«Celui qui commande la mer commande le commerce; celui qui commande le commerce du monde commande la richesse du monde, et par conséquent le monde lui-même.», Sir Walter RaleighLes glaces reculèrent…L'homme inventait, partout, l'agriculture et l'élevage, qui l'attachaient à la terre. La mer fut, dans un premier temps, vue et vécue comme une limite. «Finis terrae», la fin de la terre, le Finistère: ainsi l'océan était-il perçu comme l'obstacle infranchissable, le rivage était le point au-delà duquel commençait l'inconnaissable. Parfois, cependant, certains voyaient la mer comme une route étale. Radeaux ou canots de fortune, les peuples du néolithique, profitant des glaciations qui entraînent une baisse générale du niveau des mers, n'hésitent pas à franchir des étendues considérables d'eau salée. En témoigne la diffusion générale du phénomène mégalithique: menhirs et dolmens foisonnent par-delà les mers. Ainsi, profitant d'une Méditerranée plus basse de cent mètres, des hommes passent, d'île en île, dans l'archipel toscan, pour occuper finalement celle qu'ils appelleront Kyrn «montagne dans la mer» et que nous appelons Corse.C'est qu'il y a deux façons de voir la mer barrière hostile ou voie de communication. Paradoxalement, les peuples qui ont le mieux usé de la mer sont ceux contre lesquels elle a été le mieux utilisée. Si les Britanniques les “Marsouins” d'Anatole France ont constitué un empire maritime incontestable, c'est peut-être pour avoir été envahis (et, nécessairement, par voie maritime) à de multiples reprises. L'Histoire de l'Angleterre, depuis que César passa la Manche pour asservir les Celtes de Grande-Bretagne, n'est qu'une succession d'invasions et de débarquements réussis contrairement à ce qu'affirme l'intoxication, tout aussi réussie, du mythe anglais. Saxons, Vikings, Normands avaient mis l'île en coupe réglée avant même le commencement du Second Millénaire. Les Français y prirent pied à de multiples reprises durant la guerre de Cent ans. Au lieu de se réfugier frileusement dans leurs forêts, les descendants des Angles en tirèrent une leçon exemplaire : ils domineraient les mers d'où le danger était venu, parce que la mer était, pour ces îliens, le symbole de la toute-puissance. Et ils bâtiraient une mythologie d'invincibilité maritime qui découragerait les autres nations en veine de conquête : Napoléon s'y est laissé prendre, et Hitler n'a même pas pensé à contester la légende de la forteresse Angleterre.