L'âme de la vallée - tome 3 - NE : Le livre de Christian Signol

Fin des années 1860, la famille Donadieu, bateliers sur la Dordogne, a repris sa vie rythmée par les crues et décrues saisonnières qui conditionnent les voyages commerciaux vers l'estuaire de la Gironde. Benjamin, condamné au bagne en Algérie pour sa participation à l'insurrection républicaine de 1851, est de retour et, désormais accompagné de son épouse Marie à la tête d'une deuxième gabare, transporte depuis Souillac le bois venu du haut-pays - le massif central - vers Libourne, puis remonte du sel depuis Bordeaux. Mais la Révolution industrielle est en marche, et la construction de lignes de chemin de fer menace bientôt l'activité séculaire du transport fluvial de marchandises. le fils aîné des Donadieu, Emilien, choisit bientôt de partir pour la ville, Périgueux. Quelque temps plus tard, la mort dans l'âme, Benjamin et Marie doivent eux-mêmes s'exiler vers le haut-pays, où l'activité forestière leur promet un nouveau départ. Mais le coeur ne renonce pas si facilement à la vie sur le fleuve… Un dernier tome qui conclut admirablement cette trilogie intitulée "La Rivière espérance". Ce livre aborde le thème de la rupture d'une vie, subie, ici le renoncement forcé à un métier qui est aussi un mode de vie et au-delà une raison de vivre, et la crise de sens qui peut en découler. L'impossibilité pour Benjamin de vivre et faire vivre son équipage sera vécu comme une perte de dignité, et pour Marie l'abandon d'un mode de vie et l'exil forcé de sa vallée de la Dordogne, une entaille à son identité. Mais dans les romans de Christian Signol comme dans la vie, ce sont les liens qui sauvent, ceux de la filiation ou de la solidarité. Et s'entremêle aussi, à cette vie d'une famille de bateliers, le combat républicain, objet d'une transmission lui aussi, qui a traversé plusieurs générations, jusqu'à la fin de l'Empire et la proclamation de la République en 1871. Finalement, Christian Signol nous propose ici une méditation sur le passé et ses souvenirs heureux, ceux d'enfance ou de jeunesse vécu en un lieu cher en faisant dire à Marie que "seul le souvenir du bonheur peut quelquefois rendre heureux les vivants". Et la lecture de l'épilogue éclaire le lecteur sur cette nostalgie de l'auteur, à l'égard d'une vie dans la vallée de la Dordogne perdue avec la révolution industrielle. Subsiste cependant la beauté de la nature, et l'imagination de l'écrivain et des lecteurs pour faire revivre ce monde disparu.

Le plaisir des trilogies c'est le plaisir de retrouver un lieu et des personnages que l'on connait déjà ... Marie et Benjamin vont devoir faire face à des bouleversements qu'ils n'attendaient pas . La modernité est en marche et bien que Benjamin refuse violemment le progrès il ne pourra empêcher la progression du train . Ce train qui concurrence la navigation sur la Dordogne et met en faillite tout un monde qui vivait autour de la rivière . Fracas aussi avec les fils qui choisissent leur vie parfois en s'opposant au père et au sein du couple qui dérive parfois dangereusement . Pourtant il faudra et ils sauront s'adapter et vivre dans un environnement nouveau même si les souvenirs d'un temps autre les rendent nostalgiques. J'ai apprécié ce dernier tome, plus raide que les précédents me semble-t-il, Benjamin s'enfermant bien souvent dans des refus obstinés et stériles . J'ai découvert un milieu professionnel et géographique que je ne connaissais pas . L'ensemble de cette série est réussi et offre une lecture agréable et plaisante .

Sans savoir que ce roman était le dernier d'une trilogie, j'en ai entrepris la lecture et franchement cela ne m'a pas dérangé . Comme toujours avec Christian Signol on est plongé dans l'histoire et ici celle de la navigation sur la Dordogne avec l'apparition du chemin de fer et ses conséquences ainsi que l'arrivée de la République. On vit les évènements avec la famille et on partage leurs angoisses et leurs décisions.