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Par Les Escales, publié le 04/06/2018

[Interview] Vincent Engel : "Maramisa", son hymne au roman d'aventures

Auteur de très nombreux romans, dont Le Miroir des illusions, publié aux Escales en 2016, Vincent Engel revient ces jours-ci en librairie avec Maramisa, un roman d'aventures à la croisée d'Indiana Jones et de Da Vinci Code. Il nous raconte le point de départ d'une oeuvre qu'il porte en lui depuis plus de trente ans.

Pouvez-vous nous raconter la genèse de Maramisa ? Comment est née l’inspiration ?

Je crois que le point de départ, en 1985, est double – et comme tout est double dans Maramisa, il n'y a rien d'étonnant à cela. Une première idée, puisée dans les recherches que je faisais alors sur le judaïsme, selon laquelle ce qui en fait l'essence réside dans l'absence d'une terre, d'une nation. Un peuple à l'identité forte malgré l'absence de nation, à une époque où le nationalisme a causé et cause encore tant de ravages. La seconde idée est cette structure qui deviendra le cantique : une première boucle, puis une autre, et une autre, et une autre… Je voulais d'abord trouver un compositeur ou une compositrice qui créerait une musique sur ce schéma, une musique minimaliste et sérielle certainement, vu la structure. Et puisque je n'ai pas trouvé, je me suis mis en tête d'écrire un texte qui suivrait ce principe.

Puis, Maramisa est arrivée… Comment ? Je n'en sais rien. Je ne suis pas loin de croire aujourd'hui que c'est elle qui m'a appelé. Qui est venu me débusquer dans cette campagne où nous nous étions installés, au bout du bout du monde. Notre fille nous réveillait plusieurs fois toutes les nuits ; à son chevet, tandis que j'essayais de la rendormir, j'ai écrit une première nouvelle : Maramisa. L'histoire d'un archéologue qui découvre un site à nul autre semblable, où de larges tombes communes côtoient des masures. 

Et ce nom, "Maramisa", d’où vient-il ?

Il s’est imposé à moi… Sans doute Maramisa avait-elle déjà entamé son lent projet de résurrection. C’est étrange comme des noms s’imposent à vous. Beaucoup d’écrivains pourraient en témoigner. Par exemple, pour les personnages féminins, j’utilise souvent le prénom de Lætitia, mais je ne sais absolument pas pourquoi. Sauf qu’il est musical et signifie "joie". Pour "Maramisa", je pense que c’est la musicalité du nom qui m’a séduit. Quelque chose d’envoûtant. Dans "Mara", il y a peut-être "mère", si on s’adonne à une rapide psychanalyse de bazar. Et ma mère est certainement la personne qui a le plus compté dans la première partie de ma vie.

Après, j’ai découvert que "Maramisa" avait été choisi par une classe de prêtres philippins, pour désigner leur groupe. Ils ont composé un mot-valise qui signifierait "un cœur, milles visages". C’est là que j’ai compris que Maramisa m’attendait et m’envoyait des messages. Charles Vinel vous le dira dans le roman.

Vous avez été jusqu’à créer une langue, avec un alphabet spécifique. C’est un travail immense ! Comment avez-vous procédé ?

Lorsque j’ai commencé à apprendre le latin, plutôt que d’étudier la langue de Cicéron, je me suis mis à en inventer une. Caractères, syntaxe, lexique… J’ai perdu tous ces travaux, mais je n’ai à l’évidence pas perdu ce goût. Ce qu’il y a de fascinant avec une écriture que l’on ne peut pas déchiffrer, c’est que l’on peut tout inventer. Par contre, une fois que l’on peut déchiffrer, on ne peut plus rien inventer. Il est impossible de ne pas lire une écriture que l’on connaît. 

J’avais écrit le Cantique en français, dans notre alphabet. Mais je savais que je devrais le rendre dans cet alphabet marami que je ne connaissais pas, mais auquel Charles serait confronté. Avec Dimitri Piot, nous avons créé cet alphabet. En adaptant la police au texte français, c’était beaucoup trop long. Pour rendre graphiquement une langue plus ancienne, j’ai « retraduit » le texte, du français vers le marami. Marami, langue que j’ignore totalement, comme Charles, mais que je crois extrêmement sèche, synthétique, à l’image du sable et du désert. Cette ignorance n'a pas empêché Charles de traduire le Cantique et le Talisman. Maramisa voulait que nous comprenions ! 

Le sable et le vent sont omniprésents dans Maramisa. Quels rôles revêtent-ils pour vous ?

Le sable m’a toujours fasciné, même si je déteste la plage ! Il y a quelque chose d’abyssal dans un grain de sable. Il contient tout le désert. Et le désert commence et finit à chaque grain de sable. Le vent, c’est les coïncidences, les hasards, les aléas. Parce que le sable, c’est aussi (voire d’abord) la loi du grain de sable. L’incident qui fait que le plan le mieux bâti risque toujours de s’effondrer (comme un château de sable, ou de cartes) au dernier moment, ou au premier, ou au deuxième. On ne peut pas tout prévoir, ce qui est très stressant pour quelqu’un comme moi qui aimerait pouvoir tout prévoir. La seule chose que l’on peut anticiper avec certitude, c’est que les choses ne se dérouleront jamais comme on l’a prévu. C’est ce que découvrent Charles et Hermann dans le roman. C’est ce que nous découvrons tous, tous les jours. 

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