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Par le cherche midi éditeur, publié le 17/05/2022

Jérôme de Verdière : " Ce roman est une comédie… inquiétante "

Fidèle à l’humour caustique qui le caractérise, le journaliste et animateur de radio s’empare des thématiques passionnantes du couple et des bouleversements sociétaux actuels dans un roman brillamment dialogué. La Robe n’épargne personne et dit avec beaucoup de finesse et d’humour un monde aux dynamiques complexes. Rencontre mordante avec Jérôme de Verdière.

Quel a été le point de départ de La Robe ?

La montée en puissance du néo-féminisme et du mouvement #MeToo. J’avais souvent des conversations animées à ce sujet avec ma femme – à la maison, parfois, c’est « Droit de réponse » ! (rires) –  et un jour, pour finir une discussion sur une note légère, j’ai lancé : « Je veux bien faire tout pour changer mais je te préviens : jamais je ne mettrai de robe ! ». Je tenais le début du roman. J’ai donc imaginé un monde qui encouragerait ou même forcerait les hommes à porter des robes. Comme pour mes pièces de théâtre, je suis parti d’une situation burlesque.

En tant qu’auteur, je me sens comme un scientifique un peu barge qui fait des expériences sur des souris, autrement dit mes personnages : je les place dans une situation et je vois comment ils réagissent. Lorsque je m’attaque à la première page, je ne sais pas ce qui se passera dans la deuxième, et ainsi de suite. Je dis souvent – et ce n’est pas qu’une formule – que ce sont mes personnages qui me dictent la suite du texte.

 

Vous qui vous êtes frotté plusieurs fois aux textes de théâtre par le passé, pourquoi avoir choisi la forme littéraire pour cette histoire ?

La Robe devait être ma quatrième pièce de théâtre ; j’avais même eu l’accord de plusieurs comédiens de renom pour la monter… et puis le COVID est arrivé ! Je me suis dit que si ça se faisait, ce serait en 2037 ! Or j’avais vraiment envie de faire vivre cette histoire, ces personnages, ces thèmes, et je sentais que c’était le moment avec l’arrivée en grande pompe (et je ne parle pas de chaussures !) dans le débat public du néo-féminisme, des théories du genre, de la déconstruction, etc. Je me suis convaincu de profiter de cette période pour écrire le roman que je repoussais depuis tant d’années. Et puis la forme romanesque me permettait d’aller plus loin que le théâtre, de dire ce qu’il ne dit pas : les pensées ou le passé des personnages, par exemple.

 

La Robe a notamment cela d’intéressant qu’il propose d’étudier les deux protagonistes – Isabelle et Jean-Pierre – « à parts égales ». Comment avez-vous façonné ces personnages et leur relation ?

Le couple m’a toujours fasciné. Au-delà de sa nécessité sociale, il propose quelque chose de très étrange : l’idée de créer une mini société à deux ! J’ai écrit ce roman à la troisième personne du singulier pour ne pas prendre parti. Je voulais vraiment qu’Isabelle existe autant que Jean-Pierre, même s’il incarne le point central. Il me sert de cobaye, mais c’est elle (c’est « elle » pour « elles », pour toutes les femmes) qui lui demande de changer. Grâce au théâtre, j’ai pris l’habitude de ne pas juger mes personnages, j’éprouve donc autant d’affection – et d’agacement ! – pour lui que pour elle. Je voulais un couple « normal », comme ceux que je vois tous les jours… y compris chez moi !

 

Au-delà des questionnements relatifs au couple, vous interrogez aussi les changements sociétaux actuels. Qu’est-ce qui vous intéresse dans ces thématiques ?

Un jour, j’ai vu une interview de Camélia Jordana titrée ainsi : « L’homme blanc occidental est responsable de tous les malheurs du monde. » Avant d’éclater de rire (car j’ignorais que Pol Pot, Oussama Ben Laden, Amin Dada, etc. étaient des hommes blancs occidentaux), ça m’a fichu un coup. Forcément, ça me concerne directement… Je n’ai jamais prétendu être un modèle de vertu mais de là à être accusé de tous les malheurs du monde… Je me suis dit que même si ce qu’on appelle « le wokisme » est tellement absurde qu’on doit en rire, ça laisse quand même des traces, ça infuse. Voilà pourquoi ce roman est une comédie… inquiétante ! Ces thématiques me paraissent inquiétantes et drôles à la fois.

 

Vous avez souvent travaillé de manière collective, notamment avec Laurent Gerra. Comment s’est déroulé le temps de l’écriture en solitaire ?

Ce que j’ai signé de manière collective, ce sont les chroniques radio de Laurent Gerra. On travaille ensemble bien sûr, mais chacun écrit son sketch, donc ce n’est pas si différent en soi. La vraie différence entre un sketch et un roman, c’est le temps passé justement, seul, à l’écrire. Un sketch radio de deux minutes va me demander une heure de rédaction, alors qu’un roman, c’est un peu plus long ! Parfois on cale, on s’assèche, ou on se lasse. Ce qui me sauve, ce sont mes personnages. C’est comme si j’organisais un jeu, type « escape game », puis qu’à un moment donné je n’avais plus d’idée ou plus envie, et que les participants me tapaient sur l’épaule en me disant : « T’es gentil, tu nous as mis dans cette histoire, maintenant fait nous avancer, fais-nous sortir, fais n’importe quoi mais bouge ! » (rires). Quand je m’endors sur l’ouvrage, ce sont les personnages qui me réveillent… Et l’éditeur aussi, un peu ! (rires)

 

Le texte est très fourni en dialogues et en descriptions relativement imagées. Envisagez-vous de le faire exister sous une autre forme ?

J’avais le complexe du dialoguiste : je me pensais incapable d’écrire autre chose. Et puis deux ou trois camarades du milieu littéraire que j’admire m’ont expliqué qu’on cherchait souvent de bons dialogues, y compris dans de très bons romans, mais qu’on n’en trouvait pas toujours. Ça m’a « débloqué » ! Oui, La Robe pourrait évidemment exister sous une autre forme. La structure de mon roman respecte la structure théâtrale classique avec une unité de lieu et d’action, mais on pourrait aussi envisager d’en faire un film : ça commencerait comme une franche comédie et ça se terminerait comme un film d’angoisse. Terry Gilliam est très doué dans ce genre-là, tout comme Albert Dupontel. Si vous avez leur numéro de téléphone, je suis preneur ! (rires)

 

La robe
« Ma question est simple, Isabelle. Si cette robe n’est ni pour toi, ni pour Solange, ni pour Maria, elle est pour qui ?
— Elle est pour toi.
— Pour moi ?
— Oui, Jean-Pierre, elle est pour toi… Essaye-la. »
 

Un soir, avant de recevoir des amis, Isabelle offre une robe à son mari. Est-ce un mauvais canular ou une réelle injonction à changer ? Se pourrait-il que le monde ait à ce point évolué sans que Jean-Pierre s’en soit rendu compte ?
Une soirée pleine de rebondissements l’attend, à commencer par cette robe à fleurs qu’il refuse de porter pour le dîner, au grand désarroi de sa femme.
 
Dans ce roman vaudeville aux dialogues percutants et à l’humour caustique, Jérôme de Verdière interroge les bouleversements de notre société et les relations de couple, se moquant aussi bien des progressistes béats que des réactionnaires renfrognés… Ce monde devient fou !

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