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Par Lisez, publié le 05/06/2019

"Cogito" de Victor Dixen : la révolution est en marche

Après le succès de sa série Phobos, Victor Dixen est de retour avec Cogito, thriller technologique dans lequel il imagine une société victime de la robotisation effrénée. La complexité de l’intelligence artificielle, le caractère hybride des contes et légendes… Victor Dixen a répondu à nos questions.

Après le succès de sa série Phobos, Victor Dixen est de retour avec Cogito, thriller technologique dans lequel il imagine une société victime de la robotisation effrénée. La complexité de l’intelligence artificielle, le caractère hybride des contes et légendes… Victor Dixen a répondu à nos questions.

L’idée qu’une machine serait capable de s’auto-améliorer est au cœur de nombreuses œuvres de fiction. Est-ce quelque chose que vous avez vous-même toujours voulu creuser ?

Le thème de la machine – et plus précisément de l’intelligence artificielle – m’intéresse depuis longtemps. Je lis beaucoup la presse scientifique, j’y trouve de nombreuses sources d’inspiration pour mes romans. Comme ce fut le cas pour Phobos, j’ai eu comme un déclic. Ce thème m’a paru urgent, important, et m’a obsédé jusqu’à m’en ôter le sommeil. Toute cette ébullition autour de l’intelligence artificielle et toutes les questions que ça posait m’ont donné envie d’en savoir plus. Pour moi, la fiction est vraiment un moyen de creuser un sujet avec mes personnages et de clarifier des questions.

C’est un sujet qui a été beaucoup traité dans la littérature mais aussi au cinéma. Comment le réinventer et se l’approprier ?

D’abord, j’essaie de comprendre quelque chose qui m’échappe. L’intelligence artificielle est un sujet très complexe, donc j’ai lu énormément sur le sujet. Puis j’ai approché petit à petit cette idée d’intelligence et de machine pensante. Mais quand on dit "machine pensante", on en vient à se demander ce qu’est la pensée. On peut se demander aussi si le cerveau humain n’est pas une sorte d’ordinateur. Ce sont des questions qui sont posées en philosophie de la conscience et en neuro-technologie et auxquelles j’ai voulu confronter mes personnages. Le thème de la machine qui se révolte contre son créateur c’est un trope de la science-fiction. On pourrait même remonter jusqu’à Frankenstein et au Golem. Mais dans la production récente de science-fiction, on a surtout en tête des films hollywoodiens catastrophes avec une révolte violente des machines.

En creusant le sujet, je me suis dit que dans un premier temps la révolution des machines n’allait sans doute pas être violente. Ce serait une soft revolution qui allait passer très graduellement par l’économie, avec des robots qui allaient prendre nos jobs parce qu’ils sont plus efficaces, et qui petit à petit allaient prendre notre place dans la société. Ils pourraient aller jusqu’à écrire des romans ! Ils se sophistiquent un peu plus chaque jour de manière expérimentale. La machine qui devient une personne, ça a été traité jusqu’à présent sous l’angle de l’ennemie. Mais on a aussi maintenant cette altérité avec la machine amie. Je pense au film Her (de Spike Jonze, avec Joaquin Phoenix et Scarlett Johansson, ndlr) où un homme tombe amoureux de la voix d’une intelligence artificielle. C’est une nouvelle façon d’aborder le sujet et ça pose beaucoup de questions.

L’intelligence artificielle, il y a les fantasmes que l’on s’en fait et il y a les vraies inquiétudes comme l’impact de l’automatisation sur le secteur économique. C’est ce dernier point que vous avez choisi de traiter dans Cogito. Pourquoi cette approche ? Dans quelle mesure cela vous inquiète-t-il ?

Ce sujet s’est imposé à moi. Je me suis rendu compte que la vraie menace c’est l’explosion de la structure de nos sociétés qui est le travail. Depuis des siècles, le travail est au cœur de nos civilisations, c’est ce qui permet de répartir les richesses, et plus profondément, c’est ce qui permet de nous définir en tant qu’être humain dans la société. Si on nous retire le travail – et il n’y a pas de raison pour que la machine ne le fasse pas car elle sera plus efficace que nous – comment survivrons-nous ? Que nous restera-t-il ? Comment définira-t-on notre valeur ? Ce sont des questions très profondes et nous n’avons pas les réponses. Il faudrait qu’il y ait un débat dès aujourd’hui et pourtant il n’existe pas.

Cogito est une ode au cinéma, aux contes, à la lecture elle-même. Vous écrivez : "Ce sont des clés précieuses pour essayer de comprendre le chaos de ce monde". D’après vous, la culture et l’art entretiennent la mémoire du monde ?

