Fables - Intégrale : Le livre de Jean de La Fontaine

Lire ou relire les "Fables" de Jean de La Fontaine, c’est se confronter à l’une des œuvres majeures du patrimoine littéraire français, à la fois d’une richesse inépuisable et d’une surprenante modernité. Publiées entre 1668 et 1694, en plusieurs recueils, les "Fables", mises en vers offrent bien plus qu’un simple divertissement moral. Elles constituent une somme littéraire, philosophique et politique qui ne cesse d’interpeller, de séduire et de faire réfléchir lecteurs de tous âges et de toutes époques. La Fontaine, en puisant ses récits chez Ésope, Phèdre et d'autres fabulistes antiques, n’en fait pas de simples traductions ni des exercices de style classique. Il opère un travail de transposition brillant, en insufflant à ces figures animales ou humaines une verve, une légèreté et un ton d’une grande liberté. Les fables deviennent autant de scènes du théâtre du monde, où se joue la comédie humaine dans toute sa complexité : travers sociaux, injustices politiques, illusions de grandeur, absurdités du pouvoir ou naïveté des plus faibles y sont dépeints avec ironie et finesse. Ce qui frappe dans cette œuvre, c’est d’abord la diversité des tons et des formes. Certaines fables sont de courts apologues incisifs, comme "Le Corbeau et le Renard", quand d’autres s’étendent en véritables récits allégoriques, comme "Les Animaux malades de la peste" ou "Les Deux Pigeons". La Fontaine varie les rythmes, les vers (essentiellement l’alexandrin et l’octosyllabe), les niveaux de langue, et joue constamment sur la musicalité et la suggestion. Cette souplesse stylistique, loin d’affaiblir l’unité de l’ensemble, en est au contraire l’une des forces majeures : elle permet à l’auteur d’épouser la pluralité des voix, des points de vue, des situations. Sur le plan moral, les "Fables" ont longtemps été perçues comme des leçons à usage pédagogique, notamment à travers leur enseignement scolaire. Mais cette lecture moralisante est réductrice. Si chaque fable semble proposer une morale explicite, celle-ci est souvent subvertie par le récit lui-même. La Fontaine cultive l’ambiguïté, le double sens, la relativité des jugements. Il ne s’agit pas de prêcher une vérité définitive, mais d’inciter à penser, à observer le réel avec acuité et distance. Derrière le masque du fabuliste se dessine un esprit libre, sceptique, proche de Montaigne ou de Pascal dans sa lucidité sur la nature humaine. Politiquement, les "Fables" sont aussi le miroir d’un siècle marqué par la centralisation monarchique, l’étiquette de cour et les rapports inégaux de pouvoir. Sans jamais s’attaquer frontalement au pouvoir royal, La Fontaine n’en critique pas moins les abus d’autorité, la vanité des puissants, la fragilité des équilibres sociaux. L’animalisation permet justement cette critique voilée : renards, loups, lions, agneaux ou fourmis deviennent les avatars des figures politiques et sociales de son temps, dans une langue allusive mais percutante. Sous le charme de l’élégance versifiée se cache un regard lucide sur l’injustice. La portée philosophique des "Fables" est également à souligner. La Fontaine met en scène une pensée du monde fondée sur l’instabilité, le mouvement, la prudence, la modestie. Ses fables invitent à un art de vivre empreint de mesure, de raison et d’ironie. Elles ne prétendent pas abolir le mal ou l’erreur, mais apprendre à s’en accommoder avec intelligence. Cette sagesse désabusée mais jamais cynique fait de l’auteur un moraliste au sens noble du terme, qui observe les hommes et leurs failles sans les condamner brutalement. Enfin, il faut dire un mot de la postérité exceptionnelle des "Fables", qui ont profondément marqué la langue et la culture françaises. De nombreuses expressions issues de l’œuvre sont entrées dans le langage courant, preuve de leur assimilation populaire. Mais au-delà de leur valeur patrimoniale, les "Fables" demeurent une école de lecture : elles aiguisent l’esprit critique, la sensibilité au langage, et la conscience des mécanismes sociaux. En somme, les "Fables" de La Fontaine constituent une œuvre aussi plaisante qu’exigeante, aussi légère en apparence que profonde en substance. Elles allient la beauté du style à la profondeur de la pensée, l’humour à la gravité, la tradition classique à une étonnante liberté de ton. Lire La Fontaine, c’est entrer dans une conversation continue avec l’homme et ses contradictions. C’est aussi comprendre que la poésie peut être un acte politique, une forme d’intelligence du monde, et un art de l’équilibre entre le cœur, la raison et la parole.

Dans ma liste de classique à lire, j'ai presque failli oublier le plus évident : les Fables de La Fontaine. Sûrement mon premier rapport à la littérature classique, tant l'école primaire a voulu m'enfoncer ces poèmes dans le crâne. Je trouve ça fou que de la poésie datant de plus de 300 ans puisse encore parler aux plus jeunes. Les poèmes de Jean de La Fontaine sont toujours très accessibles, malgré leur style "vieillot". Ils m'ont beaucoup marqué et c'est un plaisir de réaliser qu'il en avait écrit au moins une centaine. Je ne les ai pas toutes trouvées intéressantes, mais certaines que je ne connaissais pas m'ont beaucoup plu (comme L'Hirondelle et les petits Oiseaux). Je ne savais pas non plus à quel point la mythologie grecque avaient autant influencée La Fontaine (je devrai ajouter les fables d'Ésope à ma liste). Bonne découverte et redécouverte.

Ce livre permet par les nombreuses fables qu'il contient de s'y replonger de temps en temps : ludiques, parfois drôles, variées et toutes plus expressives les unes que les autres. Bien qu'écrit au XVIIème siècle, nombreuses fables sont toujours d'actualité : Je citerai le héron, qui en se croyant au-dessus de tout le monde finit par se contenter d'un vulgaire limaçon ou encore "le lièvre et la tortue", parmi mes préférées. Ce recueil est une véritable leçon de vie ; parfois ses morales nous remettent en question sur nos comportements ou nous interrogent sur la société.