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Par Presses de la Cité, publié le 09/02/2022

Prix Jean Anglade 2022 : Cinq finalistes, cinq histoires qui ont façonné un roman

Nous avons le plaisir de vous présenter les cinq heureux et méritants finalistes de l’édition 2022 du prix Jean Anglade. À l’issue des délibérations, l’un d’entre eux se verra décerner par le jury ce prix qui récompense un primo-romancier. Leurs personnalités et récits de vie très différents font, une nouvelle fois, la richesse de ces instants de lecture. Universels et humanistes, leurs romans honorent des valeurs chères à l’écrivain Jean Anglade. Mais sans plus attendre, voici le portrait de ces cinq auteurs, et leur histoire qui a modulé leur perception de la littérature et façonné leur relation à l’écriture.

Pour commencer, tournons-nous vers la première des cinq finalistes de cette année : Anne-Sophie Guénéguès.

Née à Nantes en 1974, Anne-Sophie Guénéguès doit à ses parents et à ses enseignants l’étrier pour la littérature dans lequel elle a mis le pied. Après des études de langues, elle trouve sa voie professionnelle au sein de la correction puis travaille en free-lance pour plusieurs maisons d’édition.

Parallèlement, Anne-Sophie Guénéguès écrit. Des nouvelles essentiellement. En attestent ses recueils Pensées intérieures et autres limites (2007), Jacque et autres choix de grands (2010) et Être(s) (2020). Les thèmes qui lui sont chers sont les petits travers de ses contemporains, et ce qui se trame dans leur tête aux moments de bascule. Les instants d’extrême gravité, elle les traite avec une bienveillance teintée d’humour ; un humour fait de jeux sur la langue, qu’elle connaît suffisamment pour savoir la malmener. Elle fait également partie d’un collectif d’auteurs pour la jeunesse : six tomes de nouvelles sont parus chez SaperliVpopette entre 2012 et 2020. Après ce premier roman inédit rédigé en 2021 qu’elle fait concourir au prix Jean Anglade, elle travaille à une pièce de théâtre.

Son roman, En attendant, relate l’histoire de Célyne, une jeune fille de dix-huit ans dont le jeune âge est un prétexte pour redécouvrir le monde et pour apprendre à être. Dans sa quête pour retrouver une mère qu’elle n’a pas connue, Célyne va rencontrer des personnes avec lesquelles elle va nouer des relations, pour lesquelles elle va sortir de son anonymat et devenir quelqu’un. Car Célyne est en construction.

L’originalité d’En attendant tient dans le fait que deux trames temporelles s’entrecroisent, s’alimentent, toujours connectées, l’une servant de cadre à l’autre, complétant l’intrigue principale ; les éléments distillés au fur et à mesure conduisent le lecteur vers l’inévitable fin, car cette histoire, qui n’existe pas, doit forcément s’arrêter là.

 

Dans un second temps, Cédric Lopez, auteur de Boule de gomme, se dévoile et nous raconte tout sur ses voyages aux quatre coins du monde et son parcours professionnel, des plus atypiques et mouvementés :

« Né à Toulouse au début des années 70, j’ai vécu mon adolescence en Alsace. Très vite, j’ai eu envie d’aller voir ce qui pouvait se passer au-delà de l’horizon. Avant de passer le bac, j’ai emprunté des chemins de traverse qui m’ont amené à faire un premier tour d’Europe en stop. À 20 ans, je suis à Tahiti où comme bosco j’effectue mon service militaire dans la marine. Après, de l’Inde au Laos, du Laos à Madagascar, je découvre le monde. De fil en aiguille, j’ai quand même fini par poser mes valises à La Réunion. Île miracle. Professionnellement, sans plan de carrière autre que celui de vivre au fil de la vie, je passe d’animateur commercial à pigiste pour le Petit Futé ou le Routard, d’éducateur à routier. Si je devais résumer, je dirais simplement que j’ai avant tout privilégié le sourire amical du hasard avec, en prime, et toujours à la main, de quoi écrire ou décrire le cours magistral fait par ce professeur espiègle qu’est l’existence. De retour de voyages, je me suis installé dans les Pyrénées orientales, en Haute-Garonne, avant, ces derniers temps, d’avoir trouvé asile en terre gersoise. »

