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Par Fleuve éditions, publié le 17/05/2021

"De cendres et de larmes, à sa façon, est un conte spirituel contemporain" Sophie Loubière

Après avoir reçu le prix Landerneau Polar pour Cinq Cartes brûlées en 2020, Sophie Loubière revient avec De cendres et de larmes. Le temps d’une interview, l’auteure nous dévoile ses sources d’inspiration pour ce roman au décor aussi sombre que singulier.

De cendres et de larmes est un polar que vous avez presque construit comme un huis clos, au cœur du cimetière de Bercy. Comment avez-vous eu l’idée de ce décor pour votre nouveau roman ?

En conduisant mon fils chez sa petite copine de colo, en juillet 2019. L’adresse rentrée dans le GPS nous a menés devant de hauts murs, rue de Charenton. J’ai demandé à mon fils s’il était sûr de l’adresse et il a hoché la tête en me disant « oui, elle habite là ». Le fils d’une auteure de romans noirs, tombé amoureux de la fille d’un gardien de cimetière ! Une fois passé le portillon, sur ma gauche, volets clos, se trouvait une maison de plus d’un siècle. Une cloche rouillée en orne la façade. Toutes les fenêtres donnent sur les sépultures. Rapidement, la maman de la jeune fille me propose de visiter les lieux. Des pièces sombres, en enfilade, sur deux niveaux. J’étais littéralement troublée, fascinée par ce qui se dégageait de cette maison, de cette femme qui parlait à voix basse pour ne pas gêner son mari qui recevait des gens dans son bureau juste à côté, et du silence de leur fille. Comment vivre dans pareil endroit ? La maman et moi échangeons nos numéros. En quittant ce tout petit cimetière, je me projette déjà, imagine une intrigue, une sorte de Shining urbain, quelque chose prend vie. Mon prochain roman.

 

En ancrant votre intrigue en 2019, vous avez fait le choix de vous éloigner de la pandémie que nous subissons depuis maintenant plus d’un an. Mais une autre actualité a fortement marqué le printemps de cette année : l’incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris. Était-ce important, pour vous, de revenir sur cet évènement ?

Oui. C’est un évènement tout aussi dramatique que symbolique : la chute de la flèche, notamment, a marqué tous les esprits. Il s’agit de la destruction d’un monument majeur édifié par l’homme et dédié à l’une de ses croyances, symbole de sa toute-puissance.

Barjavel imaginait dans Ravage (1943) l’incendie de Notre-Dame à la veille d’un chaos provoqué par une coupure d’électricité mondiale. Comment ne pas faire le rapprochement avec ce que nous vivons actuellement sur le plan planétaire ? En avril 2019, partout dans le monde, populisme et autoritarisme gagnaient des gouvernances et des signes du réchauffement climatique se faisaient cruellement visibles tandis qu’en France les rues grondaient d’un mouvement social sans précédent (Les Gilets Jaunes), le tout à quelques mois des premiers cas de Covid. Cet embrasement de Notre-Dame est peut-être un avertissement que personne n’a su entendre.

 

Évidemment, la scène qui nous fait revivre ce tragique incendie permet d’introduire Madeline, caporale-cheffe sapeur-pompier, mais aussi mère de trois enfants. En définitive, qu’aviez-vous envie d’exprimer à travers ce personnage féminin très fort et avec lequel nous entrons immédiatement en empathie ?

Madeline est naturellement féministe. Elle entend combattre le feu comme un homme, assume sa passion de petite fille : cette croyance qu’elle peut « sauver » est ce qui la rend forte et presque invincible. Mais les conditions dans lesquelles elle exerce son métier se sont considérablement dégradées ces dernières années. En octobre 2019, une manifestation nationale était organisée à Paris durant laquelle les pompiers ont revendiqué une prise en compte de la pénibilité et de la dangerosité de leur travail. Plutôt que d’entendre leur souffrance, leur appel à l’aide, on les a reçus à coups de canon à eau — un comble. Madeline est cette femme qui, peu à peu, perd la foi, à force de côtoyer au quotidien la détresse, la solitude, la misère et la violence de toute une population, en particulier celles des femmes et des enfants. Si son mari veille sur les morts, elle a bien du mal à veiller sur les vivants.

 

De nombreuses thématiques sont abordées dans De cendres et de larmes, et l’art en fait partie. Il tient même une place essentielle dans l’existence d’un de vos personnages, Christian, le père de famille. Comment expliquez-vous que ce sujet ait été aussi central dans l’écriture de ce roman ?

C’est un sujet central dans ma vie. Dans toute démarche artistique, que celle-ci soit consciente ou non, qu’il s’agisse d’écrire ou de peindre, quelque chose en nous s’exprime : un sentiment d’amour, de joie, de peine ou d’angoisse lié à des moments heureux ou des drames survenus dans notre existence. Parfois, dans un livre — ou dans un tableau —, l’artiste effleure les choses, parfois, il va plus loin et franchit la limite, se met en péril sur le plan psychique ou psychologique, et émotionnel. Un mal nécessaire pour faire le deuil du passé, déposer des habits de culpabilité, de douleur et de regrets. Comme Christian, en écrivant ce livre, quelque part, je me suis « déshabillée ».

L’artiste belge Isabelle Fagot dont les œuvres figurent dans le roman a joué un rôle majeur dans la construction du personnage de Christian Mara : elle m’a expliqué comment elle peignait telle ou telle toile, abordant la partie technique mais aussi ce mécanisme particulier qui fait qu’une idée artistique est portée par une émotion, et vice versa. De cendres et de larmes, à sa façon, est un conte spirituel contemporain qui explore les rapports de la matière et de l’esprit dans un contexte social anxiogène.

 

 

De cendres et de larmes
« Une tension oppressante qui maintient le lecteur à la frontière du thriller et du surnaturel grâce à une intrigue qui réveille l’imagination. » 20 Minutes
« Sophie Loubière explore les tréfonds de l’âme humaine et invente un nouveau genre dans la famille des policiers psychologiques. » Le Parisien Etudiant
« Une bouleversante intensité » Vaucluse Matin


Madeline, Christian et leurs enfants rêvent depuis longtemps d’un appartement plus grand où chacun aurait son espace. Un rêve rendu impossible par la réalité du marché parisien. Quand l’occasion se présente pour Christian d’obtenir le poste de conservateur au cimetière de Bercy, avec un pavillon de fonction de 180 m2, la famille Mara n’hésite pas et s’y installe au début de l’été 2019. Peu à peu, les enfants se font au panorama. Tandis que Madeline, caporale cheffe sapeur-pompier, sauve les vivants, Christian veille les morts. L’âpreté de son métier réveille bientôt en lui le besoin d’extérioriser ses émotions par la peinture. Au cœur de ce fragile équilibre où les métiers de l’un et de l’autre pèsent lourd, la maison révèle ses fêlures. Lentement. Insidieusement.
Quelque chose menace cette famille recluse au milieu des tombes.
Une menace dont personne ne mesure encore l’ampleur.

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