Ça dépend de ce qu’on appelle mémoire. Car il peut s’agir uniquement d’enregistrement de données. On peut imaginer un monde dans lequel les humains auraient disparu et dans lequel il n’y aurait plus que des webcams qui filmeraient. La mémoire d’un point de vue analogique serait conservée sur un support. La mémoire vivante, organique et charnelle, ça c’est quelque chose qui fait partie de l’expérience humaine et c’est probablement ce qui nous définit en tant qu’êtres humains. Je pense de manière très profonde que l’on est fait d’histoires. La notion d’humanité est très proche de la notion d’histoire. On écoute des histoires quand on est tout petit avec les contes qui nous structurent. Elles nous suivent toute notre vie et elles nous bâtissent. Quand j’ai décidé d’aborder ce thème de la pensée, je me suis demandé si c’était elle qui nous faisait humain ou si c’était la dernière frontière qui nous différencie des machines. Et en écrivant ce livre, je me suis rendu compte que les histoires c’est peut-être aussi cela qui nous différencie d’elles.

Les contes ont une place particulière dans Cogito. Vous aviez déjà revisité ces récits dans vos précédentes séries Animale et Le cas Jack Spark. Pourquoi cette fascination ?

Mon amour de la littérature vient des contes. Je suis tombé amoureux de ces histoires quand j’étais petit et c’est ce qui m’a rendu boulimique de lecture. J’y reviens toujours car ce sont des histoires qui paraissent très simples en surface et qui renferment des abymes de sens. On peut toujours creuser, on en tirera toujours des choses nouvelles. Ils ont une plasticité étonnante, on peut les réécrire, les projeter, leur prendre des personnages… Nous sommes tous faits d’histoires et selon moi les contes peuvent facilement entrer en résonnance avec le lecteur. Ça fait vibrer quelque chose en nous. Je pense que les contes racontent ce que c’est d’être humain.

Outre les contes, ce roman parle beaucoup de cinéma de science-fiction. Vous citez aussi bien 2001, l’Odyssée de l’espace que Matrix. Quel a été votre premier choc cinématographique ?

J’ai été marqué par beaucoup de films. Je pense à Blade Runner, Alien ou Rencontre du 3e type pour ne citer qu’eux. Mais je crois que plus que les films, j’ai été marqué par cette imagerie qui fait partie de la culture populaire. Il y a un personnage dans mon roman qui fait tout le temps référence à ces films du passé alors qu’il vit dans une époque où ces mêmes films sont dépassés car les scénarios sont écrits par des intelligences artificielles avec des robots dans le rôle des acteurs. Alors que tous les scénarios sont standardisés pour répondre au goût du public, ce personnage fait référence à ces films anciens qui étaient imparfaits sous bien des aspects mais qui racontaient des histoires humaines.

La littérature et le cinéma sont-ils des valeurs refuges pour vous ?

Ce qui est important pour moi c’est l’histoire. Elle peut être racontée dans différents médias, qu’il s’agisse d’un film, d’un livre ou d’une série. Les histoires ont quelque chose de profondément humain et elles peuvent nous aider pour traverser les crises qui nous traversent, qu’elles soient intimes ou sociales. Ce n’est pas juste de l’évasion, ce sont aussi des outils qui nous donnent de la force.

Vous avez pris pour habitude de raconter vos histoires par le point de vue d’une héroïne plutôt que d’un héros. Ce choix est-il conscient ?

Les thèmes de mes romans s’imposent à moi très rapidement. En revanche, la genèse des personnages est beaucoup moins rationnelle. Ils naissent dans mon esprit sans que je puisse dire d’où ils viennent et cela vaut aussi pour leur genre. Je n’ai jamais éprouvé de problème à me mettre dans la peau d’une héroïne. J’ai l’impression que le fait de sortir de sa peau, de se mettre à la place d’une personne très différente de soi, est un moyen d’incarner encore plus son histoire. Si on reste soi-même, cette transfusion n’a pas lieu.

Roxane, l’héroïne de Cogito, est une adolescente rebelle qui a une vie familiale compliquée. Comment est-elle née ?

C’est probablement la plus rebelle de toutes mes héroïnes, elle est dans une perspective assez punk, elle n’a aucun espoir et a l’impression de couler. Dans ma tête, elle est née en opposition à ce monde envahi par les intelligences artificielles qui n’offre plus d’espace à l’épanouissement humain. Pour moi, Roxane est une fleur qui essaie de pousser au milieu du bitume et qui n’y arrive pas. En tout cas au début du roman.


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