Ce qu'il nous faut, c'est un mort : Le livre de Hervé Commère
" I will survive ". C'était le dimanche 12 juillet 1998. À quel prix ? Ça, la chanson ne le dit pas. Cette nuit-là, trois garçons pleins d'avenir ont renversé une femme, une étudiante s'est fait violer, un jeune flic a croisé son âme sœur et un bébé est né.
Près de vingt ans plus tard, voilà que tous se trouvent concernés par la même cause.
On est à Vrainville, en Normandie. L'usine centenaire Cybelle va fermer ses portes. Le temps est venu du rachat par un fonds d'investissement. Cybelle, c'est l'emploi de la quasi-totalité des femmes du village depuis trois générations, l'excellence en matière de sous-vêtements féminins, une réussite et surtout, une famille. Mais le temps béni de Gaston est révolu, ce fondateur aux idées larges et au cœur vaste dont les héritiers vont faire une ruine.
Parmi ces héritiers, Vincent, l'un des trois garçons pleins d'avenir. Il a la main sur la destinée de quelques centaines de salariés. Mais il n'a pas la main sur tout, notamment sur ce secret étouffé dans un accord financier vingt ans plus tôt par son père et le maire de Vrainville, père du 2e larron présent la nuit du 12 juillet dans la voiture meurtrière. Le 3e gars, Maxime, n'a la main sur rien, personne n'a payé pour lui et surtout il n'a pas oublié. C'est l'un des seuls hommes employés par Cybelle et un délégué syndical plutôt actif.
Côté ouvrier, on connaît déjà le prix de la revente de Cybelle. Ca signifie plus que la fin d'une belle histoire entrepreneuriale : la mise au ban, la galère et l'oubli. Alors c'est décidé, ils n'ont plus le choix : puisque personne ne parle d'eux, ce qu'il leur faut, c'est un mort.
De (auteur) : Hervé Commère
Expérience de lecture
Avis Babelio
Sabinedarroze
• Il y a 1 semaine
Hervé Commère fait beaucoup parler de lui depuis le début de l’année avec son dernier roman « Dernier cri ». Au salon du polar de Gujan-Mestras, cet automne, j’ai fait sa connaissance. Affable et facile d’accès, par sa simplicité, sa curiosité pour les lectures de ses interlocuteurs pour mieux les conseiller pour appréhender son univers m’a touchée. Pour moi, ce serait le roman social noir. Avec « ce qu’il nous faut, c’est un mort » l’intrigue se déroule dans un petit village près de Dieppe (Vrainville) où le poumon économique est la manufacture de lingerie Cybelle depuis la fin de la première guerre mondiale. Le début du roman m’a perturbée. L’auteur nous délivre dans des chapitres particulièrement longs (des parties en réalité) le destin des personnages en accéléré, qui bascule en ce jour de finale de la coupe du monde de football, le 12 juillet 1998. Tout est resserré, on ne sait pas vraiment où on va. Certes, tout le monde, ou presque, ce souvient de ce qu’il faisait ce soir là! Ce jour là, les personnages du livre vont sombrer dans le drame, qu’ils deviennent victimes d’une agression traumatisante, ou qu’ils se rendent coupables d’une agression involontaire. L’écriture est dense; pas de pause; tout est relaté pour planter le décor de l’action traumatique, dans son contexte global pour chaque destin. Puis on passe au suivant. Ces jeunes gens ont tous un lien avec le village où trône le fleuron industriel textile local : fils de familles notables, fille d’ouvrier de la manufacture, ou enfant qui venait y séjourner pour ses vacances. La vie de chacun va évoluer, chacun va gérer, transcender son traumatisme comme il le peut, mais tout le monde va, in fine, se retrouver à Vrainville, en Normandie. Les notables de la fin du XXe siècle ont passé la main à leur progéniture, la mondialisation et le néolibéralisme ont eu raison du paternalisme économique et social du siècle passé, la cité économiquement, socialement et moralement est au bord de l’explosion. Mes hésitations des deux premières parties se sont rapidement transformées en attirance absolue pour cette histoire et ces personnages. Pas de rebonds électriques, on s’installe dans le récit sur la longueur, et on y sculpte une ambiance progressivement étouffante, angoissante. L’auteur y exploite le goût pour les puissants, fussent-il ruraux, et chacun peut reconnaitre les siens dans son territoire. Des seigneurs de pacotille, arrimés à leurs succès économiques comme des moules à leur rocher, faisant et défaisant « des carrières », des ambitions et des engagements envers une entreprise ou un territoire comme on jette ses chaussettes dans le panier à linge sale. Dans ces territoires, où il ne faut pas oublier d’où on vient et dont il est malaisé de s’affranchir, on cultive érige le secret en vertu, on le partage et on se tient, les travailleurs restant une variable d’ajustement faible, aléatoire qu’il convient de ne pas considérer lorsqu’il s’agit de valoriser les profits. Le monde change, les valeurs humanistes et collectives sont remplacées par celles du profit, de l’argent et de l’image. Est-ce une excuse? Une explication peut-être, une justification surement pas. Le suspense très bien construit traite de l’emprise des populations à leur travail, à une entreprise, aux codes sociaux, à l’histoire d’un territoire; il est haletant, vous pénètre sourdement, vous envahit et vous rend gourd. On soupçonne tout le monde, on envisage toutes sortes d’alliances expiatoires, les nouveaux visages, ces étrangers sont forcément coupables. Une merveilleuse lecture, pleine d’humanité qui fait la lumière sur la cruauté et l’absurdité de nos vies à poursuivre les leurres produits par l’argent et l’appétit du rang social. Il fut très difficile d’abandonner cette lecture en plein milieu d’une partie, il fallait poursuivre la suivante. Une lecture qui vous dévore le cerveau et vous fait vous poser une multitude de questions. J’ai déjà hâte de me faire conseiller le prochain par cet auteur .
