Andromaque : Le livre de Euripide, Jean Racine
Édition présentée et commentée par Annie Collognat-Barès, professeur de lettres supérieures au lycée Victor-Hugo (Paris)
Racine songe sans nul doute à l'actrice Du Parc, sa maîtresse, quand il écrit Andromaque, où il transpose les tourments qu'elle lui fait subir...
Captive troyenne enlevée par Pyrrhus avec son fils Astyanax, Andromaque, veuve d'Hector, doit choisir : l'épouser ou voir périr son enfant, comme les Grecs l'exigent. Mais peut-elle céder à ce bourreau séduisant qui a massacré sa famille et incendié sa ville ? Il y a un fleuve de sang entre eux. La haine, la douleur et la fidélité à Hector doivent l'emporter. Dans le même temps, dans l'ombre, Hermione, ainsi qu'Oreste, malheureux éconduits par une chaîne amoureuse, conspirent...
Lire avec le texte intégral et la préface
Comprendre avec Les clés de l'œuvre
26 pages pour aller à l'essentiel
75 pages pour approfondir
De (auteur) : Euripide, Jean Racine
Préface de : Annie Collognat
Collection dirigée par : Claude Aziza
Avis Babelio
diantetegab
• Il y a 3 semaines
"Andromaque, je pense à vous !" - Charles Baudelaire, le Cygne (Les Fleurs du Mal, 1857) Pour quelques obscures raisons, j'eus beaucoup de mal à écrire cette critique : je ressentis comme un blocage à chaque fois que je tâchais de m'atteler à sa rédaction. Chose tout à fait étrange, par ailleurs, puisqu'Andromaque (1667) est, assurément, ma pièce favorite de Racine. Il paraît donc assez surprenant d'avoir à rechercher ses mots lorsqu'une oeuvre a exercé sur vous une si grande emprise, à provoquer en vous un si grand émoi. À tout bien considérer, je saurais expliquer ce phénomène d'engourdissement momentané de l'esprit par le fait qu'il m'est toujours difficile d'exprimer un avis digne d'intérêt sur une oeuvre à laquelle je voue presque un culte : souvent, ce que je dis n'est qu'un simple entrelacs d'insipidités et de phrases convenues – d'une affligeante banalité. Toutefois, aujourd'hui je me risque à porter un avis qui pourrait être jugé sans intérêt, par trop dithyrambique, excessivement long pour bien peu de choses, car mon amour pour cette oeuvre m'y pousse ; je n'y puis rien, à Vénus revient la faute ! Enfin, voilà que je m'égare. Dispensons-nous de toutes abstractions et venons-en au vif du sujet : Andromaque est la meilleure pièce écrite de la main de Racine ! Bien entendu, il serait sot de ma part d'admettre une opinion aussi tranchée sans y apporter quelque nuance. C'est pourquoi je tiens à témoigner de ma fervente admiration pour Phèdre (1677), la plus célèbre des tragédies du poète, considérée par beaucoup comme l'apogée de son génie dramatique. D'un point de vue purement stylistique, j'admets légèrement préférer le ton bien plus fiévreux de cette seconde pièce ; au surplus, les scènes de grande tension dramatique sont souvent bien plus marquantes que celles d'Andromaque (pensons à la confession de Phèdre à Oenone, au retour miraculeux de Thésée du séjour des morts, etc.). Malgré tout, à mes yeux, Andromaque surpasse en plusieurs points sa digne successeuse, tant par sa construction narrative d'une incroyable rigueur que par la profondeur des personnages qu'elle met en scène. Mais avant d'étayer davantage mon propos, je tiens tout d'abord à présenter les enjeux de la pièce, afin d'en montrer toute la complexité et la subtilité. Andromaque est une tragédie en cinq actes, écrite par Jean Racine (entièrement en vers et composée de 1 650 alexandrins !), en 1667, et représentée pour la première fois au château du Louvre, le 17 novembre de cette même année. Comme pour bon nombre de ses tragédies – telles que Phèdre et Iphigénie –, Racine s'appuie sur un héritage dramaturgique millénaire pour concevoir sa pièce, en s'inspirant très largement des travaux d'auteurs antiques tels que Sénèque, Homère ou encore Euripide, dramaturge du IVe siècle avant notre ère, qui composa une version bien plus brute d'Andromaque, que le poète français remaniera et peaufinera bien des siècles plus tard, selon l'un des principes fondamentaux du classicisme – à savoir l'imitation des grandes oeuvres (helléniques) de l'Antiquité, symbole de beauté pure et de perfection artistique S'il nous fallait résumer en une phrase toute l'intrigue d'Andromaque, nous pourrions nous en tenir à ceci : Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, laquelle cherche à protéger son fils Astyanax tout en restant fidèle au souvenir de son mari, Hector, tué par Achille, le père de Pyrrhus, en combat singulier pendant la guerre de Troie. Mais, pour être parfaitement juste — car se contenter d'un tel résumé serait trahir toute la densité de l'oeuvre —, une petite mise en contexte s'impose : Les événements qui ont cours dans Andromaque se déroulent bien des années après la fin de la guerre de Troie, qui opposa les chefs grecs, menés par le vénérable Agamemnon, roi de Mycènes, au peuple troyen, dont le défunt Hector demeure le plus valeureux représentant. Le ravissement de la belle Hélène, femme de Ménélas — roi de Sparte et frère d'Agamemnon —, par le noble Pâris, fils du roi Priam, fut à l'origine de ce conflit sanglant. Cet affront odieux provoqua l'indignation et la colère de tout un peuple, qui