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Par Gründ, publié le 16/03/2022

Diariata N'Diaye : "Résister, ça demande déjà beaucoup d'énergie !"

Chaque année, le harcèlement scolaire fait de nouvelles victimes. Pour sensibiliser les enfants à ce sujet et donner aux parents et aux enseignants les clés de compréhension, Diariata N'Diaye s'est attaquée à ce sujet avec tout son talent, toute son expérience et tout son cœur.

À l'occasion de la sortie de son premier album jeunesse aux éditions Gründ, l'autrice répond à nos questions et revient sur la création de son histoire.

 

 

Diariata N'Diaye, vous êtes l'autrice de l’album jeunesse Arsène et Marcelle me harcèlent. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur vous ?

Je suis artiviste, c’est-à-dire que j'utilise l'art pour sensibiliser de façon générale à la question des violences. Ça va faire vingt ans que je travaille sur ces sujets, généralement auprès d'un public adolescent, voire jeune adulte. La thématique du harcèlement est un sujet que j'aborde au quotidien dans mon travail. Avec Arsène et Marcelle me harcèlent, l'idée était de parler aux plus jeunes (7-10 ans). Et ça tombe bien, car j'ai trois enfants qui ont 7, 8 et 11 ans. J'ai donc eu cette idée d'aborder le sujet avec eux grâce à ce support. J'ai un peu fait le livre que je veux pour travailler avec mes enfants. J'ai d'ailleurs fait lire le texte à mes enfants, une fois terminé, et ils ont fait des remarques très pertinentes que j'ai ajoutées.

 

Pouvez-vous nous partager une remarque de vos enfants ?

Dans l'album, il y a cette idée d'écrire sur des morceaux de papier. J'incite beaucoup mes enfants à écrire les choses. Et dans la première version du livre, il n'y avait pas cette possibilité d'écrire. Ma fille m'a fait la remarque et elle avait raison. Alors, je l'ai ajoutée.

 

Quelles ont été vos inspirations pour écrire cette histoire ?

C'est plein de récits différents qui m'ont inspirée. Les mécaniques des violences de façon générale sont les mêmes partout… J'ai rencontré plein de gens victimes de harcèlement donc je sais très bien ce qu'il se passe et comment ça arrive. J'ai pris tous les points communs dans toutes les histoires des victimes de harcèlement que je connais, pour en faire une histoire globale.

On demande souvent aux victimes de harcèlement les mêmes choses : Pourquoi ils n'ont pas parlé ? Pourquoi ils ne savent pas se défendre ? Je pense que c'est important de raconter pourquoi ils sont dans l'incapacité de répondre... C'est aussi en racontant les émotions que tu touches les gens. Cependant, je pense qu'il faut aussi raconter les auteurs de harcèlement, car il y a tous ceux qui harcèlent et tous ceux qui rejoignent la meute sans s'en rendre compte… Et je pensais que c'était important d'expliquer tout ça.

Et puis surtout, le rôle des témoins. On a un vrai problème car on demande à la victime de s'en sortir seule ou de dénoncer seule, mais c'est compliqué... C'est pour ça que c'est important de donner un rôle, une mission au témoin parce qu'il y a plein de gens qui ne font rien car ils ne savent pas quoi faire. Alors, il faut montrer l'exemple car c'est un rôle stylé d'être témoin : c'est être un héros.

 

Le texte est entièrement écrit en slam. Comment cet exercice stylistique a été approché ?

J'écris depuis que j'ai 11 ans et je suis slameuse depuis mes 15 ans. Je ne me voyais pas écrire une histoire autrement. Pour moi, écrire en rimes est naturel maintenant. D'ailleurs, je me suis vraiment amusée à écrire ce texte ! Je l'ai écrit comme une grande chanson.

Si on m'avait demandé de ne pas écrire en rimes, ça aurait été plus compliqué pour moi. C'est une thématique qui me parle, je sais pour qui je l'ai écrit, j'avais mes intentions derrière...

Et pour le guide à la fin du livre, c'est pareil. C'est important de donner des pistes car je pense sincèrement que quand les gens ne font rien, c'est parce qu'ils ne savent pas. Pour moi, les gens ne sont pas méchants… C'est juste qu'ils ignorent des choses car ils n'ont pas les clés ou on ne leur a pas montré.

 

Future grande cause nationale, le harcèlement scolaire est le sujet de votre texte. Pourquoi avoir choisi d'aborder ce thème ?

