Et si la «pensée critique» s’offrait un guide de voyage ? Et si le moment était venu de prendre acte de la mondialisation des idées en dressant la mappemonde des nouveaux courants ? De l’altermondialisme sud-américain au néomarxisme européen, des gender studies en vogue dans les universités américaines aux recherches postcoloniales où brillent lessociologues venus du sous-continent indien, la vie intellectuelle mondiale connaît depuis une quinzaine d’années un profond renouvellement. Problème : l’éparpillement conceptuel, thématique et même géographique rend difficile de s’y repérer. Il était temps de dresser un état des lieux, d’établir une «cartographie des nouvelles pensées critiques».Une carte peut être simpliste, dessinée à gros traits, comme sur les dépliants à l’entrée des parcs de loisirs : une flèche pour le train-fantôme, une autre pour la rivière canadienne, un énorme «I» pour le «point information». Celle dressée par Razmig Keucheyan, un jeune sociologue français, tient plutôt de l’album routier. Ecrit avec intelligence et clarté, ce qui n’est pas si fréquent dans ce genre de littérature, il recense les grands thèmes actuels - le nouveau capitalisme, les transformations de l’Etat-nation, la question de la démocratie, le genre… - et présente une vingtaine de figures incontournables, parmi lesquelles Negri, Agamben, Badiou, Rancière, Butler…
Éric Aeschimann / Libération
Les années 1980 semblaient leur avoir donné le coup de grâce, avec pour point d’orgue la chute du mur de Berlin en 1989. Pourtant, depuis les années 1990, les « pensées critiques » connaissent un nouvel essor. À gauche toute. Elles prennent corps avec de nouveaux mouvements sociaux, telles les manifestations contre l’OMC à Seattle en 1999, le Forum social mondial de Porto Alegre en 2001, ou la montée de la gauche en Amérique latine. Razmig Keucheyan entend dans Hémisphère gauche « cartographier » ces nouvelles pensées et donner quelques points de repère pour s’orienter dans un paysage foisonnant et dense. L’exercice est périlleux. L’auteur tranche dans le vif, s’attache aux « stars » (Toni Negri, Judith Butler, Alain Badiou, Slavoj Zizek…) mais aussi à des penseurs moins connus du grand public mais non moins féconds, tels Leo Panitch, Ernesto Laclau, David Harvey, Alvarao Garcia Linera ou Robert Cox.
Catherine Halpern / Sciences humaines
Parcourant l’éventail des travaux critiques publiés ces trente dernières années sur des problématiques aussi diverses que l’impérialisme, les rapports de classe, les relations internationales, l’histoire économique, le féminisme, le droit, les identités, l’auteur expose les idées-forces et, parfois, les contradictions d’auteurs cités mais rarement lus.
Pierre Rimbert / Le Monde diplomatique
Jeune maître de conférences à la Sorbonne, il fournit là un outil précieux pour sortir des lamentos sur les piètres penseurs et anticiper les séismes à venir.
Aude Lancelin / BibliObs
Ce livre retient l’attention essentiellement pour deux raisons. Tout d’abord, parce qu’il dresse un panorama bien détaillé de ce que la pensée critique mondialisée compte d’important aujourd’hui. C’est donc l’occasion, pour les non-spécialistes, de découvrir l’œuvre de penseurs parfois difficiles comme Zizek, Butler, Negri ou encore Jameson (entre autres). Celle aussi du géographe marxiste américain David Harvey, dont l’auteur dit avec raison « qu’il n’est pas exclu que la postérité fasse un jour (de lui) l’un des représentants majeurs des pensées critiques de la fin du XXe siècle et du début du XXIe ». À travers ces auteurs, le livre aborde des questions à la fois classiques et difficiles : l’impérialisme, la nation, les nouvelles formes du capitalisme, les classes, le féminisme, etc.
Florian Gulli / L'Humanité
Depuis que la Théorie Critique est en voie de disparition, les pensées critiques tendent, elles, à proliférer. Elles recouvrent aujourd’hui des acceptions aussi multiples que « la théorie queer développée par la féministe nord-américaine Judith Butler, la métaphysique de l’événement proposée par Alain Badiou, la théorie du postmodernisme de Fredric Jameson, le postcolonialisme de Homi Bhabha et Gayatri Spivak, l’open marxism de John Holloway ou encore le néolacanisme hégélien de Slavoj Zizek » (p. 8). Autrement dit, les formes de critique qui tendaient à être unifiées, notamment dans le marxisme occidental, sont devenues non seulement très disparates entre elles, mais bien souvent contradictoires les unes envers les autres. Leur forme commune est sans conteste « l’hybridation » (p. 94), principalement entre les multiples avatars du marxisme et du poststructuralisme. C’est en partant du constat de la « défaite de la pensée critique » que l’auteur entend montrer les spécificités des nouvelles pensées critiques.
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