Dans Les Durs à cuire, vous mettez en scène un conflit entre deux générations qui ont une vision assez différente de la vie. Qu’est-ce qui vous a inspirée sur ce thème, des exemples autour de vous, votre propre histoire ?
Ma propre histoire, oui et non. Comme Sixtine, le personnage principal des Durs à cuire, j’ai grandi dans une famille atypique. Mon père est le fondateur d’un groupe de punk anglais actif depuis la seconde moitié des années 1970. Mes parents sont des Durs à cuire à n’en point douter ! Mais la comparaison entre ma vie et la sienne s’arrête là. Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours eu conscience qu’avoir des parents comme les miens était un privilège. Les personnages du roman ont des vies très différentes et des visions à des années-lumière les unes des autres. Ils n’ont plus vraiment de rapports et avec le temps, ils sont presque devenus des étrangers. Je me plais à croire qu’il suffit parfois de décider de pardonner et de s’aimer pour que ça marche, chercher ce qui nous rapproche plutôt que ce qui nous sépare pour avoir de belles surprises.
Il y a également un thème sous-jacent, le fait d’assumer ce que l’on est, sans avoir peur du jugement ou du regard des autres : c’est ça la maturité, d’après vous ?
Là, c’est le moment où je réalise que ce thème sous-jacent est aussi celui de mes deux précédents romans (rires). C’est peut-être obsessionnel chez moi, finalement ! Je me dis que si l’on ne fait pas attention ou si la vie ne nous fait pas un croche-patte qui nous oblige à bousculer nos certitudes, on peut facilement passer à côté de soi, devenir quelqu’un d’autre, se conformer à ce que l’on attend de nous. Ce n’est pas une question d’âge ou de maturité, mais disons qu’une fois lancé dans nos vies d’adulte, on a tellement la tête dans le guidon que s’arrêter pour remettre les curseurs de nos rêves à niveaux n’est pas toujours facile, voire possible. Assumer ce que l’on est, c’est ce qu’il y a de plus difficile à faire, mais c’est ce qui devrait être le « projet » de notre vie. « Se chercher, se trouver et devenir la personne que l’on veut être », cela peut ressembler à une posture de rêveur : j’assume !
La question du rapport mère-fille est aussi très présente dans ce roman, que vouliez-vous transmettre à ce sujet ?
Ce n’est pas tant le rapport mère-fille, mais plutôt celui de la transmission culturelle. J’adorerais qu’après avoir lu le roman, le lecteur interroge à son tour son rapport à ses parents et/ou à ses enfants. Penser sa lignée, son héritage culturel ; d’ailleurs, il ne s’agit pas toujours de liens du sang. Nous sommes tous faits de ce que nous avons reçu dans les premières années de notre vie, dans notre enfance, notre adolescence ; c’est la matière avec laquelle nous construisons l’adulte que nous devenons. Certains se construisent « d’après » et d’autres se construisent « contre » leur éducation. J’imagine que la solution se situe quelque part entre les deux. Si vous n’avez pas encore vu le magnifique documentaire Les Rivières de Mai Hua, un film sur la transmission, l’acceptation, la recherche et la quête de soi, je vous le recommande chaudement.
Comme dans vos précédents romans, Les Sales Gosses et Les Imbéciles Heureux, les grands-parents tissent des liens particuliers avec leurs petites-filles. Vous pensez que c’est plus facile d’être grands-parents que parents ? En quoi le rapport change en sautant une génération ?
Les enjeux sont différents. On peut prétendre tant qu’on veut que l’on ne se projette pas dans nos enfants ; mais dès lors que l’on veut le meilleur pour eux, ils portent une part de nos rêves et de nos espoirs. L’enjeu est différent entre les grands-parents et leurs petits-enfants. Le lien est soulagé du poids de la responsabilité, du quotidien, des injonctions sociétales. En prenant de l’âge, on prend aussi du recul, ça peut s’avérer (très) utile pour éduquer les prochaines générations. J’aime aussi l’idée que l’on s’améliore avec les années, que l’on comprend que tout n’est pas définitif et qu’on puisse apprendre de nos erreurs.
Les Durs à cuire, c’est également l’histoire d’une famille de musiciens qui reste finalement très unie par cette passion : c’est une chose que vous avez souvent observée, les familles qui partagent « un truc », un don spécial qui les rassemble ?
J’avais envie d’évoquer l’héritage non-matériel qui passe d’une génération à une autre, ce que l’on se transmet par le cœur en étant simplement ensemble. Les Durs à cuire auraient pu être une famille éprise de cuisine, de randonnées, de politique, de chats, de jardinage, de voyages, de Scrabble même ! Une fois les liens entre les membres d’une même famille distendus jusqu’à un certain point, il ne reste plus que le symbolique pour réveiller la nostalgie et peut-être les réunir de nouveau.
Des familles et leurs secrets. Un grand pâtissier new-yorkais ou une jeune esclave de la Mésopotamie antique. Des grands-parents punk, un policier sibérien, la mafia japonaise ou Simone Veil. Avec qui… et sous quel signe allez-vous passer Noël ?
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