ne pouvait se résoudre à tolérer une pareille humiliation. La vengeance fut réclamée par tous : elle se devait d'être intransigeante et impérieuse. Pendant dix ans, les combats firent rage, sans qu'aucun vainqueur ne s'impose totalement, jusqu'à la ruse fatale du cheval de bois, qui décida de l'issue finale de l'affrontement. Grâce à ce stratagème décisif, l'armée achéenne et les Grecs s'emparèrent de la cité, décimant au passage tous ceux qui eurent le malheur de se dresser sur leur route. De Troie, il ne restait plus rien : seulement des ruines, des flammes et du sang. Les derniers survivants furent réduits en esclavage ou offerts en partage aux chefs des cités victorieuses. Ce fut le cas d'Andromaque, veuve du valeureux Hector, contrainte de suivre en Épire le superbe Pyrrhus, accompagnée de son jeune fils Astyanax. Dans ce pays inconnu, l'héroïne de ce drame d'une extrême intensité est livrée à elle-même, rejetée par tous, aimée d'un seul : Pyrrhus, l'ennemi et rival d'Hector. Et tandis que le roi d'Épire s'attache de plus en plus à elle et fait voeu de l'épouser — alors que celui-ci est aimé de sa fiancée légitime, Hermione, elle-même aimée par Oreste —, Andromaque doit faire face à un dilemme déchirant : rester fidèle à son défunt époux Hector en rejetant Pyrrhus, mais risquer de perdre son fils Astyanax, menacé d'être livré aux Grecs, ou céder aux avances du soupirant détesté, pour laisser la vie sauve à son unique enfant, au risque de s'humilier et de bafouer l'honneur du peuple troyen. Voilà tout le drame d'Andromaque : une femme d'une insigne probité, réduite à l'asservissement ; une femme brisée, à qui tout a été arraché, et qui se retrouve prise pour cible d'une secrète conspiration, préparée dans l'ombre par Hermione et Oreste, tous deux jaloux — l'une d'Andromaque, l'autre d'Hector —, car tous deux rejetés. Ce qui constitue toute la richesse de cette pièce, c'est bien entendu le soin porté au style, d'une incroyable virtuosité, mais aussi à la psychologie des personnages, tous parfaitement caractérisés et confrontés à des dilemmes moraux complexes — contrairement à Phèdre, pièce dans laquelle un seul personnage — ladite Phèdre donc — est véritablement en proie à un conflit intérieur terrible. Cela est possible grâce à l'impeccable construction du récit, reposant sur un principe simple mais d'une efficacité indéniable : établir un lien émotionnel fort et direct entre tous les personnages, créant des rapports complexes et ambigus entre eux, afin de tisser une véritable toile tragique où chaque passion en alimente une autre, jusqu'à conduire inéluctablement à la catastrophe. Racine orchestre avec une précision minutieuse cette chaîne de passions croisées : l'amour de Pyrrhus pour Andromaque provoque la jalousie d'Hermione ; la jalousie d'Hermione attise la fureur d'Oreste ; la folie d'Oreste achève de faire éclater le fragile équilibre du pouvoir et des coeurs. Ainsi, nul personnage n'est épargné : tous deviennent à la fois victimes et bourreaux, pris au piège de leurs propres émotions, incapables d'échapper à la fatalité. De fait, la tension narrative est constamment à son comble, car chaque personnage est un loup pour l'autre : tous patientent, attendent le moment opportun pour attaquer. En comparaison, la pièce Phèdre met en scène plus particulièrement l'autodestruction progressive d'une femme qui succombe à ses désirs les plus « déviants ». le cadre narratif se resserre, se concentre sur Phèdre et sur ses propres tourments. Les autres personnages lui sont subordonnés, gravitent autour d'elle, et n'ont d'importance que lorsqu'ils interagissent directement avec elle, ce qui n'est pas le cas dans Andromaque (Oreste et Andromaque ne se rencontrent jamais directement au cours du récit ; pour autant, ces deux personnages sont essentiels à l'équilibre narratif, puisqu'ils occupent des positions parallèles dans la structure symétrique de la pièce : deux amants infortunés, tiraillés entre leurs sentiments et leurs engagements personnels — ramener la tête d'Astyanax aux Grecs pour l'un, honorer la mémoire d'Hector pour l'autre). En définitive, Andromaque illustre avec une rare intensité la tragédie des passions humaines et la complexité des choix moraux. Racine y déploie une maîtrise absolue du verbe et de la structure dramatique : chaque personnage est à la fois acteur et victime, entraîné dans une mécanique implacable où désir, jalousie et devoir s'entrelacent jusqu'au point de rupture. La pièce ne se limite pas à raconter des amours contrariés : elle explore les tensions entre honneur et survie, fidélité et stratégie, mettant en lumière la fragilité des liens humains face à la fatalité. Par son équilibre entre poésie, psychologie et tragique, Andromaque demeure un chef-d'oeuvre intemporel, capable de toucher le lecteur ou le spectateur contemporain tout autant que celui du XVII#7497; siècle. En comparaison avec Phèdre, où l'intensité se concentre sur un seul personnage et ses tourments intérieurs, Racine montre ici sa capacité à orchestrer une toile complexe de passions croisées, démontrant que la tragédie n'est jamais un simple récit : elle est le miroir de la condition humaine dans toute sa grandeur et sa fragilité.