Drogo25
• Il y a 6 mois
Merci à Pierre Lemaitre et à son dictionnaire amoureux du polar qui m’a donné envie de lire « Ce qu’il nous faut c’est un mort ». Au vu du titre, on croit entrer dans un polar noir bien sanglant mais on se retrouve dans un monde à mi-chemin de « Au revoir là-haut » et « Aux animaux la guerre », dans un polar historique, noir et social à l’intrigue habile et bien menée où les personnages clé n’ont en commun qu’un lien avec un village normand et d’avoir vécu un événement personnel décisif le soir de la victoire de l’équipe de France de foot en coupe du Monde 1998. Au fil des pages, tout s’imbrique petit à petit et on se plonge dans la vie au quotidien du bourg imaginaire de Vrainville et de son « Atelier Cybelle », maison réputée de lingerie inspirée de l’entreprise Lejaby. Difficile d’en dire plus au risque de divulgâcher mais je n’ai plus lâché le livre une fois ouvert. Le style d’Hervé Commère est sobre, percutant, vif, ponctué par de brefs apartés, comme si le narrateur se parlait à lui-même ou s’adressait au lecteur. C’est aussi très instructif et à conseiller aux lycéens qui se barbent en sciences éco pour aborder le déterminisme social et comment on est passé du paternalisme industriel aux fonds de pension américains. Petit bémol toutefois : le chapitre de clôture, « Dernière danse » m’a semblé superflu et l’éditeur Fleuve noir a laissé passé quelques erreurs orthographiques ou approximations pas à la hauteur de la qualité d’écriture de Hervé Commère.
laurentloisel
• Il y a 8 mois
Excellente surprise, d'un auteur dont je n'avais jamais entendu parler. Mi-polar, mi-récit sociétal, mi-roman à tiroirs. Oui je sais ça fait beaucoup de moitiés et on pourrait en ajouter d'autres tant ça part dans tous les sens, avec allers-retours sur plusieurs générations. L'auteur ne s'interdit d'ailleurs pas en nous présentant les protagonistes de nous dire direct sans spoiler ce qu'ils deviendront plus tard dans l'histoire (très fort !). Donc construction très originale, écriture itou. Un vrai scénario qui m'a bien emmené, avec quelques retournements bienvenus. Quelques réflexions sur le destin, le hasard, la rédemption, bref les choix qu'on fait ou qu'on ne fait pas Je recommande donc chaudement.
CalouRmn
• Il y a 9 mois
En dédicace à son livre, Hervé Commère, rencontré au salon de Nemours a écrit : « Ce qu’il nous faut, c’est la vie »… Cette phrase aux antipodes du titre de son roman (Ce qu’il nous faut, c’est un mort) semble pourtant un sacerdoce pour plusieurs de ses protagonistes… Victimes ou bourreaux, ceux-ci tentent d’oublier, de se reconstruire, même si tout les ramène à cet instant terrible où leurs vies ont basculé, à cette date mémorable du 12 juillet 1998 où l’équipe de France de foot devenait Championne du monde en renversant le Brésil et où le pays s’enflammait face à cette victoire historique… Fête pour des millions de Français, cauchemar pour les personnages du roman de Hervé Commère. Tout commence et tout prendra fin dans un petit village de Normandie, Vrainville, où la crise économique qui se profile va mettre à genoux l’unique entreprise pourtant florissante et qui fait la carrière et le bonheur de centaines d’habitants depuis des dizaines d’années : les ateliers de lingerie Cybelle dont le fondateur fut comme « un père » pour tous dans ce village… Des années plus tard, le fils du fondateur, devenu le nouveau patron de l’entreprise pourtant largement bénéficiaire tente un coup de poker avec une mise en vente qui va bouleverser toute la communauté, dans leur cœur et dans leurs finances ! Ce polar social très humain met en avant les relations entre patron et employés, entre victimes et délinquants, entre la France d’autrefois qui « aime la vie » et celle du futur qui ne connait que le chômage et les profits indécents réservés aux grands patrons… Comment sauver les Ateliers Cybelle ? Les ouvrières pensent qu’il faut « parler de leur avenir sombre », que la population se mobilise autour du poumon de leur village … « que seul un mort mettra un coup de projecteur sur leurs soucis »… Lorsque cette mort se produit, les effets ne seront pas ceux escomptés et le passé va revenir tel un boomerang au sein de cette communauté où certains avaient tout fait pour cacher la poussière sous le tapis ! Un très bon moment de lecture, sans scènes d’hémoglobine outrancières mais avec une justesse d’analyse dans les relations entre les habitants qui résonnera quelques temps en moi #128522; Une belle réussite que je recommande.
Avis des membres
Fiche technique du livre
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- Genres
- Policiers & Thrillers , Thrillers
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- EAN
- 9782823843842
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- Collection ou Série
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- Format
- Livre numérique
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- DRM
- Filigrame numérique
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9,99 € Numérique 282 pages