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Par Sonatine, publié le 01/09/2022

Caboche : l'interview du scénariste !

Il y a deux ans, nous avons fait un pari : publier notre tout premier roman graphique avec L’Accident de chasse. Grand bien nous en a pris : les libraires, la presse et les lecteurs ont tous été au rendez-vous, allant jusqu'à porter cette histoire jusqu'au Fauve d'or, consécration ultime pour une bande dessinée.

Et puis, alors que nous avions décidé d'attendre avant de retenter ce coup de poker, Caboche nous est arrivé entre les mains : un ouvrage publié il y a plus de dix ans outre-Atlantique, scénarisé par Joshua Hale Fialkov et dessiné par Noel Tuazon. Un roman graphique, mais aussi un digne héritier du noir californien... Mais on préfère laisser le principal intéressé, Joshua Hale Fialkov, vous en parler lui-même !

Voici un entretien entre l’auteur et Mark L. Miller, journaliste et auteur de bandes dessinées, publié pour la première fois sur le site Ain’t It Cool News, le 9 novembre 2009...

MM : Pouvez-vous résumer l’intrigue de Caboche, pour ceux qui ne connaissent pas ce formidable roman graphique ?

JHF : Caboche est un polar sur un privé de Los Angeles qui se voit offrir une grosse somme d’argent pour retrouver et protéger une fille disparue, le jour même où on lui diagnostique une tumeur au cerveau en phase terminale. Il décide de partir en beauté et de faire quelque chose de bien pour la première fois de sa vie. Bien sûr, tout en protégeant cette fille, il subit les symptômes de sa tumeur, donc il perd la notion du temps, il a des crises, des hallucinations, et de violentes sautes d’humeur.

MM : Les thématiques de Caboche appartiennent clairement au monde du polar. L’atmosphère m’a un peu fait penser au film Memento. Quelles ont été vos influences ?

JHF : La plus importante a sans doute été un film noir de 1950 : Mort à l’arrivée, de Rudolph Maté (à ne pas confondre avec le remake de 1988). C’est l’histoire d’un homme qui a été empoisonné et à qui il reste vingt-quatre heures pour retrouver son meurtrier. Ouais, c’est sur ça qu’est pompé le film Hyper Tension. Mon autre grande influence a été une minisérie télévisée de Dennis Botter pour la BBC intitulée The Singing Detective, l’histoire d’un auteur de polars atteint d’une grave maladie de peau qui imagine son prochain roman tout en revisitant le cours de sa vie à travers des hallucinations. Ce sont sans doute parmi les six meilleures heures de programme jamais créées pour la télévision, un chef-d’œuvre qui mérite qu’on y pique des idées.

MM : On a vraiment de la peine pour Frank, le personnage principal de Caboche. Il se désagrège littéralement au fil du récit et c’est bouleversant de voir son corps et son esprit commencer à défaillir sous l’effet de la tumeur. Avec une telle charge émotionnelle, on pourrait penser que c’est une histoire qui vous a touché personnellement. Est-ce le cas, ou c’est juste que vous êtes un très bon écrivain ?

JHF : Je vais plutôt prendre la seconde hypothèse ! Écoutez, j’ai eu de sacrés problèmes de santé dans ma vie, au point qu’à un moment je suis devenu complètement hypocondriaque et j’ai cru que j’avais une tumeur au cerveau. Du coup, je me suis passionné pour le fonctionnement du cerveau humain et la façon dont le corps réagit quand le cerveau est atteint. Beaucoup de ce que j’écris vient de mes propres cauchemars, et le fait de perdre mes capacités de pensée cognitive est tout en haut de la liste. C’est aussi une peur à laquelle le lecteur peut s’identifier, car peu importe ce à quoi chacun croit, au fond de nous on sait bien que notre cerveau, c’est nous, et que sans lui nous ne sommes rien.

MM : Votre collaboration avec le dessinateur Noel Tuazon sur Caboche et sur Elk’s Run a été une parfaite harmonie de ton et de contenu. Je ne pourrais pas imaginer ces histoires racontées par la main d’un autre artiste. Comment l’avez-vous rencontré et choisi pour ces deux projets ?

JHF : Avant Caboche, Noel et moi avions déjà travaillé ensemble sur Elk’s Run, et il y a entre nous une alchimie qui fonctionne vraiment bien pour moi. Le style de Noel est sans doute loin de ce qui se fait dans la BD mainstream, mais je trouve qu’il dessine avec le même genre d’énergie que les caricaturistes du début du XXe siècle. Il y a un côté brut et une émotion qui se dégage de chaque case. Ses personnages donnent l’impression d’être vivants et vibrants, bien plus qu’avec un dessin ultraléché ou aussi réaliste qu’une photo. Il parvient à faire en sorte que le lecteur s’identifie davantage aux personnages car chacun complète l’image avec ses propres souvenirs et les personnages de sa propre vie.

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