nonoloah10
• Il y a 1 mois
J’ai beaucoup aimé Andromaque de Racine. C’est une pièce qui m’évoque de nombreux souvenirs, car je l’avais étudiée et analysée au lycée, et la redécouvrir aujourd’hui me replonge dans cette première rencontre avec le théâtre classique. Racine y déploie tout ce que j’aime dans le registre dramatique : des passions intenses, des dilemmes déchirants et cette fatalité qui pèse sur les personnages. Andromaque, figure de fidélité et de douleur, incarne parfaitement la grandeur tragique, tandis que les autres protagonistes se débattent dans leurs amours impossibles et leurs choix cruels. Ce qui me touche, c’est à la fois la force des émotions qui traversent la pièce et la beauté du langage racinien, sobre et puissant, où chaque vers pèse comme une sentence. Même si le cadre classique peut sembler rigide au premier abord, il donne justement à l’intrigue une intensité et une tension dramatique que j’apprécie énormément. En somme, Andromaque est pour moi une œuvre marquante, non seulement parce qu’elle m’a accompagné dans mon parcours scolaire, mais aussi parce qu’elle continue de me séduire par son intensité tragique et son écriture magistrale.
lasixiemepage_Sandy
• Il y a 2 mois
" Fais connaître à mon fils les héros de sa race ; Autant que tu pourras, conduis-le sur leur trace. Dis-lui par quels exploits leurs noms ont éclaté, Plutôt ce qu'ils ont fait que ce qu'ils ont été ; Parle lui tous les jours des vertus de son père, Et quelquefois aussi parle lui de sa mère." Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime Hector, qui est mort… Une intrigue amoureuse qui semble infinie fait de la pièce Andromaque un chef d'œuvre du théâtre classique. #10024;#65039; Tous les éléments de la tragédie sont là : de la passion, des mensonges et des trahisons. La plume de Racine est belle, les dialogues sont parfois longs mais ils nous font vivre de nombreuses émotions autour de l’amour passionnel. Depuis 1667, Andromaque est un succès sur les planches. Si vous aimez le théâtre classique, foncez, vous ne serez pas déçus.
Antharius
• Il y a 2 mois
Une relecture par le maître poète d'un classique de la tragédie grecque. En une ligne je retrouve tout ce qui me passionne dans le théâtre! Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime Andromaque. Dis comme ça ça fait plutôt théâtre de boulevard que tragédie grecque. Mais si on ajoute que Pyrrhus a droit de vie ou de mort sur le fils d'Andromaque, fils d'Hector et peut-être futur grand souverain... Puis qu'Hermione est la fille d'Hélène, enlevée par les Troyens et qui sait avoir de l'emprise sur l'ombrageux Oreste... La fidélité d'Andromaque à son époux défunt, qui ne peut se résoudre à épouser le barbare Pyrrhus qui a massacré la population de Troy (épisode du cheval de Troy est un vrai carnage) même si son refus entraîne la mise à mort probable de son fils... Il n'y a peut-être que le personnage d'Oreste qui me semble un peu "en-dessous" avec son amour à sens unique et ses passions qui le commandent. Il n'a autant "de présence" que les grandes figures qui l'entourent. Mais "son tour" viendra hélas dans une prochaine pièce. Une pièce classique, toujours aussi agréable à lire en se projetant les jeux d'acteurs dans son "théâtre de l'imaginaire". Bref, une très belle histoire qui respecte les codes de la Tragédie.
Avis des membres
Fiche technique du livre
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- Genres
- Classiques et Littérature , Théatre
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- EAN
- 9782823869835
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- Collection ou Série
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- Format
- Livre numérique
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- DRM
- Filigrame numérique
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