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Par Lisez, publié le 12/06/2018

[Interview] Jean-Philippe Bouchard décortique la méthode Didier Deschamps

Cible favorite des critiques, adepte de la langue de bois, Didier Deschamps continue d’être qualifié de "chanceux" par ses détracteurs. A l’aube de la Coupe du Monde 2018, le journaliste Jean-Philippe Bouchard publie un livre qui prend le contrepied de toutes les critiques et démontre l’esprit tactique hors-pair du sélectionneur des Bleus. Rencontre.

Cible favorite des critiques, adepte de la langue de bois, Didier Deschamps continue d’être qualifié de "chanceux" par ses détracteurs. A l’aube de la Coupe du Monde 2018, le journaliste Jean-Philippe Bouchard publie un livre qui prend le contrepied de toutes les critiques et démontre l’esprit tactique hors-pair du sélectionneur des Bleus. Rencontre.

Publié ces jours-ci aux éditions Solar, Dans la tête de Didier Deschamps s’est donné une mission simple : remettre les pendules à l’heure. Journaliste sportif pendant plus de vingt ans, notamment à L’Équipe et France Football, Jean-Philippe Bouchard a souhaité démontrer à coups de statistiques et faits précis à quel point Didier Deschamps était un tacticien hors pair et un calculateur implacable. Découpé en six chapitres, son livre s’intéresse aussi bien au choix des joueurs qu’au staff qui accompagne le célèbre "DD". Jean-Philippe Bouchard décortique ses axes de communication, revient sur l’affaire Benzema et n’oublie pas de le rappeler : la seule chose qui compte pour Didier Deschamps, c’est l’intérêt du groupe, l’intérêt de l’équipe de France.

Plusieurs livres ont déjà été publiés sur Didier Deschamps. Avez le vôtre que souhaitiez-vous dire de plus ?

Tout le monde a un avis sur l’équipe de France, ça va du style de jeu à des choses bien plus complexes. L’équipe de France cristallise énormément d’attention et tout le monde à un avis dessus. Avec Didier Deschamps, on est un peu face à un délit de sale gueule. Il est assez critiqué, on considère que ce qu’il fait ne va pas. Globalement, pour l’opinion publique ce qu’il fait n’est jamais suffisant. Si l’équipe de France se qualifie pour la Coupe du Monde on va dire qu’elle aurait dû le faire mieux, si elle gagne on va dire qu’elle aurait dû marquer avec plus de buts d’écart. Quand Deschamps sélectionnait Benzema et qu’il ne marquait pas on se demandait pourquoi il le prenait. Quand il arrête de le prendre, on le lui reproche… Bref, ça ne va jamais. Donc moi, j’ai mis en face des statistiques et des faits pour combattre les idées reçues.

Dans votre livre, vous citez une étude datant de 2017 qui place Didier Deschamps dans le top 20 des personnalités les plus médiatisées de France. Les sélectionneurs précédents étaient-ils aussi médiatisés ?

Oui, c’est un poste qui rend fou ! Si on prend les précédents sélectionneurs, on voit que ça a toujours été un peu compliqué. Laurent Blanc a su garder la tête sur les épaules mais ça ne s’est pas très bien terminé, Raymond Domenech n’en parlons pas, Jacques Santini a explosé en vol… Le dernier qui a su rester à sa place c’est Aimé Jacquet. Il a gagné ce qui a apaisé les choses, mais il l’a fait dans la souffrance. Le poste de sélectionneur est très compliqué car c’est un poste très exposé. On est responsable de tout, jusqu’au joueur qui tire sur le poteau.

De votre point de vue, comment s’en sort Didier Deschamps dans son rôle de sélectionneur ?

Objectivement, il arrive à une période où il y a un terreau de joueurs incroyables. On pourrait dire que c’est de la chance sauf que ce n’est pas que ça. Il choisit ses moments et ses équipes. Ce que je décortique dans le bouquin c’est qu’il a une méthode, qu’il prend en compte tous les paramètres. C’est une personne qui ne prend aucune décision à la légère. Tout est pensé, tout est calculé, et les résultats sont là. A l’issue de la Coupe du Monde – sauf catastrophe – Didier Deschamps sera le sélectionneur français qui sera resté le plus longtemps à la tête de l’équipe de France et qui aura le plus gagné.

