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Par le cherche midi éditeur, publié le 20/08/2020

Ludovic Manchette et Christian Niemiec : "Nous avions très envie d'écrire une histoire à nous"

Férus de séries et films américains, Ludovic Manchette et Christian Niemiec signent un premier roman installé dans le climat délétère qui gangrène les États-Unis des années 60. Rencontre avec ce duo dont l’humour et la simplicité parcourent le réussi Alabama 1963.

Birmingham, Alabama, 1963. On retrouve le corps sans vie d’une fillette mais la police traite l’affaire avec un franc détachement. D’autres disparitions suivent et suscitent l’angoisse au sein de la communauté noire. Bud Larkin, détective privé bougon, alcoolique et raciste, accepte de mener l’enquête demandée par le père de la première victime. Adela Cobb, femme de ménage noire qui vient de perdre son mari, élabore des théories dans son coin. "Les petites filles, ça disparaît pas comme ça…", affirme-t-elle. Ce sont deux êtres que tout oppose mais qui vont se rencontrer envers et malgré tout. Alabama 1963 fait le portrait d’une époque, d’un racisme qui ne connait pas de limite et d’une humanité qui vient, parfois, réinsuffler un peu d’espoir à des jours sans soleil.


Quel a été le point de départ de ce récit qui se déroule à un moment décisif de l’histoire récente des États-Unis ?

Christian Niemiec : Nous voulions réunir deux personnages qui noueraient une relation d’amitié alors que tout, a priori, les opposait. Assez vite, nous avons pensé à une femme noire et un homme blanc pendant la ségrégation. Ce contexte créait, de fait, une tension et des obstacles.

Ludovic Manchette : Lorsque nous avons commencé à y réfléchir, en 2014, la question du racisme n’était pas sur le devant de la scène comme aujourd’hui, mais nous étions bien conscients que le problème n’était pas réglé, et le sujet nous semblait d’autant plus intéressant.


Il s’agit de votre premier roman ; quels questionnements, défis et leçons ont parcouru la phase d’écriture ?

N.: La grande question – que se posent sans doute tous les auteurs – c’était : "est-ce que ça va intéresser quelqu’un ?". Mais comme il s’agissait vraiment de l’histoire que nous avions envie de raconter.

M.: Le premier défi, c’était d’arriver au bout ! Le deuxième, c’était d’écrire une enquête policière, n’étant pas nous-mêmes de grands lecteurs de romans policiers ! Nous tenions à travailler sur un roman qui plairait à la fois aux lecteurs férus du genre et aux autres. Et le troisième défi, c’était que "ça se lise tout seul", que le lecteur ne soit jamais perdu, qu’il sache toujours qui parle, qu’il n’ait pas à relire une phrase pour la comprendre…

N.: Nous voulions absolument éviter d’employer des artifices d’écriture, des fioritures qui, en tant que lecteurs, nous font sortir de l’histoire. Et mine de rien, c’est compliqué de faire simple !

M.: Il n’y a pas d’obligation à écrire dans la douleur. Le mythe de l’écrivain torturé, très peu pour nous !


Comment s’est déroulé le travail à quatre mains ?

N.: Dans un premier temps, nous avons lancé plein d’idées, que nous avons ensuite mis dans l’ordre pour arriver à un plan assez détaillé.

M.: Dit comme ça, ça a l’air simple, mais ça nous a pris deux ans ! Un vrai puzzle. L’un lançait une idée, l’autre rebondissait… Nous essayions de surprendre l’autre, de le faire rire. Et lorsque nous trouvions la bonne phrase, nous le savions tous les deux.


Derrière ses allures de polar et ses thématiques raciales, le roman est parcouru d’humour. Comment avez-vous travaillé cet aspect, un véritable numéro d’équilibristes ?

M.: Ça s’est fait naturellement. Nous ne voulions absolument pas écrire un roman glauque.

N.: Nous tenions à ce mélange des genres. Le tout, c’était de choisir quand insuffler cet humour.


À propos d’humour, on sent un vrai plaisir de l’écriture des dialogues, une oralité très présente. Cela vient-il du fait que vous adaptez en français les dialogues de films de langue anglaise ?

N.: Oui, sans aucun doute. Nous adorons les dialogues et nous en traduisons toute la journée depuis des années. Des bons… et des moins bons. Et nous apprenons des deux. Nous avons essayé de resserrer notre texte et de faire en sorte que tout serve à quelque chose.


À quel point le fait d’être traducteurs a-t-il infusé ce passage à l’écriture d’un roman ?

M.: Même si nous adorons nous glisser dans l’univers des autres, nous avions très envie d’écrire une histoire "à nous".

N.: Nous avons toujours aimé l’écriture et c’est comme ça que nous sommes arrivés à la traduction, et non l’inverse.

M.: Quant au passage à l’acte, le fait de travailler dans l’écriture depuis treize ans pour moi et vingt ans pour Christian nous a forcément aidés à sauter le pas. Disons que ça nous semblait sans doute moins inaccessible que si nous avions exercé un métier aux antipodes de l’écriture.


Pensez-vous avoir été d’autant plus exigeants car vous êtes constamment traversés par les mots, justement ?

N.: Oui, nous relevons souvent des erreurs et des incohérences dans les dialogues qu’on nous donne à adapter, des choses que le spectateur ne remarquera pas mais qui nous choquent parce que nous sommes totalement immergés dans le texte. Du coup, nous avons essayé d’être le plus rigoureux possible.

M.: Nous avons pensé à nos éventuels traducteurs ! (rires)


Alabama 1963
Birmingham, Alabama, 1963. Le corps sans vie d’une fillette noire est retrouvé. La police s’en préoccupe de loin. Mais voilà que d’autres petites filles noires disparaissent…
Bud Larkin, détective privé bougon, alcoolique et raciste, accepte d’enquêter pour le père de la première victime.
Adela Cobb, femme de ménage noire, jeune veuve et mère de famille, s’interroge : « Les petites filles, ça disparaît pas comme ça… »
Deux êtres que tout oppose. A priori.
Sous des airs de polar américain, Alabama 1963 est avant tout une plongée captivante dans les États-Unis des années 1960, sur fond de ségrégation, de Ku Klux Klan et d’assassinat de Kennedy.

Rentrée littéraire 2020 

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