C'est un sujet d'avenir. Il est un peu l'oublié de cette campagne électorale. Pourtant, le choix de notre modèle de croissance mérite bien, selon Alain Lipietz, un débat approfondi. Pour l'ancien député Vert européen, auteur de nombreux essais, notamment La Société en sablier. Le partage du travail contre la déchirure sociale (La Découverte, 1996), la "vertitude", qui consiste à mettre une petite touche verte sur son programme, n'est plus de mise. Seul un "pacte vert" peut constituer une réponse vigoureuse à la crise du "libéral-productivisme". Alain Lipietz ne nie pas la responsabilité de la finance dans la crise actuelle. Mais il veut montrer que le marasme a d'autres causes, plus profondes. Ce qu'il appelle le "noeud FFFF", par exemple, de l'anglo-saxon food (la nourriture), feed (la nourriture pour le bétail), fuel (la nourriture pour les machines) et forest (pour les réserves de biodiversité), s'est considérablement resserré depuis dix ans. En témoigne la hausse du prix des matières premières et des denrées alimentaires. "La possibilité d'une prospérité sobre et verte, assurant la sauvegarde de l'environnement et conduisant au plein-emploi, avec une équité accrue entre les humains, n'implique pas sa faisabilité politique", reconnaît l'auteur. Un "new deal" écologique en Europe demanderait en effet de l'argent frais. Comment en obtenir, sinon en "effaçant le passé", écrit Alain Lipietz, c'est-à-dire en monétisant la dette, au prix d'une dépréciation de l'euro ? Utopie, diront certains. Autre difficulté que l'auteur ne sous-estime pas : l'indifférence, voire l'hostilité, de l'électorat populaire à l'égard de l'écologie. Un nouveau compromis social et écologique est pourtant nécessaire, affirme Alain Lipietz, qui cite Gandhi : "Si une nation (comme la Chine ou l'Inde) se mettait à exercer une exploitation économique du même type (que celle de l'Angleterre), elle dévasterait le monde comme un nuage de sauterelles." Sans une pédagogie du changement, il y aura, prophétise Alain Lipietz avec des accents churchilliens, de la sueur, du sang, et des larmes.