Albert Speer : Le livre de Joachim C. Fest
Qui était Albert Speer ? Poser la question, c'est faire émerger toute l'histoire de l'Allemagne entre 1933 et 1945. Car Speer fut à la fois l'architecte et le confident de Hitler, le ministre de l'Armement et, à partir de 1943, le maître de l'économie de guerre, ce qui fait de lui le deuxième personnage du régime, avant qu'il soit jugé à Nuremberg. Fest raconte avec talent comment s'est développée la relation, presque une fascination réciproque, entre Hitler et Speer. C'est lui qui invente la mise en scène nazie, se déclare partisan de la guerre totale et participe à l'élimination des Juifs de Berlin ; lui encore qui écartant ses rivaux (Goering, Himmler) devient presque l'alter ego du Führer, grâce à son art consommé des intrigues. Sous la plume de Fest, Speer est enfin démasqué : architecte d'un Reich qu'il imagine longtemps éternel, ami de Hitler jusqu'à la passion et seul capable de lui désobéir, stratège politique hors pair à Berlin comme à Nuremberg, il incarne le criminel nazi dans sa monstrueuse perfection.
Joachim Fest a notamment publié en tempus Les derniers Jours de Hitler, livre qui a inspiré le film La chute.
De (auteur) : Joachim C. Fest
Traduit par : Frank Straschitz
Expérience de lecture
Avis Babelio
Oliv
• Il y a 8 ans
Au cours de ma lecture de l'excellent ouvrage "Les maîtres du Troisième Reich" de l'historien allemand Joachim Fest, qui s'attachait à dresser un portrait et une analyse psychologique des principaux chefs nazis, mon attention a été plus particulièrement attirée par le parcours et la personnalité d'Albert Speer. Le même auteur lui ayant consacré une biographie, je me suis empressé de la lire, et celle-ci a parfaitement répondu à mes attentes... même si elle suscite autant de questions qu'elle n'apporte de réponses. Parmi tous les noms, de sinistre mémoire, associés au nazisme, celui de Speer n'est pas forcément l'un des premiers à venir à l'esprit. Ce ne fut pourtant pas un "second couteau". Il fut à un moment donné le numéro deux du régime derrière Hitler ; durant les dernières années de la guerre, en tant que ministre de l'Armement, il avait la haute main sur toute l'économie du Reich, et donc d'une grande partie de l'Europe. Ce qui surprend d'abord chez cet homme, c'est son profil atypique : cultivé, poli, intègre, sérieux, il détonne au milieu des soudards brutaux et grossiers pullulant dans l'entourage du Führer. Jusqu'au bout il se présenta comme "apolitique" et n'adhéra jamais aux thèses du national-socialisme. Car Speer est avant tout un artiste. Sa fulgurante ascension débute par de modestes travaux d'architecture auprès des responsables politiques, bientôt suivis par la mise en scène des "grand-messes" nazies : les jeux de lumière, les parades de drapeaux, toute cette liturgie qui impressionne encore aujourd'hui quand on regarde les vidéos d'époque, est due à Speer. Alors qu'une amitié se forme entre les deux hommes, Hitler lui confie de grands projets architecturaux qui non seulement serviront à clamer à la face du monde la prétendue supériorité du Reich et du peuple allemand, mais aussi, de manière plus inattendue, à former de "belles ruines" à l'image des vestiges gréco-romains, lorsque le passage des siècles aura effectué son oeuvre. Mais la fonction de Speer ne se borne pas à celle d'un "chef décorateur". Son rôle dans les crimes nazis devient plus direct à mesure qu'il obtient de nouvelles responsabilités. Ainsi, lorsqu'il préside à la modernisation de Berlin, il ne s'émeut pas du fait que les populations expropriées soient en majorité des Juifs (qui, au lieu d'être relogés ailleurs, disparaissent purement et simplement du paysage berlinois) ; plus tard, lorsqu'il succède à Fritz Todt à la tête du ministère de l'Armement, il cherche par tous les moyens à accroître la production (et y parvient fort bien, malgré les bombardements alliés sur les usines allemandes), et tant pis si ces bons résultats économiques sont obtenus grâce au travail de prisonniers de guerre détenus dans des conditions inhumaines... Au bout du compte, à la lecture de cette biographie, il est difficile d'affirmer que l'on comprend parfaitement le personnage de Speer, et ce n'est pas la faute de l'auteur : jusqu'à sa mort à l'âge de soixante-seize ans, en 1981 (il échappa en effet de peu à la condamnation à mort au procès de Nuremberg), l'ancien "confident de Hitler" est demeuré une énigme. Et c'est ce qui contribue à le rendre aussi fascinant, mais aussi dérangeant. Face à d'authentiques déments comme Göring ou Himmler, il est facile de se rassurer en se disant "Jamais je n'aurais pu agir comme ces monstres sanguinaires"... Mais que dire, que penser, face à l'exemple d'un homme cultivé, poli, intègre, sérieux, comme le fut Albert Speer ?
