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Par Presses de la Cité, publié le 12/02/2021

Prix Jean Anglade 2021 : présentation des cinq finalistes, cinq histoires qui ont façonné un roman

Nous avons le plaisir de vous présenter les cinq heureux et méritants finalistes de l’édition 2021 du Prix Jean Anglade. À l’issue des délibérations, l’un d’entre eux se verra décerner par le jury ce prix qui récompense un primo-romancier. Leurs personnalités et récits de vie très différents font, une nouvelle fois, la richesse de ces instants de lecture. Universels et humanistes, leurs romans honorent des valeurs chères à l’écrivain Jean Anglade. Mais, sans plus attendre, voici le portrait de ces cinq auteurs, et leur histoire qui a modulé leur perception de la littérature et façonné leur relation à l’écriture.

Pour commencer, tournons-nous vers Fabienne Poinsignon, et sa douce vision de la vie, qu’elle a parfaitement su traduire dans son roman idéaliste, La Vie en partage :

« Je suis née à Marseille, où j’ai vécu toute mon enfance et mon adolescence.

Entrée au conservatoire national de région à 4 ans, j’ai continué le solfège et le piano en parallèle jusqu’à la fin de mes études secondaires. Les livres et le piano n’ont jamais cessé de m’accompagner. Ils m’ont permis de faire de belles rencontres lors de mes différents voyages. Ils m’ont aidée à transmettre à mes enfants les valeurs humaines qui me tiennent à cœur, comme la générosité, le partage et la solidarité. Lire et écouter de la musique est essentiel pour moi. M’évader, rêver et, parfois, m’identifier aux personnages m’a souvent permis de traverser les épreuves de la vie.

Après quelques déménagements, je me suis installée à Paris. J’y ai vécu entourée de livres, de musique et d’enfants : les petits à qui j’ai enseigné le solfège et le piano et les six enfants de ma famille recomposée. Lire des contes et parfois en inventer a été un exercice quotidien.

Je vis à présent dans un village du sud de l’Ardèche, dans la maison où nous passions nos étés en famille et avec nos amis de passage.

Les enfants ont à présent tous quitté le nid, mais j'ai gardé en moi le bonheur de tous ces précieux moments et l’envie de continuer à écrire des histoires et à les partager. »

Dans son livre, la vie qu’elle romance lui ressemble et auréole son récit d’une atmosphère bienveillante et harmonieuse, qui en fait une bulle hors du temps :

« Lorsque Léonie décède, ses enfants et petits-enfants décident de louer ses appartements, afin de perpétuer sa mémoire et de faire vivre, en communauté, l’esprit de partage, de convivialité et de bienveillance qu’elle avait instauré. À Paris, dans un magnifique hôtel particulier, tout un petit monde prend son envol avec cet emménagement et ces nouvelles rencontres. »

 

Dans un second temps, dévoilons le portrait de Stéphane Poirier, qui fait partie des finalistes du prix avec son roman Rouquine.

Cet artiste pluridisciplinaire est né en périphérie parisienne. Écrivain (romans, nouvelles, théâtre, poésie, chansons) et voleur d’images, il a régulièrement publié dans des revues ses nouvelles, poèmes et photographies, et a été primé à plusieurs concours de nouvelles.

Après des études de lettres modernes à l’université Paris 8 et quelques cours de photographie, il choisit d’emprunter la route de l’inconnu, du tâtonnement, en favorisant une vision empirique de la vie, qu’il nourrit et transcende à travers ses écrits et photographies… avec des récréations musicales sans prétention, mélodies chantonnées en s’accompagnant à la guitare.

Dans son travail, il aime le mot simple  et l’image honnête. Il mêle habilement réalisme et onirisme en préférant toujours l’émotion au cérébral.

