« Il y a beaucoup, beaucoup à dire sur l’ouvrage de Balli Kaur Jaswal. Lire Le Club des veuves qui aimaient la littérature érotique revient à découvrir plusieurs excellentes histoires combinées en une. Une chronique de vie familiale autour de Nikki et des siens ; une histoire d’amitié ; une comédie un peu délurée ; un drame féministe ; des aventures franchement lascives ; un thriller inattendu... Le tout saupoudré d’une pointe de romcom, sentimentale sans niaiserie !
Difficile de ne pas succomber aux intrigues entremêlées qui glissent sous la plume de Jaswal. Tout sonne étonnamment juste et l’auteure se faufile d’un genre à l’autre sans la moindre fausse note, sans la moindre rupture de ton. Son roman est construit à la perfection, haletant et intriguant, cohérent surtout.
De bout en bout, elle conserve cette plume unique, pétillante, vive, féroce parfois. Par l’intermédiaire de Nikki, nous découvrons un groupe de veuves, de tout âge, majoritairement analphabètes. Un groupe qui ne fera que s’étendre et grandir, toujours plus, mue par une volonté assumée de raconter leurs fantasmes cachés, de se remémorer leurs émois passés ou de rêver à de futures nuits torrides. Par leurs récits, elles se réapproprient leurs désirs, leur corps, la plus élémentaire des libertés - une liberté qui surprend Nikki, comme le lecteur, car elle balaie d’emblée tous les clichés qu’on peut imaginer sur cette petite communauté.
Des portraits de femmes forts, non idéalisés mais terriblement touchants, vivants et réalistes. L’évolution de ces personnages ainsi que de notre protagoniste, Nikki, est une ode au corps, à l’émancipation et à la féminité.
~Avec résolution, l’auteure écarte les stéréotypes sur les Anglo-Indiens et apporte une réflexion poussée sur le mariage arrangé, les communautés repliées sur elles-mêmes, la vie à Southall (quartier londonien caractérisé par sa culture sud-asiatique)... Elle attire également le lecteur sur ses problèmes récurrents : le harcèlement et l’intimidation appliqués par une minorité extrémiste, les difficultés rencontrées dans certaines unions non heureuses, les tracas de l’intégration, la notion d’honneur omniprésente, la pression familiale (et surtout patriarcale), la vénération de certaines mères pour leur progéniture mâle (dont le club se moque d’ailleurs à plusieurs reprises), la problématique du divorce - entièrement liée au déshonneur... Et bien d’autres encore.
Si Jaswal a préféré s’attarder sur les problèmes que la communauté rencontre en son sein, cela ne l’empêche pas, de temps à autre, de rappeler le racisme et de la condescendance auxquels les Anglos-Indiens font régulièrement face au Royaume-Uni.
Vous l’aurez compris mais les échanges entre Nikki et les veuves ne manquent ni de piquant ni d’humour, l’ensemble de l’intrigue se voulant résolument féministe.
Pour autant, le livre porte bien son titre car il nous dévoile, à plusieurs reprises, les histoires narrées durant leurs séances : des moments littéraires voluptueux à souhait !
Car Balli Kaur Jaswal maîtrise autant l’art de la comédie que de l’érotisme : sans vulgarité ni surenchère, stimulante et inventive, force est de constater que l’auteur comprend mieux les rouages du désir que la plupart des écrivains actuels qui s’en érigent le porte-parole. On parle ici de caresses passionnées, d’étreintes saphiques, d’embrassades à la dérobée sur un toit, de pulsions assouvies au moyen d’objets particuliers… De quoi pimenter le quotidien du club - et bien sûr, des lecteurs !
Avouons-le franchement, Le Club des veuves qui aimaient la littérature érotique est excellent : tour à tour engagé, drôle et intense, il questionne en permanence le lecteur sur ses préjugés, sa sexualité, ses objectifs… Une fiction aussi atypique que réussie. Notre unique regret : ne pas pouvoir nous mêler, nous aussi, à ses femmes d’exception, le temps d’un atelier d’écriture un peu particulier. »
Chloé / Au Chapelier lettré, à Faremoutiers (77)