Bas les masques : Le livre de Marie Du Hameau

Peut-on vraiment tout pardonner ? Par exemple, seriez-vous capable de sortir avec un homme qui a eu un comportement atroce avec vous, de façon purement gratuite, pour amuser la basse-cour détestable qui le suit partout et qu'il ne supporte pourtant plus ? Moi, clairement, non. Les mots de Dennis envers Cécile sont réellement abjects, l'autrice dépeint une grossophobie réaliste, mais qui rend les premiers chapitres du bouquin particulièrement durs à lire. Pourtant, le rapprochement entre ces deux-là ne paraît pas sortir de nulle part. Cécile ne se laisse pas amadouer si facilement, et Dennis fournit des efforts indéniables pour s'excuser, même si, au départ, c'est surtout pour se donner bonne conscience. Reste que les quiproquos à répétition dans la dernière partie semblent un peu trop artificiels et alourdissent un rythme qui, jusque-là, était fluide. Dennis ayant repris ses mauvaises fréquentations, il donne l'impression de jouer sur deux tableaux ; quand bien même fait-il les bons choix, on peine à croire à sa sincérité... L'intrigue mêle néanmoins habilement jet-set et magouilles éditoriales, le métier de Cécile, méconnu, étant joliment mis en avant. En revanche, côté dépaysement, circulez, il n'y a rien à voir : les lieux sont nommés mais à peine décrits, sacrifiant l'immersion au profit du développement de l'histoire, format court oblige : une décision en réalité judicieuse. Enfin, difficile de savoir quoi penser du double message sur le physique de Cécile, qui a le mérite de ne pas se transformer en reine de beauté cachée. D'un côté, la jeune femme sait très bien à quoi elle ressemble et s'en moque. De l'autre, on nous dit quand même qu'avec de lourds efforts, y'a du mieux, certes sans nous cacher le temps monstrueux ni le coût de ce « mieux », qui plus est éphémère... Mais reste qu'on ne sait plus trop quoi penser, comme si l'on accusait à la fois Cécile de ne pas TOUT faire pour améliorer son apparence, tout en reconnaissant que ça n'en vaut pas forcément la peine... Un sentiment mitigé qui correspond finalement à mon ressenti sur le bouquin entier, entre grossophobie décomplexée (et qui n'a pas toujours l'air de servir à être dénoncée), et romance qui laisse perplexe... mais le tout porté par une plume particulièrement efficace, surtout pour ce qui est de dépeindre la cruauté humaine la plus gratuite qui soit.