Mauvaise mer : Le livre de Jérôme de Verdière

Chronique réalisée lors du live de Jérôme de Verdière "Mauvaise Mer" 11 mai 1981, elle attend... Une femme attend patiemment que son marin rentre au port... Mais celui-ci ne rentrera jamais... 2016, quelque 35 ans ont passé et comme tous les soirs, Simone retrouve sa mère Élisabeth regardant l'horizon dans ce petit port breton. Qu'espère-t-elle après toutes ces années ? Si Simone a depuis longtemps fait le deuil de son père tragiquement disparu, Élisabeth, elle, garde l'espoir de le voir revenir. Simone, la gentille momone comme certains la surnommait quand elle était plus jeune, est quarantenaire maintenant, célibataire, sans enfant, elle est revenue vivre chez sa mère depuis peu... Elle, qui avait réussi, à s'éloigner de cette femme cruelle dans ces gestes et surtout dans ces paroles. Mais voilà, pendant toutes ces années, Élisabeth est devenue de plus en plus amère, acariâtre et méchante. Dans le petit village, moins on la croise mieux on se porte, tout le monde en prend pour son grade, mais pour Simone qui vit sous son toit, c'est un vrai calvaire... Des remarques désobligeantes, des sous-entendus qui font mal, bref, c'est une vraie tatie Danielle. Pourquoi est-elle aussi cruelle envers sa fille ? Que lui reproche telle exactement? Au fil des pages, avec Simone, on va refaire le passé, pour avancer doucement vers la vérité du présent... Entre coup bas et geste presque maternelle, elles vont toutes les deux essayer de s'apprivoiser, de se connaître, et pourquoi pas retisser un fil maternel effiloché depuis trop longtemps... Une vérité inattendue que ni l'une ni l'autre n'a vu venir va pointer son nez presque jour pour jour après la disparition de cet homme qu'une aimait à la folie et que l'autre connaissait si peu vu son jeune âge... Jérôme nous livre ici, un roman plein d'amertume, de dysfonctionnement maternelle suite à un choc émotionnel. Entre phrases acerbes et compliments plus que rares, quelques moments de rire sont présents... Ce sont des phrases chics et chocs qui sortent de la bouche de cette Élisabeth que je n'aimerais pas avoir en face de moi... Malgré toute cette méchanceté gratuite, on s'aperçoit très vite, que le problème ne vient pas forcément d'Élisabeth. Des secrets de famille peuvent détruire des relations pendant des décennies, et quand ils sont révélés, le lien familial plus que bancal a peut-être une chance d'être à nouveau présent... En lisant ce roman, j'ai ressenti énormément de colère, j'ai ri et pleuré, je me suis senti frustré de ne pas être au côté de Simone pour la secouer et lui dire : et oh, fait quelque chose, ne laisse pas ta mère te traiter ainsi... Mais qui suis-je pour m'immiscer dans la vie de ces deux femmes ?? Je ne suis juste qu'une lectrice qui s'est pris un uppercut en ouvrant ce roman...

Un huis clos entre mère et fille, la première âgée de soixante-dix ans, la seconde récemment quadragénaire, elles sont seules, le père disparu en mer trente-cinq années plus tôt. La mère est une sorte de Tatie Danielle, désagréable au possible, blessée de la vie, mais est-ce seulement en raison de la disparition de son mari? La mer peut-elle être seule responsable? Avant de parvenir à l'épilogue, ce texte bien écrit réussit une mise en scène des deux femmes, avec quelques personnages satellites d'un poids secondaire mais jouant néanmoins un rôle dans la relation entre la mère et la fille. Les dialogues sont savoureux, traduisant bien tout ce qui peut émaner d'un microcosme de village. L'auteur a fait le choix d'une fin ouverte, sujette à interprétation, chaque lecteur pouvant choisir la sienne. Néanmoins, trop de possibilités me semblent tuer la possibilité unique et réelle.