Lisez! icon: Search engine
Par le cherche midi éditeur, publié le 05/01/2022

Chanel Miller : « Même si le monde insiste pour vous faire taire, trouvez un stylo ou un clavier et laissez s'exprimer votre voix »

J’ai un nom. Un titre comme une déclaration, comme l’assertion d’une identité bien réelle, presque plus réelle que les autres tant elle a lutté pour exister. Bouleversant de sincérité, le livre événement de l’auteure américaine Chanel Miller raconte l’éreintante -mais libératrice – période qui a suivi le viol dont celle-ci a été victime sur un campus en 2015. Entretien avec une voix qui ne s’en tiendra plus jamais au silence.

On peut imaginer que le processus qui vous a mené jusqu’à la rédaction de ce roman a été long et pénible. Pourquoi avoir choisi la littérature pour raconter votre histoire ?

Chanel Miller : Lorsqu’elles se mettent à leur table pour écrire, certaines personnes trouvent la page blanche intimidante, alors que c’est l’endroit où je me sens le plus libre. À mes yeux, il fait figure de vaste champ désert qui me permet de marcher dans n’importe quelle direction, de parler, encore et encore sans que personne ne m’interrompe. Au tribunal, on me coupait constamment la parole, on me reprenait… Le message qui m’était transmis était « Ne parle pas, pour quoi faire, il n’y a pas d’espace pour toi, personne ne va te croire ». Or, quand je me suis retrouvée seule à mon bureau, sans personne pour me déranger, je suis parvenu à poser 240 000 mots sur le papier. Ça a été un soulagement incroyable de pouvoir écrire à l’envi ainsi. Mon éditeur m’a aidé à élaguer le manuscrit pour aboutir à 120 000 mots (Dieu merci, c’est bien mieux ainsi). En somme, même si le monde insiste pour vous faire taire, trouvez un style ou un clavier et laissez s’exprimer votre voix. Vous méritez de raconter l’histoire dans son entièreté.

 

Comment s’est déroulé le temps de l’écriture ? Le fait que votre mère soit aussi auteure vous a-t-il aidée ?

Ma mère a écrit de nombreux livres en chinois, alors je me suis dit que je devais bien être capable d’en rédiger au moins un. L’un des plus beaux cadeaux qu’elle m’ait fait pendant mon enfance et mon adolescence a été de m’encourager à la franchise, une qualité très importante pour un.e auteur.e. Au lieu de dire « Ne raconte pas ça, c’est trop personnel, qu’est-ce que les gens vont dire de toi ? », elle a mis l’accent sur la vulnérabilité et sur l’honnêteté quant à mes émotions. Cet état d’esprit m’a aidé à me débarrasser de la honte, à l’empêcher de s’étendre comme un champignon. Ma mère m’a montré qu’il était courageux de partager les parties les plus intimes de soi, qu’il était dommage de les cacher. Je l’ai écoutée et voilà où j’en suis.

 

Écrire peut être libérateur mais aussi douloureux. Comment vous sentez-vous maintenant que le livre est sorti et que le temps a passé ?

Les articles dans les médias peuvent prendre un tour si cru, brutal et pesant… mais on ne peut pas me réduire à une histoire triste. Les vies de tou.te.s les survivant.e.s sont parcourues de couleurs et de nuances. Je me suis dit qu’il serait vraiment dommage de ne pas inclure de moments d’humour, de légèreté et de beauté dans mon récit. Je crois que les moments sombres vont souvent de pair avec les moments joyeux, qu’ils sont inséparables. Ce livre va vous bouleverser mais il va aussi vous donner du baume au cœur. Garanti ou remboursé (rires) !

 

J’ai un nom raconte tellement plus que votre agression sexuelle. Il explore aussi la personne que vous êtes, que vous êtes devenue au fil des années. On peut aussi le voir comme un portrait de ce que c’est que d’être une femme aux États-Unis à ce moment précis de l’Histoire…

Au sein du système de justice pénal, j’interroge l’inclusion optimiste, me semble-t-il, du terme « justice » puisque celle-ci est si rare et fugace. Qui doit travailler dur pour prouver son humanité ? Qui autorise-t-on à commettre des erreurs ? Qui croit-on aisément ? Qui doit mériter sa crédibilité ?

