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Par 10/18, publié le 16/12/2019

"L'Empreinte" : enquête intime sur un condamné à mort

Lorsqu’une enquête sur la peine de mort – à laquelle elle est farouchement opposée – réveille des traumatismes de l’enfance, Alex Marzano-Lesnevich s’engage dans une lutte avec elle-même. À la lumière de sa propre histoire, la doctorante en droit et auteure américaine s’interroge sur un sujet qui dit si bien le morcellement actuel des États-Unis et questionne la place à donner au passé dans sa vie intime. À la croisée des genres, L’Empreinte est un récit haletant qui mêle thriller et introspection avec un style remarquable.

Déjà écoulé à 20 000 exemplaires en France, couronné du Prix du Livre Inter étranger ainsi que du Grand Prix des lectrices Elle 2019, L’Empreinte est le premier récit littéraire d’Alex Marzano-Lesnevich. Cette fille d’avocats, diplômée en droit de la prestigieuse Harvard Law School ainsi qu’en écriture documentaire, commence à s’intéresser aux questions relatives à la peine de mort pendant ses études. Confrontée au cas Ricky Langley – auteur d’un infanticide en Louisiane – lors d’un stage dans un cabinet d’avocats, elle se plonge dans des recherches extensives, démêlant le parcours de cet Américain condamné à la peine capitale.

Alex Marzano-Lesnevich découvre le passé extrêmement lourd de douleurs et de sévices de l’accusé, déjà emprisonné pour pédophilie, et les enregistrements vidéo où il évoque son crime avec placidité. Elle qui était nourrie par la conviction qu’on ne peut condamner un homme à mort vacille, s’abandonne à ses propres failles.  C’est un essai – toujours étayé par des citations et des faits irrévocables – qui prend les allures d’un polar qu’elle décide alors de consacrer à cette affaire, mais qu’elle agrémente du récit d’une lutte très intime.

Une quête mêlant l’universel et le personnel

Si la réflexion sur la peine de mort et le récit glaçant du meurtre sont extrêmement bien menés, c’est l’introspection que tisse en filigrane Alex Marzano-Lesnevich qui donne à L’Empreinte sa remarquable singularité. L’auteure aborde avec subtilité son enfance, tristement marquée par les attouchements sexuels d’un membre de sa famille ("Disparaître, c’est ce dont je rêve chaque fois que mon grand-père s’assoit sur le bord de mon lit.").

Non sans rappeler De sang-froid de Truman Capote, elle indique dans ses notes : "Il s’agit d’un livre sur ce qui s’est produit, oui, mais aussi d’un livre sur ce que nous faisons de ce qui s’est produit. Il parle d’un meurtre, il parle de ma famille, il parle d’autres familles dont les vies ont été bouleversées par le meurtre. Mais plus que ça, bien plus que ça, il s’agit d’un livre sur la façon dont nous comprenons nos vies, le passé, sur la façon dont nous nous comprenons les uns les autres. Pour y parvenir, nous créons tous des histoires."

La peine de mort – sujet qui divise encore les États-Unis et dessine en creux d’autres morcellements sociétaux et politiques – se dit chez Alex Marzano-Lesnevich avec l’intelligence nourrie d’années passées à réfléchir et interroger ses contours. L’excellence de son écriture, la précision inouïe qu’elle donne à ses descriptions du Sud des États-Unis jusqu’à en figer le lecteur d’effroi, et la façon dont elle s’empare de sa propre histoire confèrent à cette œuvre de non fiction une ampleur rare.

L’Empreinte est disponible chez Lizzie en version audio.

10/18
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