Clemenceau : Le livre de Michel Winock

Poche

Perrin

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" Georges Clemenceau fut l'homme aux quatre visages : le Tigre qui fait tomber les ministères, le dreyfusard qui mène pendant neuf ans le combat du droit et de la justice, le premier flic de France qui, trois ans durant, dirige d'une main de fer le ministère de l'Intérieur, enfin le Père la Victoire qui conduit le pays à l'armistice avec l'Allemagne. Ce radical, d'abord haï par la droite pour son anticléricalisme, puis par la gauche pour son sens de l'ordre et sa lutte contre le pacifisme, est un homme apparemment contradictoire, qui se définissait lui-même comme un " mélange d'anarchiste et de conservateur ". Du premier, il avait la passion de la liberté, la philosophie individualiste, le dégoût de la " caserne collectiviste ". Du second, l'amour de la patrie, le respect de la propriété, une certaine forme de pessimisme - celui de l'homme d'action - sur la nature humaine. "
Michel Winock

De (auteur) : Michel Winock

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Expérience de lecture

Avis Babelio

lekjit1

5.00 sur 5 étoiles

• Il y a 1 mois

Clemenceau par Michel Winock, une œuvre monumentale, une véritable brique historique qu'on pourrait presque utiliser comme bouclier anti-émeutes – ou pour s'assommer dans une bibliothèque. Mais, c'est là tout le génie de l’historien : comment rendre cette masse d'événements, de dates et de décisions politiques non seulement lisible, mais passionnante ? Si vous pensiez que l'histoire d'un homme d'État aussi complexe que Georges Clemenceau serait un long fleuve tranquille de discours ennuyeux et de traités poussiéreux, détrompez-vous ! Grâce à la plume de Winock, même les aspects les plus arides de la vie du Tigre se transforment en moments captivants. Voici une petite promenade à travers les couloirs de cette « brique » géante. Dès le premier chapitre, Winock nous plonge dans la capitulation de Paris face à Bismarck en 1871. Mais au lieu de se contenter de la traditionnelle leçon de géopolitique sur la défaite, l'historien en profite pour introduire un élément inattendu : les Communards. Ces soi-disant « traîtres » aux yeux de l’histoire officielle sont en réalité… trop patriotes pour être pardonnés ! Voilà un bel exemple de la manière dont Winock réhabilite les oubliés et bouscule les clichés. Si Clemenceau a été un farouche opposant au régime de Vichy, il faut bien se rappeler qu'il n’était pas forcément du côté de la « République » telle qu’on l’entend aujourd’hui. En fait, il n’a jamais cessé de jouer avec les limites de l’histoire officielle pour réécrire une version plus complexe et nuancée des événements. Dans la suite du récit, l’auteur nous dévoile un Clemenceau sportif, pas le genre de sportif qui traîne dans les stades, mais un homme qui pratique le duel comme d’autres pratiquent la méditation. Clemenceau ne cherche pas juste la confrontation verbale ; il provoque, il défie. L’homme d’État devient presque une sorte de combattant de l’âme, allant jusqu’à prouver que les idéaux peuvent s’atteindre à coup de sabre. Ce n’est pas la violence pour la violence, mais l’idée que la politique exige parfois une sorte de sacrifice personnel, d’engagement à tout prix. Mais Clemenceau n’était pas seulement un homme de poing : il était aussi un précurseur. Qui aurait cru que cet homme était en avance sur son temps, tant ses idées étaient avant-gardistes ? Dès lors, il défend l’enseignement obligatoire, laïque et gratuit, la journée de travail de 8 heures, l’impôt progressif sur les salaires, la suppression de la peine de mort… Si ça, ce n’est pas un socialiste avant l’heure, qu’est-ce donc ? Puis, il y a la phase littéraire. Clemenceau, après avoir assis sa réputation dans l'arène politique, se tourne vers l’écriture. Et là, on peut dire que c’est un peu moins… excitant. Les pages sont pleines, mais l’enthousiasme, lui, semble avoir quitté le Tigre. Ce n’est pas que Clemenceau soit devenu un écrivain terne, mais ses œuvres littéraires ne véhiculent pas le même magnétisme que ses discours politiques. Le choc est assez frappant, et on se retrouve vite à se demander pourquoi un homme aussi passionné par les idées s’est mis à écrire de telles pages de poésie. Mais bon, chaque héros a ses faiblesses. Et puis vient l'affaire Dreyfus. Voilà un épisode absolument fascinant. Clemenceau, bien plus qu'un simple observateur, entre en scène avec un réalisme glacé. L’injustifiable condamnation d’Alfred Dreyfus, un officier juif accusé à tort de trahison, le révolte. Clemenceau se bat, avec une rigueur de justicier, contre la fabrication des fausses preuves par les antisémites pour condamner l’officier. Ce n’est pas qu'une simple affaire judiciaire, mais le tour de force d’un homme qui voit au-delà des manipulations politiques pour s’engager pleinement. Clemenceau prône une justice débarrassée des préjugés, un combat pour la liberté d’expression qui, à l’époque, frise l’héroïsme. Revenons à la politique, et surtout à ce virage majeur où Clemenceau devient ministre de l’Intérieur. Un passage particulièrement intéressant, où il fait preuve d’une grande finesse dans l’exercice du pouvoir. Au moment de réprimer des grèves qui déchirent la France, il fait tout pour éviter la violence. Dans un contexte où, en Belgique, les grévistes sont massacrés dans plusieurs villes, Clemenceau se distingue par sa volonté de rétablir l’ordre sans effusion de sang. C'est là que le Tigre se transforme en ministre de la guerre, un rôle qu’il endosse avec une ferveur patriotique qui fera de lui un chef de gouvernement redouté et respecté. Et puis, il y a la guerre, et cette étrange parenté entre Clemenceau et le journalisme. Tout à coup, il se transforme à nouveau en fervent défenseur du patriotisme, au point que, le cœur du pays en guerre, il est nommé ministre de la Guerre en 1918. C’est là, dans la guerre et la dévastation, qu’il déploie ses derniers atouts, devenant l'un des chefs de guerre les plus respectés du XXe siècle. Ainsi, Clemenceau de Michel Winock nous dévoile l’histoire d’un homme qui, loin de se résumer à une simple figure politique, est un intellectuel engagé, un duelliste, un réformateur, et un homme de guerre. Winock réussit l’impossible : rendre passionnante une biographie sur un homme dont la vie semble d’abord n’être qu’un enchaînement de grandes décisions politiques et d’épisodes controversés. Mais, si l’on est honnête, certains passages restent un peu… lourds, presque lents à démarrer, surtout lorsque Clemenceau se met à méditer sur ses propres écrits. Mais qu'importe, car c'est précisément cela qui fait de cette biographie une « brique » dont on peine parfois à se défaire, mais qui, à chaque page tournée, nous captive un peu plus.

