si je devais tourner le film du jeune Chateaubriand errant dans Londres à la poursuite du souvenir de La Petite Sonneuse de Cloches, je mettrais en bande son : "Lovesong" de The Cure.
Dans un premier temps, j’aime écrire sans écrire, prendre juste des petites notes en marchant dans les rues, les choses se tissent et s’agencent quand on marche, les idées ou les punchlines apparaissent au coin de la rue, donc je prends pas mal de petites notes, et puis à un moment je n’en peux plus de toutes ces petites balafres d’écriture que je porte, et alors je me mets au travail, et je suis dans une sorte d’appétit et de fièvre, d’intensité et d’adrénaline, et je travaille quasiment jour et nuit. C’est pour ça que la première période, celle des notes et de la mise en place dans ma tête, peut prendre plus de six mois, et celle de l’écriture, quand il ne reste plus rien d’autre à faire qu’écrire, quelques semaines intenses, à la fois légères et épuisantes, c’est-à-dire : libres.
Je suis sensible aux artistes qui n’en finissent pas de recréer leur enfance et leur adolescence, c’est pour cette raison d’ailleurs qu’en même temps que J.D. Salinger, Francis Scott Fitzgerald et Vladimir Nabokov par exemple, j’ai toujours adoré lire des comics de super-héros américains.
À partir du moment où j’écris, tout ce que je vis, toutes les émotions que j’aimerais retenir et décupler, tout ce qui se loge dans mon cœur ou le traverse, part dans le livre. Mais s’il faut ne citer qu’une anecdote, disons qu’au moment du travail de relecture avec mon éditrice, pour affiner chaque chapitre et trouver la bonne structure au roman, je l’ai initiée au concept du moment Marsouin. C’est dans une nouvelle de Salinger que j’adore : "L’homme hilare". À un moment, le narrateur parle des trois filles qui l’ont le plus impressionné dans l’existence : l’une d’elles, lors d’une croisière sur le pont d’un paquebot, jette un briquet à un marsouin. Bien que cette histoire ne soit pas vraiment écologique, elle dit beaucoup de ces détails poétiques, insignifiants et ultra signifiants à la fois, concrets et surréalistes, magiques en somme, pour lesquels on peut tomber amoureux. Aussi ai-je dit à mon éditrice : "il faut que dans ce roman qui est un roman d’amour, il y ait le plus possible de moments Marsouin."
Jérôme Attal est écrivain et auteur de chansons. Il a publié une dizaine de romans, parmi lesquels, chez Robert Laffont, Les Jonquilles de Green Park et 37, étoiles filantes (également disponibles chez Pocket).
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