Born in 1960, Laurence Ink has lived for fifteen years in the Canadian far North. She now lives in Madagascar. Songs of Coral and Silver is her second novel.
Madagascar, 1831 is when the amazing story of Jean Laborde, a young man, survivor of a shipwreck and washed up on the island's East coast, evolves. There reigned the cruel Queen Ravalona, attempting to rid her kingdom of any European influence. But he knew how...
Madagascar, 1831 is when the amazing story of Jean Laborde, a young man, survivor of a shipwreck and washed up on the island's East coast, evolves. There reigned the cruel Queen Ravalona, attempting to rid her kingdom of any European influence. But he knew how to charm his queen and thus exercised enormous influence in the field of architecture and philosophy, building a whole city and a palace reinventing his dream of Europe in this lavish vegetation far away. Until one day, the Queen is tired of it all
Born in 1960, Laurence Ink has lived for fifteen years in the Canadian far North. She now lives in Madagascar. Songs of Coral and Silver is her second novel.
VoahangyLorsque l'heure vint de me donner un nom, Dadabe mon grand-père m'a nommée Voahangy, Perle de Corail. Car, dit-il, son destin sera celui des Princes, à côté du pilier du centre. Et voilà que selon son désir, nous sommes montés de notre village vers les plateaux de l'Imerina, pour attendre le Blanc qui revient de loin.Ma mère enfanta à l'époque où l'on brûle l'herbe, au seuil d'Alakaosy, sous le règne de Ra Navalona Manjaka. C'était un jour rouge. Le matin précédent, un papillon blanc était entré dans la case et à l'heure où le soleil séchait le dessous des feuilles, ma mère commença à sentir les douleurs de l'enfantement. Aucun fils, aucune fille ne lui était venue auparavant, et elle-même, personne ne l'avait précédé, personne ne la suivait, du ventre de la seconde épouse de Dadabe, celle dont la mort lui avait été très douloureuse. Toute la journée, le feu brûla, et l'accoucheuse de vie fit couler l'eau chaude sur son ventre et le massa avec de la graisse. Mais celui qui possède les jours l'avait dit: de grands malheurs viendront. Au premier chant du coq de la nuit suivante, elle fut délivrée. Alors, les enfants de la première épouse qui étaient ses frères et sœurs, les parents de sa famille vinrent la supplier de leur remettre l'enfant pour qu'ils le portent à la rivière, en disant: «Rien de favorable ne peut venir pour nous d'un destin si puissant.»
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Jean LabordeLe 19 juillet 1857, j'ai quitté cette maison sans savoir si j'y reviendrais. Je ressens encore l'effroi de ces jours, celui de ce moment précis où, parvenu à Ampamoizamaso, «Là où les yeux abandonnent», alors que je me dirigeais vers la côte, je m'étais retourné pour regarder une dernière fois la colline de Tananarivo. J'avais alors cru distinguer, très loin, en haut du palais que je lui avais bâti, la silhouette de la reine, ou plutôt la tache pourpre de son ombrelle. Ce fut alors que je compris – au sens non seulement d'entendre, mais d'accepter, quand tout en moi s'en indignait – que le verdict qui me chassait, qui me rejetait en étranger loin des rivages de ce pays était sans appel. Je sus aussi que je ne la reverrais plus. Et, je l'avoue, me voilant les yeux de ma main comme pour me protéger de l'éclat trop fort du soleil, je pleurai. – Qu'il parte, avait-elle dit. Il lui sera accordé vingt-quatre heures de plus qu'aux autres, pour rassembler ses biens, sauf ses esclaves qui m'appartiennent, moi la souveraine de ce royaume. Passé ce délai, qu'il parte, car alors je ne réponds plus de sa vie. Suffit-il de quelques heures pour boucler son balluchon et faire ses adieux lorsqu'on a plus de cinquante ans et que l'on a imprudemment cru à sa réussite?…»
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Journal de Jean Laborde10 octobre 1861La reine a emporté dans son lamba pourpre la promesse que je lui fis de ne pas écrire sur Madagascar. Je me trouve donc libre d'écrire sur ma vie, qui depuis longtemps se trouve étroitement tressée avec l'histoire de son royaume, comme les fils bleus aux fibres jaunes du raphia. Car c'est finalement ici que j'ai vécu la plus grande part de mon existence. Déjà à Saint-Denis ou à Port-Louis, où de tristes événements me contraignirent à demeurer en exil, mes amis, qui profitaient de mes récits à la veillée, me reprochaient de ne pas employer ces grandes journées vides à rédiger mes Mémoires. Mais il n'est pas si aisé de replonger dans son passé, quand l'avenir vous paraît incertain et le présent sans vigueur. Je ne réussis qu'à gâcher quelques plumes, à brouiller de notes hâtives trois ou quatre de ces petits carnets dans lesquels j'avais inscris jusque-là les secrets et les réussites de mon métier. Je ne suis guère un homme – ou plutôt je devrais dire : je n'étais guère un homme – à rester longtemps assis devant un bureau. C'était pour moi du temps perdu quand tant de travail m'appelait, pour bâtir, aménager, construire. D'autres me semblaient mieux placés pour tenter cette grande fresque. Allais-je moi aussi réciter, comme un pensum: «L'île Saint-Laurent est par les géographes nommée Madagascar, par les habitants du pays Madécasse, par Ptolomée Memuthias, par Pline Cerné, par l'auteur de la Géographie nubienne, par les Perses et les Arabes Sarandib… .»?Pourtant, mes amis n'ont pas tort lorsqu'ils m'opposent que nul n'a jamais pénétré aussi loin dans le cœur de ce labyrinthe. Vous dispersez à tous vents, me disent-ils, avec une prodigalité de causeur de salon, une connaissance de l'île Rouge dont des concurrents moins informés se prévalent. Sans parler de ce que vos aventures ont d'exemplaire et d'encourageant pour nos jeunes gens qui étouffent là où leurs talents ne trouvent pas à s'épanouir.Cela est juste: ce forban de Benyowski, qui se revendiqua roi de Madagascar, avait-il plus de connaissances, avait-il dans cette matière plus de droits que moi? Et l'abbé Ronchon? Et Leguevel de Lacombe? Et tant d'autres, qui ne demeurèrent ici que le temps d'attraper la vérole avec les filles du port et la fièvre dans les marécages. D'ailleurs, n'ai-je pas été souvent la source d'informations de ces voyageurs qui jetaient un regard sur le paysage comme depuis la fenêtre d'une calèche et s'empressaient, une fois rentrés, de tenir des discours savants sur l'âme d'un peuple dont ils n'avaient bien compris que le noir de la peau?