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Par First Editions, publié le 26/01/2018

Rencontre avec Vincent Mottez

Le rôle trouble des sociétés secrètes dans l’Histoire, de l’Antiquité à nos jours : rencontre avec Vincent Mottez, journaliste passionné d’Histoire, auteur des "Sociétés secrètes".

Vincent Mottez lève un coin du voile à propos du rôle des sociétés secrètes dans l’Histoire : leurs relations ambigües avec le pouvoir, leurs organisations, leurs codes, leurs symboles, leurs secrets, ainsi que leurs propres mythologies, obscurs par nature. Une occasion de démystifier de nombreux fantasmes mais aussi de revoir certains aspects de l’Histoire sous un autre éclairage.

                                                            

Votre livre propose une approche à la fois pédagogique et documentée de l’histoire des sociétés secrètes. Pourquoi vous êtes vous intéressé à ce sujet ?

Je m’y intéresse depuis plusieurs années, en tant que journaliste pour différentes revues d’Histoire et à titre personnel, à travers mes lectures. J’avais retenu cette phrase curieuse que Balzac fait dire à un personnage dans Illusions Perdues, l’un des mes romans préférés. « Il y a deux Histoires : l'Histoire officielle, menteuse, qu'on enseigne, l'Histoire ad usum delphini ; puis l'Histoire secrète, où sont les véritables causes des événements, une histoire honteuse ». Certains auteurs ont même voulu voir en Balzac un membre d’une société secrète martiniste ! Bref, on croise souvent la silhouette des sociétés secrètes au détour des grands événements, surtout aux XVIIIe et XIXe siècles, mais de façon trouble, sans pouvoir définir nettement les contours. J’ai voulu tirer le fil de la bobine, remonter aux sources les plus fiables, afin d’en savoir plus et de me faire une idée plus nette à propos du rôle des sociétés secrètes au cours de l’Histoire, et ainsi, à travers ce livre, de la partager avec le public. C’est un sujet intriguant, car peuplé d’intrigues en tout genre, et énigmatique, de par leur univers mystérieux, souvent ténébreux. C’est fascinant, comme tout ce qui est secret finalement.

 

Les publications sur ce sujet sont relativement nombreuses. Qu’est-ce qui fait la spécificité de votre livre et son principal intérêt pour les lecteurs ?

Il y a en effet pléthore d’ouvrages sur le sujet, et je crois en avoir lu une part essentielle. Je dirais très schématiquement que les livres sur les sociétés secrètes se classent en deux catégories. Ceux réservés aux historiens, difficilement accessibles pour un public non « initié » — si l'on peut dire ainsi ! —, car très pointus, très denses, peu digestes, nécessitant de solides connaissances du contexte historique ; ce sont par exemple des mémoires en plusieurs tomes de personnages de premier plan ou plus obscurs, des ouvrages à propos des rituels dans un style très jargonnant, etc. À l’inverse, la deuxième catégorie, ce sont les livres dits de vulgarisation, qui selon moi, pour une grande partie d’entres eux, « vulgarisent » à outrance, quitte à caricaturer, à enfiler un collier de poncifs que l’on trouve sur Internet, sans que l’on puisse bien distinguer le vrai du faux. Bien souvent, ils donnent dans le sensationnel ou alors, au contraire, balaient d’un revers de manche toutes les « légendes urbaines » à propos des sociétés secrètes sans vraiment rentrer dans les détails et déceler le rôle véritable. Or, le sujet, comme toutes les études historiques en général, exige une approche précise et nuancée. Les deux écueils sont de surestimer ou de sous-estimer par principe le rôle des sociétés secrètes. À ma modeste mesure, j’ai voulu faire un livre entre ces deux polarités, c’est-a-dire à la fois rigoureux et accessible pour le grand public. Un livre qui s’appuie sur des ouvrages sérieux, qui recoupe des sources probantes, et qui en restitue la substantifique moelle, comme on dit.

 

On découvre douze sociétés secrètes au fil de votre livre. Comment la sélection s’est-elle opérée ?

Ces douze sociétés secrètes ont d’abord été choisies pour offrir un panorama représentatif : à différentes époques, de l’antiquité au XXe siècle, sur différents continents et dans des domaines variés, comme la politique, l’ésotérisme ou encore la criminalité. Sous la direction de Pierre Baron, directeur de la collection Les Dossiers Interdits de L’Histoire, j’ai choisi des sociétés secrètes qui semblent incontournables comme les Pythagoriciens, eu égard à leur rôle quasi matriciel dans le domaine ésotérique, ou bien les fameux Illuminati, qui occupent le devant de la scène sur Internet et dans l’espace médiatique, comme le prouve le best-seller de Dan Brown Anges & Démons. Mais j’ai voulu aussi, et c’est peut-être là une autre spécificité du livre, mettre en lumière des sociétés secrètes beaucoup moins connues, même totalement inconnues du grand public, voire des historiens, puisque, pour certaines, aucune monographie ne leur a été consacrée à ce jour. On peut citer la Sainte-Vehme, une société secrète médiévale de Westphalie chargée de rendre une justice expéditive ; l’Ordre des Chevaliers de la Foi, société secrète catholique et royaliste, une sorte de contre-franc-maçonnerie ; les Carbonari, une société secrète révolutionnaire très active durant la première moitié du XIXe siècle dans toute l’Europe, en particulier en France et en Italie.

 

Parmi les douze, y aurait-il une société secrète que vous avez particulièrement aimé traiter ou qui vous a marqué ?

Hormis les trois que je viens de citer, je dirais les Thugs. Il s’agit d’une société secrète très ancienne composée de dévots de la déesse Kali qui étranglaient les voyageurs sur les routes de l’Inde. Ce choix doit sans doute à mon tropisme personnel pour ce pays depuis quelques années. Mais au-delà, c’est parce que le sujet est passionnant, pittoresque et subtil, comme l’est la société indienne toute entière. On peut se demander si le colonisateur anglais n’a pas exagéré le phénomène des Thugs pour justifier sa répression impitoyable et justifier ainsi le monopole de la violence légale. De façon plus anecdotique, de nombreux internautes parlent aujourd’hui de la Thug life, c’est même devenu un vrai gimmick pour railler ironiquement une attitude audacieuse ou pseudo rebelle. Mais savent-ils que ce nom provient d’une société secrète immémoriale des routes poudreuses de l’Inde ? Bref, j’ai eu plaisir à écrire ce chapitre et j’espère que le public en aura autant à le lire. 

 

 

 

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