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Par Philéas, publié le 13/09/2021

"L'Agence des invisibles" : rencontre avec Marc Levy

Romancier au succès international, Marc Levy est également un passionné du neuvième Art. Bien qu’il ait déjà expérimenté le travail de co-scénariste pour la bande dessinée à l’occasion de l’adaptation de deux de ses romans (Sept jours pour une éternité avec Corbeyran et Espé, et Les Enfants de la liberté avec Alain Grand), il co-signe avec L’Agence des invisibles sa première création originale.

Qu’est-ce qui vous pousse vers la bande-dessinée ?

Je suis un grand fan de BD depuis tellement longtemps qu’il serait indécent de vous préciser depuis quand. Je possède toujours les albums de mon enfance, je les ai tous, je ne m’en suis jamais séparé. Lorsque j’étais jeune, la lecture d’une BD était d’autant plus jouissive que c’était une lecture quasiment transgressive, il y avait presque un interdit. Mais en même temps ce petit côté défendu ajoutait un peu plus de piquant à l’envie de lire de la BD. Dans les années 70 lorsqu’on arrivait dans une librairie BD il y avait tout de suite un côté clanique presque familial qui était formidable. Et puis la BD c’était totalement transversal. Nos premiers émois érotiques par exemple arrivent en BD. Je me souviens de Rahan dont chaque femme préhistorique était une Gina Lollobrigida sans la robe, c’était hallucinant. On regardait ces dessins bouche-bée et ça nous faisait totalement rêver. Il y a toujours eu en BD une certaine poésie de l’imaginaire qui m’attire.

Comment vous êtes-vous associé avec Espé et Sylvain Runberg ?

J’ai rencontré Espé lors de l’adaptation avec Corbeyran de Sept jours pour une éternité et nous avons naturellement gardé le contact. Espé qui venait de rencontrer Sylvain m’a écrit en me demandant si ça m’amuserait de créer un scénario original accompagné de Sylvain. J’ai tout de suite accepté pour toutes les raisons déjà évoquées. De mon côté j’avais déjà imaginé L’Agence des invisibles pour un projet de série télé. J’avais commencé à développer une bible de cet univers et j’avais même déjà écrit plusieurs synopsis des premiers épisodes de la série.D’ailleurs elle ne s’appelait pas encore L’Agence des invisibles mais POP qui voulait dire "Prisoner of the past". J’ai donc soumis l’idée à Espé et Sylvain en leur fournissant un pitch et ça leur a plu. A partir de là j’ai donné à Sylvain les bases du premier épisode et c’est ainsi qu’on a commencé a travailler dessus. En général dans tous les projets qui font appel à la créativité vous avez deux possibilités. Soit vous avez une confrontation des egos et, comme disent nos amis québécois, très vite "ça n’a pas de bon sens". Soit vous constituez une vraie équipe, des gens qui aiment travailler ensemble, dont chacun est attentif et intéressé par le point de vue de l’autre et où chacun reconnait la compétence de l’autre. Et puis il y a quelque chose d’épicurien dans le travail d’équipe. C’est essentiel de savoir qu’on va se trouver une vraie joie à se retrouver autour d’une bonne table pour discuter et pour échanger sur le projet. Avec Espé et Sylvain on se respecte vraiment, c’est une évidence quoi.

D’où tirez-vous les sources de cette histoire d’agence spécialisée dans la recherche de disparus ?

