Lisez! icon: Search engine
Par le cherche midi éditeur, publié le 25/08/2022

Gwenaële Robert : « C'est le privilège du romancier de raconter ce qui se passe « derrière » l'histoire officielle »

Illustre auteure de la collection des Passe-murailles au cherche midi, Gwenaële Robert propose une plongée dans le Cherbourg de juin 1964, sur fond de guerres du Nouveau Continent et d’alliance impromptue entre un journaliste et une noble déchue. Rencontre autour de ce récit palpitant.

Quels ont été les prémisses de Sous les feux d’artifice ? Sur quelles envies et passions le roman s’est-il construit ?

G
wenaële Robert : Comme souvent, le point de départ est anecdotique : je me promenais dans le cimetière des Aiguillons à Cherbourg lorsque j’ai été attirée par des tombes de soldats américains datant de la guerre de Sécession. J’ai ainsi découvert qu’une bataille navale entre un navire confédéré et un navire yankee avait eu lieu en juin 1864 en rade de Cherbourg. Mais pour qu’une telle découverte donne naissance à un roman, il faut qu’elle soit plus qu’une curiosité ponctuelle, qu’elle rejoigne des thèmes personnels, une appétence profonde. Or je suis fascinée depuis toujours par la chute des empires, la fin des mondes, les charnières entre deux époques etc. C’est un thème récurrent dans mes précédents romans. J’avais depuis longtemps en tête l’idée de raconter l’échec de la campagne du Mexique lancée par Napoléon III, qui est un épisode fascinant et hautement symbolique. Or les deux événements sont absolument contemporains. Il m’a semblé qu’ils se répondaient de chaque côté de l’Atlantique, qu’ils s’offraient l’un à l’autre à la fois un miroir et une caisse de résonance.

Il s’agit de votre troisième roman historique, après Le Dernier bain et Never Mind. Qu’est-ce qui vous séduit dans ce genre, quel plaisir y trouvez-vous ?

Je ne pense pas tellement que le roman historique soit un genre à part entière, ni qu’il procède d’une intention spécifique. Il s’agit toujours de raconter une histoire qui se dépasse elle-même, quel que soit le point de la frise chronologique sur laquelle on place le curseur de sa narration – aujourd’hui ou hier. Qu’un roman se déroule à une époque antérieure à la nôtre ne l’empêche pas d’être un roman psychologique, policier, d’aventures ou que sais-je encore ! Ensuite, bien sûr, le récit rétrospectif offre un recul qui permet de mieux saisir les enjeux d’un événement, sa portée symbolique. J’aime cette impression de bénéficier d’un panorama plus large, d’un point de vue surplombant celui des personnages. Dans le roman, la cécité des spectateurs de la bataille nous apparaît parce que nous connaissons l’issue du conflit, ses enjeux… Au-delà de ça, il y a chez moi un plaisir très vif à explorer le XIXe siècle qui, avec ses différents régimes politiques et ses révolutions, apparaît comme un véritable laboratoire politique et social.

On imagine des recherches historiques extensives dans l’élaboration de ce nouveau livre. Parlez-nous du temps de l’enquête, de la découverte et de la reconstitution.

Le roman s’étend sur une semaine, du 10 au 17 juin 1864. Les récits d’époque ainsi que les documents officiels permettent d’en établir la chronologie très précise. La bataille elle-même a été relatée par de nombreux témoins. La difficulté, à mon sens, n’est pas de procéder aux recherches (c’est au contraire un travail très méthodique et rassurant), mais de les abandonner à un moment donné pour faire entrer la fiction dans le cadre établi. Alors commence le roman…

Quelle liberté vous autorisez-vous au sein de la véracité historique ?

Je ne me pose jamais cette question. Au sein du cadre défini par la chronologie, la liberté est immense, je ne me sens jamais empêchée. La seule véritable exigence pour moi est de reconstituer une atmosphère et d’être au plus près de mes personnages, de vivre avec eux, de plein pied dans leur époque qui devient un peu la mienne. Je m’efforce de sentir ce qu’ils sentent, de voir ce qu’ils voient, d’employer leur langage, de coller au plus près d’une réalité psychologique, laquelle est déterminée par une époque, un environnement social, politique, etc. Lorsque l’on est complètement immergé dans une époque, on sent d’instinct ce qui sonne faux, on développe une sorte d’antenne qui vibre à chaque anachronisme.