Zinedine Zidane a annoncé il y a peu qu’il quittait le Réal Madrid. Didier Deschamps a commenté en ces termes : "Il sera à un moment sélectionneur". C’est la suite logique d’après vous ?

C’est tout à fait logique. Ils sont issus du même terreau, ils ont la même façon d’entraîner. Zidane c’est aussi un pragmatique. Il est allé jusqu’au bout de ce qu’il pouvait faire avec le Réal Madrid, il a totalement optimisé son équipe, il a fait un truc incroyable. Il part au sommet avec son image intacte. Entraîner l’équipe de France est donc la suite logique.

A une époque, le divorce entre les Bleus et le public était quasiment consommé. Diriez-vous que si l’équipe de France suscite à nouveau l’enthousiasme c’est un grande partie grâce à Didier Deschamps ?

Oui, évidemment. Après, il faut se souvenir qu’il n’a pas récupéré les Bleus tout de suite après le drame de l’Afrique du Sud. C’est Laurent Blanc qui y est allé et qui a préparé le terrain on va dire. Didier Deschamps y serait bien allé tout de suite mais finalement il a compris qu’il fallait du temps. Il est arrivé il y a quatre ans à une bonne période. Actuellement, il y a des joueurs incroyables qui émergent. Et bien sûr, cela suscite de l’enthousiasme. Mais par rapport à la Coupe du Monde 2018, je pense qu’il ne se passera pas beaucoup de choses dans le pays avant les quarts de finale.

A chaque nouvelle sélection, le buzz reprend de plus belle autour de Karim Benzema. Cela a encore été le cas cette année.

Forcément puisque Karim Benzema a accompagné le succès du Réal Madrid cette saison. C’est l’un des joueurs français qui a gagné le plus de Ligue des Champions, qui a marqué le plus de buts en Ligue des Champions… Tout ça, ça se voit. Sauf que Benzema, Didier Deschamps l’a soutenu pendant longtemps. Il l’a porté à bout de bras alors qu’il ne marquait pas de but en Équipe de France. Il cristallisait toutes les critiques, Deschamps l’a maintenu, et juste avant l’Euro l’affaire de la sextape éclate. Mais la victime c’est Deschamps. Avec cette histoire il a perdu deux de ses meilleurs joueurs.

Vous écrivez dans votre livre que Didier Deschamps est le roi de la langue de bois. Pourquoi ne s’exprime-t-il jamais sur ses choix ?

Parce que c’est impossible en fait. C’est une fonction qui ne permet pas de communiquer. A partir du moment où l’on parle on donne des clés à l’adversaire pour nous battre. Par ailleurs, politiquement ça l’intéresse de ne pas justifier ses choix parce qu’il sait qu’il ne va faire que des déçus. Avant les grands rendez-vous, il y a une soixantaine de joueurs qui sont présélectionnés. Au final, il en choisit une vingtaine. Donc déjà, il y a quarante joueurs qui sont déçus. C’est terrible pour un joueur. En fait, le sélectionneur de l’équipe de France fait beaucoup de déçus donc il ne peut pas s’expliquer sur tous les cas. S’il commence à s’expliquer il va donner le flanc à la critique ou donner des éléments qui vont être mal interprétés.

En tant que journaliste et amoureux du football, vous portez quel regard sur ce Mondial 2018 ?

Il y a plusieurs points intéressants. D’abord, il ne va pas faire très chaud. Ce qui est bien car les grands tournois comme celui-ci arrivent toujours à un moment où les joueurs sont épuisés. L’autre point positif pour l’équipe de France c’est que l’on a une génération de joueurs assez dingue. Ils sont jeunes, inexpérimentés mais au niveau du talent on a jamais eu ça. D’ailleurs, sur le papier en valeur de transfert, l’équipe de France est actuellement la plus chère du monde. Elle vaut un milliard ! Cela ne veut pas dire qu’elle va gagner mais c’est de bon augure.


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