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Par Les Escales, publié le 12/01/2023

Interview de Frédéric Couderc à l'occasion du lancement de Hors d'atteinte

Frédéric Couderc fait surgir de l'oubli Horst Schumann, sinistre médecin du calibre de Mengele. 

 

« Bonjour je suis Frédéric Couderc et je suis très heureux de vous présenter mon premier roman paru aux Éditions Les Escales pour cette rentrée littéraire de janvier 2023. »

  • Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce nouveau roman ?

« J’avais cette idée depuis longtemps que les nazis fugitifs de haut rang n’avaient pas pu tous se cacher entre l’Argentine et l’Amérique. Je passe plusieurs semaines par an en Afrique du Sud, et l’apartheid m’apparaissait un régime favorable à l’accueil d’un fugitif nazi. Mais non, c’est curieusement au Ghana que j’ai trouvé un monstre absolu, un Mengele oublié de tous, protégé au début des années soixante par le héros de la décolonisation, Nkrumah ! »

  • Comment se sent-on lors de l’écriture d’un roman comme celui-ci ? Quelles sont les difficultés de ce sujet ?

« Quand on se lance dans une histoire pareille, on sait qu’il faudra plus de 500 pages (beaucoup plus que ce que je fais habituellement). Il fallait donc mener une enquête littéraire irréprochable, aller chercher partout, et lorsque je ne savais pas… le dire au lecteur. C’est pour cela que j’ai imaginé un personnage qui s’appelle Paul, cet écrivain du livre qui est confronté à la même excitation, au même dégoût et aux mêmes réussites que je l’ai été durant ces deux années d’écriture. J’ai eu beaucoup de soutien, notamment celui de Philippe Sands ; dont on connaît La filière, qui m’a tout de suite encouragé à faire ce livre. Et progressivement la valeur de ce travail s’est imposée d’autant que j’ai bénéficié d’une résidence de la région Île-de-France avec le mémorial de la Shoah. Et c’est là que j’ai compris en discutant avec eux que ce n’est pas seulement un médecin d’Auschwitz, ce qui est déjà terrible. Mais le narrateur va constamment se poser la question de sa présence ici. Car si la raison est juste de faire un livre de plus cela n’a pas d’intérêt. Le narrateur se refuse l’idée que Auschwitz ou la Shoah soit seulement un filon littéraire ou une exploitation littéraire de plus. Il faut qu’il y ait une urgence et l’urgence pour moi c’était la découverte de ce dont on n’a jamais entendu parler.

Mais alors le défi est qu’en retour il faut être impeccable. Il faut croiser les sources et être d’une rigueur absolue. Et n’étant pas historien mais romancier, j’essaie de conjuguer les deux talents. »

  • Qu’avez-vous réalisé en écrivant Hors d’atteinte ?

« C’est un livre très spécial pour moi. Je suis cerné par la Shoah depuis l’enfance. Je suis seulement né vingt ans après la libération d’Auschwitz, ce n’est rien vingt ans quand on y réfléchit. Et il s’agit alors de comprendre ce trou noir. Comment cela a été possible. Et moi qui pourtant étais documenté sur le sujet, vous le verrez dans le livre, je relis et je pleure encore. On touche avec Schumann au plus intime, avec la stérilisation forcée ou encore la castration. On se dit : mais pourquoi et comment ce programme de stérilisation massive engendré par Hitler a pu voir le jour ?  On se questionne sur beaucoup de choses. Et aujourd’hui lorsque j’ai compris que ce fameux Schumann avait pu échapper à la justice, mon défi était alors de lui faire la peau à travers ce bouquin. J’ai un visage assez dur sur la photo du livre car dans celui-ci je suis un chasseur de nazis. »

  • Avez-vous eu l’occasion durant ce périple de récolter des témoignages poignants ?

« D’une certaine façon la boucle a été bouclée au moment où j’ai localisé en France une survivante passée dans les mains de Schumann. Je ne m’y attendais pas du tout, nous sommes tellement loin dans le temps que la plupart des femmes et des hommes sont morts. Mais parmi les quelques survivants que l’on peut retrouver dans le monde entier, il y a un groupe qui s’appelle « Les Parisiennes ». Il y a notamment Génia que j’ai pu avoir au téléphone exactement comme Paul le fait dans le livre. Et quand se percutent à ce point fiction et réalité, c’est l’émotion qui prend le dessus. Parce qu’elle m’a fait part de certaines choses qu’en tant qu’écrivain j’imagine seulement, mais que Génia a réellement vécues. Et je peux voir aussi qu’il y a parfois des silences où l’on comprend qu’elle ne souhaite pas aller plus loin dans son récit. Et mon rôle d’écrivain c’est d’essayer d’aller plus loin que son silence. De parler de ce silence. Et c’est là que la fiction trouve toute sa justification dans la lutte contre l’oubli. »

  • Comment arrive-t-on à contrôler son émotion face à un sujet aussi dur que celui-ci ?

« On ne va pas se mentir, le sujet est dur. Et mon travail a été de ne pas rendre la lecture insoutenable. On est sur l’expression des ressentis des victimes et donc la lecture est beaucoup plus empathique. Nous ne sommes plus uniquement dans la révolte et dans la colère mais on suit et s’attache aux familles et aux personnages également. Paul a 45 ans, il est célibataire, il lui arrive de nombreuses choses et on se retrouve dans une vie de famille « d’aujourd’hui ». Mon pari a été de faire que le lecteur se sente dans une saga familiale et dans un livre d’amour. »

« Il me reste à vous souhaiter une bonne lecture. Et je serais très attentif à tous vos retours durant cette année 2023 où je serais présent dans les librairies, en rencontres, dans les médiathèques. Et le lien, même s’il ne se fait pas sur les réseaux sociaux, peut se faire par mail et via mon éditeur me permettant de rester attentif à votre sensibilité concernant ce texte. Merci. 

Hors d'atteinte
Hambourg, été 1947. Le jeune Viktor Breitner arpente sa ville dévastée. Un jour, il croise Nina, une rescapée des camps dont il tombe éperdument amoureux. Elle disparaît, son absence va le hanter pour toujours, autant que le fantôme de sa soeur Vera, morte au début de la guerre.
Soixante-dix ans plus tard, Viktor s’évanouit à son tour. En se lançant à sa recherche, son petit-fils Paul découvre avec effroi que celui-ci est mystérieusement lié à un doktor SS d’Auschwitz semblable à Mengele : Horst Schumann. Paul est un écrivain à succès, l’histoire de son grand-père, c’est le genre de pépite dont rêvent les romanciers. Mais il redoute par-dessus tout la banalisation de la Shoah, et sa soif de vérité le mènera jusqu’aux plaines d’Afrique, dans une quête familiale aussi lourde que complexe.
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