Ses histoires, souvent empreintes d’un humour décalé, ne sont pas sans évoquer, par leur impact social et l’empathie dont l’auteur fait preuve à l’égard de ses personnages, l’univers cinématographique de Ken Loach. Les petits boulots, la débrouille, les périodes de chômage ourlées d’états borderline, et toujours cette soif de vivre et ce besoin d’amour

Ce sont autant de thèmes qui l’animent, proches de ceux qui nourrissent son roman touchant et empli d’humanité, Rouquine :

« Suite à une rupture sentimentale, Lilou se voit contrainte de retourner vivre chez sa mère, avant de décider de tout quitter, avec seulement sa vie sur les épaules et ses deux jambes pour la porter. Commence l’errance pour cette petite femme d’une trentaine d’années. Elle tente de survivre jusqu’au jour où en faisant la manche elle croise la route de Monty, un artisan esseulé qui lui propose de l’héberger, le temps qu’elle reprenne des forces. Une histoire tragique mâtinée d’une love story. »

 

À présent, c’est au tour de Julie Giordano de se présenter et de nous faire découvrir L’Homme au sac à dos, son roman :

« Née à Perpignan, j’ai grandi les pieds dans l’eau à Sète, cette ville si atypique qui m’a donné le goût de l’art et de l’écriture. Après avoir obtenu une licence de psychologie à Montpellier, j’ai poursuivi mes études jusqu’au diplôme d’État d’assistant de service social.

En 2006, j’ai quitté le sud de la France pour m’installer en région parisienne avec celui qui allait devenir mon mari. Je suis devenue mère de deux magnifiques garçons à Champigny-sur-Marne, tout en poursuivant ma carrière d’assistante sociale. Cela fait maintenant six ans que nous avons rejoint l’Ardèche, où je vis avec ma famille.

Depuis l’adolescence, je n’ai jamais cessé de me consacrer à l’écriture et à toutes formes d’art. J’aime m’évader dans la création. À la naissance de mes enfants, j’ai écrit des textes pour les plus jeunes, puis j’ai franchi le cap de l’écriture d’un roman, étape délicate qui me semblait inaccessible et qui pourtant s’est concrétisée naturellement.

Sensible et passionnée par les relations humaines et les histoires de vie, j’aime m’en amuser, les décrire et donner vie à mes personnages. Je suis fortement inspirée par mon quotidien et j’aime traduire dans mes romans la réalité parfois difficile de notre société. »

C’est ce qu’elle fait avec cet émouvant premier roman, où la solidarité est de mise :

« Attachée au territoire, je décris dans L’Homme au sac à dos une dure réalité de la vie citadine ainsi que la ville de Sète, chère à mon cœur. Dans ce roman vous suivrez le parcours initiatique de Bernard : “Je vis la vie que je dois vivre. C’est elle qui a choisi. Je n’ai pas le choix. La rue est mon domicile, elle ne me mettra jamais dehors. Je me nourris de ma passion : les livres. Ils m’aident dans mon quotidien. Ils sont ma béquille, mes voyages, mon réconfort, ma nourriture.” »

 

Poursuivons avec Stéphane Aucante, l’auteur de Blanche, qui nous raconte comment son parcours atypique et mouvementé et ce qu’il a vu l’ont poussé à témoigner :

« Tout a commencé en Palestine, entre 2015 et 2018. L’insensé croisé là-bas m’a poussé à témoigner, à dire, un peu, l’humaine – et inhumaine – vérité, et ce peu-là, j’ai voulu le partager. Être publié. Les éditions DACRES et sa collection “Reflets” me l’ont permis. Dans les territoires occupés, j’ai écrit les deux premiers livres de ma vie, Naplouse, Palestine. Portraits d’une occupation et Palestine by nights, et la moitié d’un troisième, Poésons !. Urgence ? Ou bien inspiration ? Le retour en France fut abrupt. »

De formation littéraire, captivé par le monde de l’art et du spectacle vivant, il témoigne très jeune de son appétence pour cet univers en écrivant et jouant quelques pièces, avant d’entrer dans le secteur culturel pour en devenir un professionnel :

« Je deviens directeur de lieux ou d’événements culturels, dont le Théâtre du Cloître, scène conventionnée de Bellac ; à la même période, je coécris et mets en scène la trilogie théâtrale Giacomo et écris seul des chansons pour des adaptations de pièces en théâtre musical : Un malentendu, d’après Camus ; Couples d’enfer, d’après de courtes pièces de Feydeau ; Intermezzo Fantaisie, d’après Giraudoux. Toutes ces chansons – rassemblées récemment dans un recueil intitulé Poésons ! – prolongent mon travail d’immersion dans l’âme humaine et commencent à me faire préférer le noir au blanc : autour de moi, le monde et la société changent de manière tellement inattendue… Je deviens un humaniste pessimiste. »