Parce que ça touche énormément d'enfants. Il y a beaucoup de personnes qui sont directement concernées par le harcèlement : en tant que victimes, en tant que témoins et en tant qu'auteurs. C'est un fléau énorme donc c'est important d'apprendre l'empathie aux gens, notamment aux enfants, les aider à s'exprimer… Si on s'y attaque, on peut vraiment faire reculer la question. Surtout quand on sait les conséquences…

En réalité, ces sujets-là, on a toujours l'impression que ça concerne les autres. Alors qu'il faut vraiment en faire un sujet auprès des enfants, leur dire de ne pas harceler les autres, d'être gentil avec les autres, bienveillants. Après, c'est une déformation professionnelle mais mes enfants, je leur demande souvent s'ils vont bien, mais aussi si d'autres enfants sont seuls à l'école… Et si oui, qu'est-ce qu'ils font ? J'aborde avec eux toutes les thématiques autour des violences. Grâce à ce livre, je vais même pouvoir traiter toutes les situations en classe.

 

Quels conseils donneriez-vous aux enfants ou aux parents face à cette situation de harcèlement ?

Déjà, il faut rassurer les victimes de harcèlement, leur dire que ce n'est pas de leur faute et qu'elles ont le droit d'être comme elles sont, que les méchants ce n'est pas eux. Les rassurer sur le fait que ça ne va pas durer toute la vie… Et surtout, en cohérence avec le message que je passe habituellement, je pense que cet enfant est plus que courageux car c'est hyper compliqué de subir des violences. Résister, ça demande déjà beaucoup d'énergie. Je m'adresse donc à tous les enfants qui ne sont pas concernés par le harcèlement ou, au contraire, concernés en tant qu'harceleurs… Je leur dis d'arrêter, qu'il ne faut pas le faire. Quant à ceux qui voient, je leur dis d'aller demander de l'aide à un adulte.

Pour les parents, c'est le conseil que je donne dans le livre : il ne faut pas qu'ils culpabilisent d'être les derniers au courant car c'est le cas dans la vraie vie. Par principe, les enfants cachent leurs problèmes à leurs parents. Je leur conseille de définir aussi des adultes de confiance, pour que leurs enfants aient une relation privilégiée avec une autre personne. Et c'est à cet adulte de référence d'y aller, de poser souvent les mêmes questions… C'est aux adultes de faire du harcèlement un sujet et switcher avec les enfants des autres sur ces sujets-là.

 

Quel est le plus beau retour que vous pourriez recevoir sur ton texte ?

C'est de savoir que des situations qui étaient inconnues ont été révélées, peu importe par qui. Que ça soit le harcelé ou le témoin qui en parle, il faut juste révéler des situations car il n'y a rien de pire que la solitude dans les différentes situations de harcèlement. Et que ça donne du courage aux personnes qui liront l'ouvrage ! Peu importe qui : les parents, les enseignants, les enfants, les témoins, les harceleurs…

Je crois au pouvoir de l'art et c'est d'ailleurs pour ça qu'il y a une version audio du texte.

 

Si vous deviez dire quelques mots à vos jeunes lecteurs et lectrices, que diriez-vous ?

Je leur dirais de choisir quel personnage ils veulent être dans cette histoire. Personne ne veut être le méchant, normalement. Si j'ai bien travaillé, tout le monde voudra être Aylah. En tout cas, j'espère, car ils peuvent tous et toutes être des Aylah.

Et Aylah, c'est ma fille, mon aînée. C'est donc ma façon de leur dire que je veux qu'ils soient elle car ce rôle de témoin est vraiment cool.

 

Arsène et Marcelle me harcèlent
« Voici Louise, Amin, Marcelle, Moussa
Clara, Théo, Arsène et Aylah.
Au début, je les aimais bien,
On se disait bonjour tous les matins.
 
Puis, sans raison, je crois que de moi, ils ont eu marre.
Sans savoir pourquoi, ils m’ont fait vivre un vrai cauchemar.
 »
 
Un texte en slam de l’artiste engagée Diariata N’Diaye pour parler du harcèlement aux enfants.
L’histoire, illustrée par Ama, est suivie de conseils pour apprendre à faire face à la situation, que l’on soit victime, témoin, harceleur, parent ou enseignant.

En cadeau, un QR code avec une version en musique de l'histoire, interprétée par Diariata N'Diaye.

Gründ