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Par Lisez, publié le 16/10/2019

"Pop & Psy" : 3 références pop passées à la loupe de Jean-Victor Blanc

Parler des troubles mentaux de façon divertissante tout en restant sérieux et précis, c’est le pari pris par le psychiatre Jean-Victor Blanc dans son livre Pop & Psy (éditions Plon). Cinéma, séries, musique, personnalités publiques… à travers des exemples du monde de la pop culture, le médecin démonte de nombreuses idées reçues.

Se rase-t-on forcément la tête comme Britney Spears lorsqu’on est bipolaire ? La thérapie familiale ressemble-t-elle à un épisode de L’incroyable famille Kardashian ? La schizophrénie ressemble-t-elle à un dédoublement de la personnalité façon Black Swan ? Autant de questions et de références délicieusement pop que le médecin psychiatre Jean-Victor Blanc mêlent dans son livre Pop & Psy : comment la pop culture nous aide à comprendre les troubles psychiques. Une approche inédite qui se veut ludique mais qui n’en reste pas moins parfaitement sérieuse. L’objectif est simple et assumé : diminuer la stigmatisation des personnes touchées par les troubles psychiques.
Voici 3 références pop passées à la loupe du Dr Jean-Victor Blanc et qui nous en disent beaucoup sur notre vision – souvent erronée – des troubles mentaux :


Mommy de Xavier Dolan, cinéma et psychiatrie

Auréolé du Prix du jury au Festival de Cannes 2014, Mommy est souvent cité comme le film le plus abouti de Xavier Dolan. On y suit les relations de Steve, un adolescent aux violents troubles du comportement, de sa mère et d’une voisine qui essaie de les aider. L’intrigue est située dans un Canada contemporain où il existe une loi S-14 (fictionnelle) qui donne la possibilité de confier les enfants très difficiles à une institution de l’État entre hôpital psychiatrique et prison. Comme l’explique le Dr Jean-Victor Blanc dans son livre, à sa sortie le film a reçu un accueil triomphal. Mais les symptômes psychiatriques de Steve correspondant à une mosaïque de troubles, les critiques ont redoublé d’inventivité pour lui accoler le bon diagnostic. Ainsi, tandis que Les Inrocks qualifiaient le jeune homme "d’un peu psychotique", Le Figaro voyait en lui un "ado bipolaire". Ils ont été également nombreux à dresser le diagnostic de TDAH (Trouble Déficit de l’Attention avec Hyperactivité).

Le psychiatre note également que certaines personnes ont pu croire que la loi S-14 existait. Il résume : "L’imprécision du diagnostic de Steve entretient l’idée que les maladies sont interchangeables et que les psychiatres décident de l’un ou l’autre avec autant de subjectivité qu’un astrologue". Et si Mommy reste indéniablement un très beau film, Jean-Victor Blanc note que "les fictions ont une influence sur les représentations de la psychiatrie". D’où l’intérêt de se montrer précis dans la représentation des troubles psychiatriques à l’écran.

Mariah Carey, trouble bipolaire et stigmatisation

En 2018, Mariah Carey révèle en couverture du magazine américain People qu’elle mène "un combat contre le trouble bipolaire". La célèbre chanteuse détaille alors ses symptômes, "les mêmes que tous les patients atteints de trouble bipolaire, même quand ils n’ont pas vendu 200 millions d’albums", précise Jean-Victor Blanc. Ces dernières années, le trouble bipolaire a été particulièrement exposé dans la pop culture, apparaissant dans des films ou des séries, de Happiness Therapy à Homeland. Mais si le public s’émeut de cette maladie lorsqu’elle est dépeinte à l’écran, il est plus dur avec celles et ceux qui déclarent en être atteints, à l’instar de Mariah Carey. Après la publication de son témoignage, l’interprète de Fantasy a été moquée sur les réseaux sociaux, beaucoup d’internautes l’accusant de se donner "l’excuse" d’un trouble psychique pour justifier ses comportements de diva.

Le psychiatre compare ces réactions négatives à celles bien plus positives reçues par Angelina Jolie en 2013 au moment où celle-ci avait révélé avoir subi une double mastectomie à titre préventif (l’actrice est atteinte d’une mutation génétique l’exposant à un grand risque de cancer du sein, ndlr). "Cela avait suscité une grande vague d’empathie envers l’interprète de Tomb Raider", rappelle Jean-Victor Blanc, avant d’expliquer que la maladie de Mariah Carey étant physiquement invisible, il est plus facile de discréditer ses propos. "On imaginerait mal Angelina Jolie sommée de prouver, dossier médical à l’appui, qu’elle était bien à très haut risque de cancer du sein. (…) Il est donc là bien question de la différence de traitement dont les troubles psychiques font l’objet par rapport aux maladies du corps", conclut-il.

De Shutter Island à Britney Spears, l’hospitalisation sous contrainte

C’est peut-être l’un des sujets relevant de la psychiatrie les plus exploités par le cinéma et les séries télé. L’hospitalisation sous contrainte, les camisoles de force ou encore la lobotomie ont alimenté et continuent d’alimenter les fantasmes de nombreux réalisateurs. Dans Shutter Island (2010), Martin Scorsese met en scène Leonardo DiCaprio dans le rôle d’un agent fédéral chargé d’enquêter sur la disparition d’une patiente d’un hôpital psychiatrique. Les patients apparaissent isolés et dangereux tandis que les médecins inspirent tout sauf la confiance. Spoiler Alert, on découvre par la suite que l’enquêteur est en fait un patient en passe de subir une lobotomie. Cette vision anxiogène des services de psychiatrie est étroitement liée à l’idée qu’hospitalisation rime avec enfermement sous contrainte.

Jean-Victor Blanc cite ainsi l’exemple de Britney Spears, dont la santé mentale passionne les foules depuis de nombreuses années, et qui a été hospitalisée en avril 2019 pour "détresse émotionnelle". "Le mot ‘internement’ a été largement utilisé dans les médias. Beaucoup de fantasmes ont agité les réseaux sociaux, au point que l’ex-princesse de la pop a publié une vidéo démentant les rumeurs la voulant séquestrée contre son gré", explique le psychiatre. Et de rappeler que si la notion d’internement sous contrainte existe, elle concerne une hospitalisation sur quatre en psychiatrie et dans plus de la moitié des cas dure moins de douze jours. Contrairement à ce que de nombreuses séries télé voudraient nous faire croire – de Dallas à Gossip Girl – l’hospitalisation sous contrainte n’est donc pas "un moyen facile de se débarrasser d’un personnage gênant le temps de quelques épisodes".

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