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ShimonLucius

5.00 sur 5 étoiles

• Il y a 3 mois

Quel chef d’œuvre ! Jamais je n’aurais pensé être autant émerveillé par la biographie de ce si grand homme. J’y ai découvert l’extrême complexité d’une personnalité unique. Clemenceau le tigre, le tombeur de ministère, le premier flic de France, le père la victoire, rien d’étonnant que tant d’adjectifs puissent lui correspondre tout en réduisant l’immensité de cet homme si important pour la France. Son verbe, sa répartie, son patriotisme et son idéal politique républicain ont fait de Clemenceau un homme né pour gouverner. Son parti était de gauche, d’un héritage révolutionnaire, farouchement anticlérical et anticolonialiste. Il devait certainement penser au début de sa carrière politique que son combat ne s’apparenterait qu’à détruire du catholique ou du royaliste. Il trouvera pourtant un ennemi bien plus dangereux à sa gauche, des socialistes épris de penchants marxistes, insurrectionnels, anarchistes, antisémites puis défaitistes. Cette gauche républicaine, selon toute vraisemblance, n’existe plus aujourd’hui. Clemenceau prônait un idéal républicain radical consistant à assurer la suprématie de la loi et de la liberté. Son anticléricalisme n’avait pour vocation que de donner au peuple français la liberté de penser et de conscience sans réprimer la liberté de croyance. Ce qui le différenciait des socialistes, c’est son rejet catégorique du collectivisme et du concept marxiste de la lutte des classes. Sa confiance en la loi faisait de lui un réformiste, convaincu de l’importance fondamentale des libertés individuelles. Au cours de sa présidence du conseil en 1906, son gouvernement sera perçu par les socialistes comme un oppresseur priorisant le maintien de l’ordre devant les exigences des syndicats. Sa gloire gouvernementale viendra lors de sa seconde présidence du conseil à partir de 1917 où il dévouera chaque seconde de son existence à la victoire de la France. Ce livre n’a fait qu’amplifier la fierté de ce pays que j’aime, qui a autrefois été porté en des temps très sombres par un homme hors du commun. Il est toutefois difficile d’accepter que cette gauche patriote et républicaine ne s’observe plus de nos jours. Peut-être était-il un homme de son temps et qu’il serait probablement à droite aujourd’hui. Toujours est-il que l’honneur est grand en terre de France lorsque le nom de Clemenceau est prononcé et qu’il ne tient qu’au peuple français de s’instruire et d’avoir connaissance de la gloire d’un homme qui a tout donné pour sa nation.

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Fiche technique du livre

  • Genres
    Sciences Humaines & Savoirs , Histoire
  • EAN
    9782262034986
  • Collection ou Série
    Tempus
  • Format
    Poche
  • Nombre de pages
    704
  • Dimensions
    179 x 110 mm

L'auteur

Michel Winock

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12,50 € Poche 704 pages