Mon père a été déporté durant la Seconde Guerre Mondiale mais il s’est évadé du train fantôme, un train historique qui a mis deux mois à rallier Bordeaux à l’Allemagne. Avec une dizaine de copains, ils ont creusé un trou dans le sol du wagon, ont sauté sur les rails et ont pu rejoindre la résistance. Il y a eu énormément de morts dans ce train, de faim, de soif, d’épuisement et les nazis obligeaient les survivants à enterrer ces morts autour des voies lors d’arrêts. Après la guerre ils ont refait ce voyage mais cette fois pour déterrer les corps et les rendre aux familles. Ce sont des histoires d’humanité mais qui m’ont fait comprendre le sens et l’importance de la mémoire. Lorsque j’interrogeais mon père sur le sort de tel ou tel copain, il arrivait qu’il me dise "on n’a jamais su". Je sais que ce "on n’a jamais su" laisse ceux qui restent dans l’incapacité de faire leur deuil. Et puis je suis tombé il y a quelques années sur un article qui recensait le nombre incroyable de disparus durant les confits depuis la Seconde Guerre Mondiale. J’ai trouvé cela très émouvant, et je me suis dit qu’il y avait une vraie matière à enquêtes. Donc le concept de la série naît en même temps d’une part de mon histoire personnelle mais aussi de tous les mystères qui peuvent entourer ces disparitions.

Sur un format en "feuilleton" (une histoire complète par épisode) quel a été pour vous le plus grand challenge ?

Le format feuilleton c’est surtout parce que c’est la BD avec laquelle j’ai été élevé. De Buck Danny jusqu’au Chant des Stryges… Ce qui était très gonflé lorsqu’on s’est lancé dans cette série c’était de démarrer avec autant de personnages de front. C’était très culotté d’un point de vue narratif. Toutes les BD auxquelles je me réfère sont généralement soutenues par un binôme voire un trio de personnages principaux, pas plus. Et donc le premier épisode d’une série sert généralement à ins-taller la psychologie de ces personnages. Ici on démarre avec pas moins de 14 personnages de front et ça c’est un pari ambitieux, faire en sorte que le lecteur s’attache au groupe et en même temps à chaque individu. D’ores et déjà, certains acteurs se détachent naturellement et je pense que ça fera l’objet d’une discussion avec mes co-auteurs, à savoir est-ce qu’on garde tous les personnages ou est-ce qu’on se concentre sur ceux-là. Le principe même de L’Agence des invisibles tient au fait de se donner le temps de mettre en avant des personnalités et les rapports entre les personnages. Nous voulons faire en sorte que le lecteur ait plaisir à retrouver les héros dans l’histoire mais également qu’il se sente d’un coup appartenir lui aussi à la bande.

Est-ce difficile pour quelqu’un qui n’utilise que des mots dans son art de se contraindre à en utiliser moins ?

Il faut être conscient de son seuil de compétences et de connaissances. Le plus passionnant c’est d’apprendre. Aborder la BD pour moi c’est hyper ludique parce que c’est justement plein de contraintes par rapport à mon métier d’usage et en même temps c’est riche d’autres outils géniaux impossibles à mettre en pratique sur d’autres médias. Par exemple grâce à la mise en scène, grâce au dessin, on peut s’autoriser sur une planche de six cases à ne faire intervenir un dialogue qu’au bout de 5 cases. Dans un roman on ne peut pas se permettre de laisser les deux tiers de sa page blanche pour marquer un silence. Il y a des similitudes entre écrire pour la télé ou le cinéma et écrire pour la bd. Par exemple, il y a une scène que nous avons écrite avec Sylvain : il y a un zodiac au milieu du lac et il y a un homme qui est en train de les espionner au téléobjectif depuis la berge. Les personnages du zodiac plongent et arrivent au fond du lac. Dans notre description de la scène on imagine un protagoniste qui plonge et un second qui le rejoint juste après. Moi je vois la perspective comme au cinéma, et puis je les vois arriver tous les deux autour d’une épave. Et là je me dis, ça au cinéma ça serait compliqué car ça couterait une fortune. La BD offre cette liberté.

Comment voyez-vous l’avenir de cette série ?

Pierre Dac disait : "Les prédictions sont difficiles à faire surtout lorsqu’il s’agit de l’avenir". C’est terriblement excitant ce rendez-vous annuel et surtout on a plein d‘autres idées. Evidem-ment j’ai très envie que ça continue. C’est le public qui va décider c’est sûr. S’il est au rendez-vous alors l’éditeur sera content, nous serons tous contents et tout le monde aura envie de continuer. Et moi je serais très heureux qu’il y ait 10 ou 12 tomes.

 

Philéas

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