Comment avez-vous façonné Théodore Coupet, ce journaliste discret dont la plume fait pourtant fureur ?

Le journaliste, c’est vraiment le héros romanesque du XIXe siècle. J’ai pensé à Bel Ami, aux Illusions perdues, etc. C’est un ex-idéaliste qui s’est fracassé contre la réalité du monde. Le personnage de Théodore Coupet rêvait de couvrir les événements politiques et se retrouve chroniqueur mondain. Et voilà que la bataille navale va lui offrir l’occasion de se propulser hors de ce milieu !

Qu’est-ce qui vous intéressait dans la dynamique de son duo avec Mathilde des Ramures, ancienne noble désargentée ?

C’est l’une de ces alliances improbables que favorisent les événements historiques exceptionnels ; pour l’un comme pour l’autre, c’est un pas de côté. Ce qui m’intéresse et qui me plaît, c’est la dynamique de ce duo : Mathilde des Ramures déroge aux valeurs de la noblesse en se lançant dans une affaire financière et Coupet fait preuve d’un désintéressement aristocratique en acceptant de l’aider. Il y a ici non pas un renversement des valeurs mais comme une transfusion.

Sous les feux d’artifice donne une place de choix aux personnages féminins – ce qui n’est pas chose commune dans les récits historiques. Est-ce un axe qu’il vous était important de travailler ?

Les personnages féminins m’intéressent parce que leur statut au XIXe siècle les oblige à agir dans les marges de l’Histoire, dans les sphères privées, hors des actions publiques et des déclarations tonitruantes. Or c’est précisément le terrain du romancier : imaginer ce qu’il s’est passé hors cadre, dans les coulisses. Même si l’Impératrice Charlotte du Mexique a un rôle politique, je me suis efforcée de la rejoindre dans ses interrogations, ses angoisses intimes, tout ce que les rapports de ses premiers pas au Mexique ne relatent pas mais que je devine en pénétrant sa conscience. C’est le privilège du romancier de raconter ce qui se passe « derrière » l’histoire officielle. Et dans l’exercice de ce privilège, on rencontre beaucoup de femmes que l’Histoire a oubliées.


Sous les feux d'artifice
Lorsqu’un navire yankee entre en rade de Cherbourg un matin de juin 1864 pour provoquer l’Alabama, corvette confédérée que la guerre de Sécession condamne à errer loin des côtes américaines, les Français n’en croient pas leurs yeux.

Au même moment, Charlotte de Habsbourg, fraîchement couronnée impératrice du Mexique, découvre éberluée un pays à feu et à sang.

Le monde tremble. Mais le bruit des guerres du Nouveau Continent ne doit pas empêcher la France de s’amuser. Encore moins de s’enrichir. Théodore Coupet, journaliste parisien, l’a bien compris. Envoyé à Cherbourg pour couvrir l’inauguration du casino, il rencontre Mathilde des Ramures, dont le mari s’est ruiné au jeu avant de partir combattre au Mexique. Ensemble, ils décident de transformer la bataille navale en un gigantesque pari dont ils seront les bénéficiaires. À condition d’être les seuls à en connaître le vainqueur…

Pendant cette semaine brûlante, des feux d’artifice éclatent de chaque côté de l’Atlantique. Dans le ciel de Mexico comme dans celui de Cherbourg, ils couvrent les craquements d’un vieux monde qui se fissure et menace d’engloutir dans sa chute ceux qui l’ont cru éternel.

le cherche midi éditeur
le cherche midi éditeur

Lisez maintenant, tout de suite !

  • Sélection
    Babelio

    Le polar régional

    Visiter une région à travers des romans policiers est un luxe dont raffolent les amateurs de polars régionaux. De la Bretagne au Pays basque en passant par l’Alsace, on entre dans les us et coutumes d’une terre avec ses particularités, ses complexités, ses beautés aussi - et ses crimes. De quoi rendre la visite plus attrayante ?

    Lire l'article