Il revient à nouveau sur son voyage en Palestine, véritable déclencheur dans sa création littéraire, puis sur les difficiles moments que nous connaissons aujourd’hui, et qui l’ont amené à l’écriture de Blanche :

« Après le choc de la Palestine, celui de la pandémie. Pendant ce que nous croyions être le premier et dernier covid-confinement, je lance et anime un cadavre exquis entre roman noir et romance (dont j’ai écrit le début et la fin), Des vies à usage unique, publié en juin 2020 chez youStory. Parallèlement, et dans une urgence identique à celle connue à Naplouse, je me lance dans un projet plus personnel, Blanche, roman au fil des jours, ou l’histoire d’une lucide vieille dame en première phase d’Alzheimer qui va vivre ce premier confinement dans l’EHPAD où elle réside depuis déjà trop longtemps. Un moment, elle a cette phrase : “Même quand ils puent, ne parlent plus, se font dessus, on finit toujours par les aimer, les vieux.” »

« Blanche est née à la campagne en 1940 ; elle a peu fréquenté l'école. À 20 ans, elle fait ses “humanités” auprès d’un docteur excentrique chez qui elle est bonne ; puis elle entre à l'université pour être archiviste. Mariée à un Alsacien, elle entame sa carrière à la bibliothèque humaniste de Sélestat. Après avoir été mère à 40 ans, retraitée à 60, veuve à 70, la voici soudain en EHPAD à 80 ans, atteinte d’un début d’Alzheimer. Le début d’une fin qui va s’accélérer en pleine pandémie de coronavirus. »

 

Pour clore les présentations, voici Amélie Leglise dont le parcours personnel et professionnel n’est pas non plus sans influence sur son premier roman, Droit au ciel :

« Je suis âgée de 36 ans, je vis à Bordeaux. J’ai grandi en région parisienne jusqu’à mes 9 ans et j’ai rejoint en 1993 la Gironde, région d’origine de ma famille. Passionnée de chevaux, je voulais être vétérinaire, désir qui m’a conduite jusqu’en classe préparatoire. J’ai échoué au concours d’entrée à cette “grande école”. Réorientée d’urgence vers des études médicales, je me retrouve presque par hasard au sein de la formation des manipulateurs en radiologie. Et je découvre alors le milieu hospitalier, au sein duquel je travaille encore aujourd’hui. Mon métier est mal connu. Je l’exerce avec des machines de haute technologie (scanner, IRM) et suis une professionnelle de santé à part entière. La pandémie que nous traversons a été l’occasion de mieux faire connaître ma profession, à mi-chemin de la technique et du soin. »

Pour Amélie Leglise, la dernière décennie et ses événements douloureux ont été vecteur d’introspection et de création, modulant ainsi son rapport à l’écriture :

« L’année 2015 fut une période charnière à plus d’un titre. Elle a été pour ma part le moment d’une très vaste remise en question personnelle et d’une forte introspection. Mais ce fut surtout, et avant toute chose, l’année sombre des attentats de Charlie et du Bataclan.

À cette époque, l’écriture que j’avais laissée en friche depuis le lycée s’est installée de nouveau dans ma vie sans que j’y prenne garde. J’ai alors choisi de suivre une formation en écriture créative et, lorsqu’il a fallu envisager la rédaction d’un premier manuscrit, le thème de Droit au ciel s’est imposé : imaginer ce qu’il reste d’humanisme, érigé en valeur cardinale dans le milieu de la santé et du “prendre-soin”, lorsque la terreur n’est plus un fantasme mais se propulse dans le banal de la réalité. »

« L’incursion traumatisante du terrorisme dans la vie des Français, ses conséquences sur notre quotidien, l’émergence de la menace “endogène” sont autant de questions que j’ai voulu aborder dans cet univers que je connais bien. J’aime à penser que l’être humain est passionnant dans ses contradictions et ses complexités et qu’aucune trajectoire n’est linéaire ni prévisible. Comment Farida aime, comment Vincent peut continuer à grandir, ce sont ces incertitudes que j’ai souhaité partager. »

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