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Mélancolie de gauche
La force d'une tradition cachée (XIXe-XXIe siècle)
Collection : Sciences humaines
Date de parution : 06/10/2016
Éditeurs :
La Découverte

Mélancolie de gauche

La force d'une tradition cachée (XIXe-XXIe siècle)

Collection : Sciences humaines
Date de parution : 06/10/2016
Entre la Commune et Mai 68, les révolutions ont toujours affiché une prescription mémorielle : conserver le souvenir des expériences passées pour les léguer au futur. Une mémoire « stratégique », nourrie d’espérance. Mais cette dialectique entre passé et futur s’est brisée, et le monde s’est enfermé dans le présent. Ce nouveau rapport entre histoire et mémoire permet de redécouvrir ce qu’Enzo Traverso, à la suite d’Arendt, appelle une « tradition cachée », celle de la mélancolie de gauche.
 
Depuis le XIXe siècle, les révolutions ont toujours affiché une prescription mémorielle : conserver le souvenir des expériences passées pour les léguer au futur. C’était une mémoire « stratégique »,... Depuis le XIXe siècle, les révolutions ont toujours affiché une prescription mémorielle : conserver le souvenir des expériences passées pour les léguer au futur. C’était une mémoire « stratégique », nourrie d’espérance. En ce début de XXIe siècle, cette dialectique entre passé et futur s’est brisée et le monde s’est... Depuis le XIXe siècle, les révolutions ont toujours affiché une prescription mémorielle : conserver le souvenir des expériences passées pour les léguer au futur. C’était une mémoire « stratégique », nourrie d’espérance. En ce début de XXIe siècle, cette dialectique entre passé et futur s’est brisée et le monde s’est enfermé dans le présent. La chute du communisme n’a pas seulement enterré, une fois pour toutes, la téléologie naïve des « lendemains qui chantent », elle a aussi enseveli, pour un long moment, les promesses d’émancipation qu’il avait incarnées.
Mais ce nouveau rapport entre histoire et mémoire nous offre la possibilité de redécouvrir une « tradition cachée », celle de la mélancolie de gauche qui, comme un fil rouge, traverse l’histoire révolutionnaire, d’Auguste Blanqui à Walter Benjamin, en passant par Louise Michel ou Rosa Luxemburg. Elle n’est ni un frein ni une résignation, mais une voie d’accès à la mémoire des vaincus qui renoue avec les espérances du passé restées inachevées et en attente d’être réactivées.
Aux antipodes du manifeste nostalgique, ce livre – nourri d’une riche iconographie : des tableaux de Courbet aux affiches soviétiques des années 1920, des films d’Eisenstein à ceux de Théo Angelopoulos, Chris Marker ou Ken Loach – établit un dialogue fructueux avec les courants de la pensée critique et les mouvements politiques alternatifs actuels. Il révèle avec vigueur et de manière contre-intuitive toute la charge subversive et libératrice du deuil révolutionnaire.
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EAN : 9782707190123
Façonnage normé : BROCHE
Nombre de pages : 300
Format : 135 x 220 mm
EAN : 9782707190123
Façonnage normé : BROCHE
Nombre de pages : 300
Format : 135 x 220 mm

Ils en parlent

Dans son nouvel essai, qui est lui fruit d’un cours donné à Cornell en 2014, l’Historien Enzo Traverso interroge le rapport au passé de la gauche révolutionnaire. Une collection d’essais sensibles, dans le pur jus de l’Histoire des idées où Traverso est maître et qui s’intéresse beaucoup au cinéma.
Toute la culture
Avec Mélancolie de gauche, Enzo Traverso, professeur de science politique à l’université Cornell (État de New York), se confronte au rapport de la gauche à ses propres défaites. Sans nier l’importance de la chute du mur de Berlin, il montre qu’a toujours existé, dans la culture de gauche, une certaine disposition d’esprit mélancolique. A côté et contre le récit épique de l’irrésistible avancée du peuple vers le socialisme, présent notamment dans le stalinisme, il a en effet existé d’autres récits, épars et minoritaires, reposant sur la douloureuse mémoire des défaites passées.
L’année 1989 puis l’effondrement du bloc soviétique n’ont alors fait que leur donner une visibilité nouvelle, mais en en modifiant le sens. Jusque-là, chaque défaite pouvait être vécue comme rendant nécessaires d’autres luttes, au nom même de la mémoire des camarades tombés, vers un horizon final utopique et victorieux. Mais la chute du Mur, qui aurait pu libérer la gauche de l’hypothèque stalinienne, semble au contraire l’avoir paralysée et en avoir balayé les espoirs, transformant une mélancolie grave mais combative en acedia, en torpeur passive et résignée.
Enzo Traverso propose alors de retrouver «la force d’une tradition cachée», celle de la mélancolie disposant à l’action. Pour cela, il puise bien sûr dans les écrits d’auteurs tels que Karl Marx, Walter Benjamin ou Daniel Bensaïd. Mais il utilise aussi d’autres sources, comme les traces laissées par «la mélancolie des vaincus» qu’ont été Auguste Blanqui, Rosa Luxembourg, Léon Trotski ou Samuel Zygelbojm, le militant du Bund. Les relisant en prenant pour guide Walter Benjamin, il montre comment, chez ces révolutionnaires, l’expérience de la défaite n’empêchait pas la persistance d’un esprit utopique rédempteur, parfois mystique. Dans son analyse, Enzo Traverso fait aussi la part belle aux œuvres picturales, architecturales ou cinématographiques d’artistes de gauche. Le «cinéma des révolutions vaincues» bénéficie d’un traitement particulièrement réussi, avec l’analyse de films qui, de La terre tremble de Luchino Visconti à Rue Santa Fe de Carmen Castillo, montrent des personnages, souvent des gens ordinaires, partageant et surmontant l’expérience de la défaite.
 