 

Nous devons sonder notre inconscient et les biais flagrants qui nous traversent parfois. Qui est rejeté, sous-évalué, invisibilisé ? Cherchons ces personnes, mettons-les en lumière, car leurs paroles sont souvent passées sous silence par le système dans lequel nous évoluons. Et rappelons-nous que rien n’est gravé dans la roche, ne nous bornons jamais à un « C’est comme ça, c’est tout ». Ça n’a pas de sens, toute situation peut connaître des améliorations et nos histoires apportent des informations importantes sur les changements qu’il faut opérer.

 

Quel regard portez-vous sur le fait que votre roman soit traduit dans une autre langue, étant donné que vos propres mots portent en eux une importance si grande ?

Il est surréaliste que mes mots soient traités avec autant d’attention et de soin. Je suis très reconnaissante d’avoir des lecteur.rice.s en France qui se frottent à une histoire qui n’est pas des plus faciles à lire. Mes mots ne sont plus coincés dans une petite salle d’audience de Palo Alto ou ne mijotent plus sur mon bureau ; les voilà rendus publics, à parcourir le monde, à voyager de cœur en cœur. C’est quelque chose qui m’impressionnera toujours. J’espère que les survivant.e.s, où qu’iels se trouvent, savent que nos histoires sont vouées à être portées collectivement et non tenues à bout de bras, seul.e. Merci de m’aider à porter la mienne.

 

J'ai un nom
Le 17 janvier 2015, Chanel et sa sœur assistent à une fête sur le campus de Stanford. Quelques heures plus tard, Chanel se réveille dans une chambre d’hôpital : on lui explique qu’elle a sans doute été violée – ce que de pénibles examens confirment.

Son agresseur présumé, Brock Turner, est un athlète prometteur soutenu par ses parents et dont la ligne de défense ne variera pas : la victime était consentante. Ce « bon garçon », « d’excellente réputation », essaiera même de le lui faire admettre. Devant les preuves certaines il est pourtant reconnu coupable mais, au nom de « conséquences collatérales négatives », uniquement condamné à six mois de prison. Lors du verdict, Chanel, jusque-là sidérée et mutique, lit une déclaration qui restera dans les mémoires et contribuera à faire changer la loi californienne.
Ce récit, qui questionne lourdement un système pénal conçu pour protéger les plus forts, marque surtout par le courage de la victime qui, grâce à lui, réussit à se réapproprier son identité. Entrelaçant douleur, résilience et humour, il est en passe de devenir un classique moderne.
 
« Ce livre est un acte de revendication… J’ai un nom marque les débuts d’une jeune écrivaine talentueuse. » 
─ Jennifer Weiner, The New York Times
 
« Dans un monde parfait, la lecture de J’ai un nom serait obligatoire pour tout policier, inspecteur, procureur et juge qui s’occupe de victimes d’agression sexuelle. » 
LA Times
 
« Miller est une conteuse douée… Apprenez son nom, écoutez sa voix ! »
The New Yorker
 
« Dans un monde qui demande à trop de survivants de garder leurs expériences pour eux-mêmes […] J’ai un nom est sans conteste un très grand livre […]. Le lire inspire l’espoir. »
The Guardian
 
« Dans sa rare honnêteté et dans ses petits détails, J’ai un nom est à la fois une plaie ouverte et un baume, un cri silencieux et le plus fort des cris… J’ai un nom est plus qu’une mise en accusation, même si elle est réussie et émouvante. C’est aussi une main tendue, qui vous invite à vous battre à ses côtés. »
Elle

« Miller se distingue non seulement par sa résilience et sa force d’âme, mais aussi par son pouvoir d’expression. Elle possède des dons extraordinaires en tant qu’écrivain. »
─ The National Book Review
 

le cherche midi éditeur
le cherche midi éditeur

Lisez maintenant, tout de suite !

  • Focus
    le cherche midi éditeur

    Chanel Miller : écrire enfin son nom

    Bouleversant de sincérité, le livre choc de l’auteure américaine Chanel Miller n’a pas fini de faire parler de lui, et c’est tant mieux. Victime d’un viol, la jeune femme se raconte et se soigne dans ce témoignage essentiel.

    Lire l'article