La grâce : Le livre de Thibault de Montaigu

J'ai entendu parlé des vertus théologales lors d'une de mes réunions de préparation au baptême la semaine dernière, à la paroisse de ma ville. Deux jours plus tard je vais rendre mes livres à la médiathèque car je n'ai pas réussi à en finir un seul. Je m'ennuis dans mes lectures et je n'y arrive pas. Je prends au hasard un livre sur les rayons puis je l'ouvre et je tombe précisément sur ce qui à été abordé deux jours plus tôt par le prêtre. J'ai donc décidé de le lire et c'est un grand coup de coeur. Que demander de plus ?

Deuxième livre de Thibault de Montaigu que je lis après l’excellent “Coeur” sur son père. Ici il est question de Christian, l’oncle et frère cadet de son père, qui est le protagoniste de ce récit émouvant et terriblement humain. On assiste ici au parcours pour le moins tourmenté d’un homme qui fera sienne la devise des Franciscains après un moment d’illumination. Son neveu lui rend un bel hommage sans omettre les moments difficiles et troubles de sa vie. Il y a aussi par moments le parallèle fait avec la propre vie de l’auteur qui passe également par des phases de dépression. On notera aussi les difficultés à travailler et a évangéliser dans certains quartiers où la foi catholique à baisser. Des hommes comme Christian poursuivent leur mission malgré l’adversité et avec une foi inébranlable. En résumé une existence avec ses hauts et ses bas ou la dévotion aux autres prendra sa place la plus importante.

J'étais impatiente de lire ce livre, après le choc d'André Froissard qui m'avait bouleversée. La lecture est pourtant fluide et soutenue et le lecteur se laisse emporter par un récit très bien construit. Mais ce qui m'a déplue c'est un sentiment de surenchère de la déchéance durant la première partie. Bien évidemment il s'agit de la première tranche de vie de l'auteur, qui, après sa révélation sera largement remise en cause, mais le sentiment en tant que lectrice me laisse penser à un certain éloge dérangeant de ses excès. Cela place la révélation de l'auteur, qui apparait en fin de l'ouvrage, en second plan, alors que cet événement aurait mérité un appui plus franc. Je conseille toutefois cette lecture à toutes celles et ceux qui s'interrogent sur de tels revirements de vie tel que les a vécus cet auteur. Bravo à lui pour la sincérité du récit.

J'ignorais tout de ce livre et de son auteur avant de croiser une boîte à livre rurale bien garnie. Bonne pioche pour moi car j'ai été très touchée par cette enquête familiale sur le thème de la conversion. Certes, on y retrouve beaucoup de schémas un peu stéréotypés sur le sujet, Thibault de Montaigu pouvant être caricaturé comme produit de la bourgeoisie intello (famille Gallimard) et de l'aristocratie décadente (famille Tassin de Montaigu). Mais la plume de l'auteur et la richesse de sa réflexion dépassent largement le stéréotype, à condition de ne pas être allergique à ce type de littérature nombriliste parisienne. Pourquoi et comment bascule t'on dans la foi ? Est ce que la conversion change nos vies, qu'est ce que la foi change dans nos vies, ou pas ? Consacrer sa vie à Dieu est-il une issue de secours ? Parti sur les traces de la vocation franciscaine de son oncle Christian, alors que lui même s'interroge sur une forme de basculement intérieur qu'il a vécue, Thibault de Montaigu voyage, enquête, dépasse les mythes familiaux, se confronte à l'envers de la vie religieuse, découvre la vie de St François d'Assise et sonde le mystère de sa fascination biographique pour le meurtrier en cavale Dupont de Ligonnès. Dans ce témoignage très inscrit dans son époque, l'auteur perpétue finalement une tradition très catholique, topos hagiographique, celui du basculement du péché vers la grâce. C'est évidemment très personnel, souvent lyrique, parfois intime, sincère évidemment, et très juste, à mon sens, et probablement pour ceux qui n'ont pas peur des écorchés vifs du catholicisme.