C’est sous le nom de plume « Jérôme Di Sante » que Cédric Lopez écrit Boule de gomme. Il nous confie quelles ont été ses inspirations, mais aussi son objectif et la manière qu’il a choisie pour la construction de ce roman :

« Quant à mon roman, j’ai eu envie, suite à un repas entre copains, de prolonger une discussion qu’un flash info avait provoquée. Que ferions-nous si nous devions vivre avec un drame qu’on aurait nous-même causé ? Quel impact cela pourrait-il avoir sur nos existences si l’on devait se promettre le silence ? Le silence aurait alors quel prix ? Comment grandir avec un tel poids sur la conscience ?

À partir de ce point de départ, j’ai imaginé un drame de l’enfance qui arrive un jour d’hiver, au bord d’une fontaine gelée, dans un petit coin de France. Surtout, j’avais à cœur de raconter par le détail l’histoire d’amis qui auraient grandi ensemble, devenant de facto un seul et même organisme, humainement modifié par une première tragédie. Entrecroisés ainsi, le singulier et le pluriel se sont naturellement imbriqués. Les histoires personnelles s’amalgamant alors à la grande histoire de l’homme.

En prenant le biais d’un récit plus initiatique que policier, en optant pour le particulier, je me suis octroyé une plus large marge de manœuvre pour développer l’intime.

En somme, je voulais m’arrêter et regarder notre monde à travers le miroir déformant d’une poignée d’amis, les écouter me raconter une histoire, un soir, à la veillée, une histoire que l’on raconte autour d’un feu dans une cheminée ou d’un feu de camp et qui dit voilà, la vie, c’est ça et bien plus encore. »

 

Vient à présent le tour de Gabriel Coutagne, auteur de La Suite des événements, de se présenter :

« Je suis né à Aix-en-Provence en 1985. Durant l’adolescence, j’ai commencé à écrire des poèmes, tout en développant une pratique quotidienne de la photographie. À 18 ans, j’ai été admis au sein d’une classe préparatoire littéraire parisienne, au lycée Jules-Ferry. Après des études en relations internationales et en philosophie, j’ai intégré l’École nationale supérieure Louis-Lumière, en section Photographie. J’ai exercé la profession de photographe et de graphiste pendant plusieurs années, laissant l’écriture de côté. Ces dernières années, j’ai enseigné la photographie à l’université Paris-8 puis à l’Institut d’études politiques de Paris. Depuis 2013, je suis journaliste au Monde. »

 

La Suite des événements raconte l’histoire d’une coïncidence qui bouleverse le cours de la vie de Gabriel, journaliste : l’image du corps d’Allan, mort sur une plage turque, et celle d’un oncle oublié mort en bas âge. Ces photographies le confrontent à l’histoire personnelle de sa mère : fille née d’un amour interdit, abandonnée puis adoptée par un couple en deuil. Ces découvertes plongent le protagoniste dans cette histoire familiale. Il en éprouve les émotions, jusqu’à croire que ces drames, pourtant survenus bien avant sa naissance, étaient les siens. Comme s’il vivait sa vie par procuration, par images et par personnes interposées. De la même manière, il éprouve la rudesse des événements du monde qu’il voit défiler depuis la rédaction pour laquelle il travaille. Seulement, toute cette histoire n’est que du passé : quelques lettres, quelques photos. Et tout ce qui semble réel finit par être réduit à une simple description. Un événement n’existe que par le récit qu’on en fait. La mémoire est sélective et se raconte des histoires. Quant à l’identité, elle pourrait n’être, au fond, qu’une fiction parmi d’autres.

 

Le quatrième finaliste, Oscar Dassetto, auteur de Vents et marées, est quant à lui né en 1992 à Courbevoie. Il a fait des études de lettres puis de communication, domaine dans lequel il travaille aujourd’hui, et vit à Paris.

Depuis plus de dix ans, il s’est pris d’affection pour la Manche. Granville, où il s’approvisionne régulièrement en cidre et poiré avant de méditer la reconquête des îles Anglo-Normandes, s’est ainsi imposée pour former le cadre de son roman Vents et marées.