Samuel Hayat / Libération
Redécouvrir une mélancolie, propre mais cachée, de la « culture de gauche », comme y invite l’historien Enzo Traverso, n’est ni un aveu d’impuissance, ni céder à une sorte d’esthétisation complaisante d’une faillite. C’est, au contraire, se réapproprier le « legs des luttes libératrices » d’hier, et ainsi, sans s’illusionner pour autant, se prendre à espérer de nouveau. Quand bien même le marxisme occupe une place de première importance dans cette histoire, les expressions de cette mélancolie sont nombreuses et contrastées. Traverso les cherche dans l’histoire. Si 1989, « moment de cristallisation symbolique d’une séquence d’accumulation de défaites », et les années qui suivront, sont propices à ces sentiments de dépossession sans alternative, d’autres ont marqué la conscience de gauche.
Avec érudition, l’auteur met en relief des sensibilités intellectuelles et esthétiques. 1848, la Commune, la Ligue spartakiste, le soulèvement du ghetto de Varsovie, Che Guevara : les « défaites glorieuses » sont autant de nervures d’une histoire qui ne cesse de faire retour. De même les œuvres cinématographiques, de Visconti à Chris Marker, en passant par la Bataille d’Alger, iconisent les batailles perdues. Les déceptions concernent tout autant les « ratés » dans la convergence des luttes. Traverso consacre un chapitre au rendez-vous manqué entre le marxisme occidental et l’anticolonialisme.
La mélancolie se transmet enfin parmi les penseurs de l’émancipation. Le « léninisme libertaire » de Daniel Bensaïd, pensé après la chute du mur, se fait ainsi l’écho du messianisme révolutionnaire de Walter Benjamin, dans les circonstances funestes de 1940. Un même sens du tragique habite ces esprits, entre espérance et désespoir. L’originalité de l’ouvrage réside moins dans les interprétations que dans le montage de ces expériences du naufrage. Le tableau, dense, laisse deviner la richesse culturelle de la gauche, par-delà les caricatures des actuelles « campagnes ». La mélancolie et l’infinie tristesse que peut susciter la « ressouvenance » des luttes perdues sont des antidotes pour les luttes à venir. Car « la transformation du monde, souligne Traverso, est un pari mélancolique, ni hasardeux ni fou, pétri de mémoire, certes volontariste mais fondé sur la raison ».
 
Arnaud Saint-Martin / L'Humanité

Ce qu'en pensent nos lecteurs sur Babelio

  • vincentf 07/04/2017
    La gauche regardait vers l'avenir, vers les lendemains qui chantent, vers le grand soir. Mais aujourd'hui, la gauche est vaincue, elle se rend compte que son histoire fut une succession de défaites, que ses luttes furent toutes perdues. Enzo Traverso esquisse quelques figures de cette gauche – la vraie gauche, celle qui n'a pas transigé – quand elle se rend compte qu'il ne reste d'elle plus que son ombre. Il évoque le choc de 1989, les statues de Lénine dévissées, les communistes perdus dans l'océan de la mondialisation libérale, les espoirs fous douchés, les lieux de mémoires d'une lutte écrasée sous les trahisons. La mélancolie, c'est toucher le fond pour mieux rebondir, pour mieux se révolter, pour mieux rendre possible la prochaine révolution. La gauche n'est pas morte, elle panse ses blessures et pense déjà au prochain combat.
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