yann-frat
• Il y a 16 ans
Albert Speer le confident d'Hitler Joachim Feist Tempus (Perrin) De tous les personnages que je croise dans mes recherches, Albert Speer est, de loin, le plus troublant. Celui dont le parcours (à la fois absurde et totalement logique) m'intéresse le plus. Cependant comme je me doute que tout le monde ne le connait pas (je l'ai découvert aussi par hasard ce qui est un peu un comble mais bon) je vous fait rapidement une petite bio : Speer était un architecte en recherche de commande qui, un jour, accepta une première commande du parti nazi, puis deux puis trois... Puis devint un confident et l'ami intime de Hitler avant de devenir carrément le "préféré" du führer et l'architecte officiel du parti, celui que Hitler chargea de réaliser son projet le plus éclatant en matière d'architecture: « Germania, la capitale du monde" en remaniant totalement Berlin. Ce projet qu'ils avaient en commun achevant alors de tisser entre eux des liens indéfectibles. Ensuite, une fois la guerre déclarée, suite à la mort du ministre Todt, Hitler nomme Speer d'un coup ministre de l'armement et en fait officiellement son numéro deux. Speer accepte et se met au travail combinant un arrivisme forcené et un sens de l'organisation suffisamment extraordinaire pour devenir rapidement le numéro deux de l'état. Arrêté à la fin de la guerre, Speer comparait au procès de Nuremberg où il est le seul à reconnaitre sa part de responsabilité dans les crimes nazis tout en se défendant sur la ligne du "j'aurais pu savoir mais je n'ai pas cherché à le faire", il est alors condamné à 20 ans de prison à Spandau. Durant son emprisonnement il écrit ses mémoires qu'il publie à sa sortie de prison devenant subitement mondialement connu à nouveau. Le reste de sa vie sera alors consacré à témoigner sur les années nazis, à tenter de s'expliquer avant de s'éteindre d'une crise cardiaque en 1981 (!). Ce parcours résume donc toutes les questions qui m'intéressent sur cette époque: - Tout d'abord il prouve que tous les dirigeants nazis n'étaient pas antisémites (...) mais que par pur arrivisme ils se sont liés a un gouvernement qui l'était. - Speer se défend en disant qu'il n'était qu'un "technicien" et que les idées du parti ne le concernaient pas, et que c'est pour ça qu'il n'a rien su pour les camps… Soit mais a quel moment la participation à un système vous rend-elle responsable du système en entier, y compris de ce qu'on ne connait pas du dit système? - Il dit n'avoir rien su des camps alors qu'il était un proche d'Hitler. Cela fait bondir en général mais ça me semble probable : il n'a rien vu car il n'a pas voulu voir (j'imagine qu'il devait se douter que les temps "était mauvais" pour les juifs sans chercher plus loin). Mais ne pas chercher à savoir pour ne pas avoir à réagir n'est-ce pas au moins le début de la complicité? N'est-ce pas au moins le début essentiel des aveux? - En même temps qu'aurait-il pu faire d'autre? On lui reproche de ne rien avoir fait parce qu'il était numéro 2 de l'état et qu'il aurait pu agir. Mais en même temps il est devenu numéro 2 justement parce qu'il n'agissait pas. Il avait absolument tout à perdre à dénoncer. Mais peut-on exiger le sacrifice d'un homme? Il ne s'est simplement pas mis en danger, il s'est protégé, est-ce un crime (au delà de la morale) dans la mesure où il n'a pas participé directement aux massacres? - Son parcours éclaire aussi plusieurs aspect du nazisme : tout d'abord le complet bazar qui régnait à sa tête où luttes pouvoir et d'influences occupaient en priorité les ministres dans des combats homériques orchestrés... par Hitler lui même. Ensuite que les rangs des nazis étaient remplis de gens comme Speer avant tout opportunistes et cherchant à suivre le vent. Donc pour résumer l'une des pires catastrophes de l'humanité n'a même pas été menée par des principes philosophiques clairs (des idées) mais par une bande de gens qui vont où le vent les pousse. Donc si le nazisme (en tous cas son "Idée") a disparu (oui enfin même si tout est relatif), tous ses membres "actifs" sont finalement toujours là, autour de nous, braves moutons bêlant prêts à vous tuer sans y penser si on leur demande. Et Speer est leur chef spirituel. Pour aller plus loin (et pour ceux qui ont la flemme de lire un livre humm) il y a aussi ce dvd sur lequel je suis tombé totalement par hasard: Speer et Hitler "l'architecte du diable" Sebastian Koch et Tobias moretti Studio canal Oui je sais aussi qu’il y a plus drôle à lire... ;)) PS: Et ce que je pressentais en lisant les bienveillantes s'est révélé exact : la recherche de main d'œuvre, le problème "technique" entre un Speer qui veut un maximum d'ouvriers en état de travailler et les autres nazis qui veulent leur extinction absolue est LE problème central du régime nazi; l'opposition matricielle entre les "techniciens" et les "philosophes", entre Speer et Goebbels notamment. Litll a donc juste glissé don personnage dans cette faille béante. Bel effort ;))
Avis des membres
Fiche technique du livre
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- Genres
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- EAN
- 9782262025748
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- Collection ou Série
- Tempus
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- Format
- Poche
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- Nombre de pages
- 512
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- Dimensions
- 178 x 110 mm
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11,00 € Poche 512 pages