Outre la littérature, la traduction, l’écriture de contes, de poèmes, d’un journal, il s’adonne à la programmation et à des évasions à la fois trop fréquentes et trop longues sur les réseaux sociaux. Son admiration la plus grande va à Jerome K. Jerome et à Ernst Jünger, pour leur vie autant que leurs chefs-d’œuvre.

 

Oscar Dassetto nous fait découvrir son roman qui raconte l’histoire de deux frères, Malot et Calot – leurs surnoms d’enfance –, qui ont rompu tout contact depuis vingt ans, à l’adolescence, mais que le destin va finalement réunir :

« Mon roman, Vents et marées, est partout marqué par la dualité : deux frères rivaux et rédempteurs l’un de l’autre, depuis Granville, dans un huis clos où même la mer paraît étroite, jusqu’à l’absolution dans une cabane écroulée des Causses. Il est le fruit du plaisir que j’ai pris à l’écrire et de mon goût pour les contrastes et les symétries, pour les attentes trompées et l’ironie, pour un lyrisme échevelé auquel répond la banalité, pour l’épopée héroï-comique, pour le burlesque, pour le tragique. »

 

Pour clore ces présentations voici Sarah Perret, auteure de La Petite :

« Je suis née le 1er octobre 1976 à Chambéry. Le premier livre que j’ai lu à 6 ans, offert par ma grand-mère, Les Malheurs de Sophie, m’a révélé la passion de ma vie : la littérature. À 11 ans, je savais qui je voulais devenir : un écrivain. Je lisais sans mesure : un livre par jour ; j’allumais ma veilleuse pour ne pas alerter mes parents. Le Grand Meaulnes, Pêcheur d’Islande et L’Âne Culotte ont été des éblouissements. J’ai passé mes étés d’adolescente à lire, avec pour discipline 100 pages par jour. En première, j’ai lu, parmi d’autres lectures, l’intégralité dÀ la recherche du temps perdu. Je me suis d’ailleurs enfermée, pendant des années, au milieu de ces murailles de livres, devenues ma citadelle, ma tour d’ivoire. Parallèlement, j’écrivais (activité longtemps restée secrète) : mon journal, des pastiches, des idées sur des bouts de papier, des débuts de roman, des lettres d’amour… Mes tiroirs en sont remplis.

Aujourd’hui encore, il ne m’est pas possible de vivre ma vie sans l’écrire. J’ai choisi des études de lettres modernes, qui m’ont conduite en hypokhâgne et khâgne au lycée Berthollet à Annecy et au lycée Lakanal, à Sceaux, pour une seconde khâgne, sur les traces d’Alain-Fournier. Depuis 1999, j’essaie de transmettre ma passion à mes élèves de lycée, et à mes étudiants.

Parmi mes réussites littéraires : j’ai été finaliste du prix de la nouvelle érotique 2017 et ma nouvelle Sparagmos a été publiée dans le recueil Ta maîtresse, humblement (Au Diable Vauvert). Et j’ai soutenu une thèse en décembre 2020 à l’université Paul Valéry-Montpellier III : Édition critique des œuvres de Sarasin. »

 

Quand on interroge Sarah Perret sur son roman, elle explique que cette histoire la hante depuis une trentaine d’années :

« La première version, écrite l’été de mes 16 ans, s’appelle Mon grand frère. En 2017, alors que ma mère exprimait son regret d’avoir perdu la demeure familiale, vendue lors du départ de mon grand-père en maison de retraite, j’ai eu de nouveau l’envie de réécrire cette histoire, en décrivant la vieille maison telle que mon souvenir la restituait, avec ses recoins, ses odeurs, et toutes les images des étés passés avec mes frères et mes cousins.

Je me suis imprégnée aussi de tous les récits de mes grands-parents, de mes parents. J’ai mêlé à mes propres rêveries des anecdotes familiales et locales, que j’ai transposées, romancées, découvrant parfois d’étranges coïncidences entre mes personnages « inventés » et des membres de l’arbre généalogique.

Ce roman, c’est le paradis ressuscité de l’enfance et d’un monde désormais perdu : celui de mes ancêtres, paysans de Chartreuse – des vies modestes, pétries d’humanité. »

Presses de la Cité