Déjà écoulé à plus de 400 000 exemplaires aux Etats-Unis, le premier roman de Kiley Reid excelle dans le portrait qu’il dresse de la bien-pensance blanche et des codes sociétaux en place, vecteurs forts de racisme. Un livre à l’intrigue aussi rythmée que dérangeante.
Traduit en français par Élodie Leplat pour le cherche midi, Une époque formidable a connu un tel succès outre-Atlantique qu’il est déjà question d’une adaptation cinématographique. Peu étonnant à en juger le talent de l’auteure américaine pour traiter la question du racisme ordinaire et de la violence sourde des échanges entre les classes. Emira Tucker, jeune afro-américaine titulaire d’une licence, s’occupe de la fille d’une influenceuse réputée répondant au nom d’Alix Chamberlain. Celle-ci s’est notamment fait connaître en prônant des valeurs d’empowerment à l’intention des jeunes femmes. Un soir, alors qu’elle fait des courses avec l’enfant de sa cheffe, Emira est soupçonnée de kidnapping par un vigile, situation qui va prendre une ampleur folle et révéler les biais de toute une galerie de personnages.
Sous les atours d’une intrigue divertissante aux ressorts classiques mais efficaces, Kiley Reid parvient à interroger la race, la classe et les questions identitaires dans un même livre. Vaste programme que l’auteure déploie au sein d’un récit qui alterne les points de vue et les époques. Ses deux personnages principaux – une femme blanche mariée issue d’un milieu aisé et sa baby-sitter noire, de quelques années sa cadette, qui cumule deux emplois et ne peut se payer les mêmes vacances que ses amies – sont logées à la même enseigne, dans une description désengagée de leurs réflexions face aux vicissitudes de la vie. C’est indéniablement dans ce parallélisme « froid » que Kiley Reid parvient à faire émerger l’injustice indéniable et le privilège blanc qui gangrènent nos sociétés.
Fort d’un succès phénoménal outre-Atlantique, Une époque formidable, le premier roman de Kiley Reid, s’intéresse à deux figures féminines diamétralement opposées qui polarisent le racisme ordinaire. Rencontre avec l’auteure autour du besoin compulsif d’écrire.