Forêt racine labyrinthe : Le livre de Italo Calvino
"Seghers Jeunesse" est né de la volonté d'offrir à tous les enfants une poésie ludique, ouverte à la liberté d'interprétation et de parole. Cette nouvelle collection, pensée et réalisée pour des lecteurs en culotte courte de 8 à 12 ans, est inaugurée par quatre livres dont la couverture a été réalisée par la talentueuse pastelliste Nathalie Novi.La forêt, le château, le prince charmant, le retour de guerre, le complot contre le roi, le mariage de la princesse, un dénouement heureux: à partir de ces éléments traditionnels, "Forêt Racine Labyrinthe" d'Italo Calvino fait entrer le jeune lecteur dans l'univers du conte, proposant une littérature à hauteur d'enfance. La postface drôle et instructive de Benoît de la Brosse montre que le romancier italien se joue des caractéristiques de ce genre littéraire pour inventer son propre chemin et y égarer le lecteur. L'auteur nous fait découvrir les "racines" d'une démarche, pour entrer dans une "forêt" de mots, un "labyrinthe" de significations... "qui nous met sens dessus dessous, tête-bêche, comme retourné de la tête aux pieds!".
De (auteur) : Italo Calvino
Traduit par : Paul Fournel, Jacques Roubaud
Expérience de lecture
Avis Babelio
PatriceG
• Il y a 1 an
Intervention en faveur d'Italo..(s'il en était besoin, car Babelio prend une mauvaise pente !) Conte qui raconte le retour de guerre d'un roi et de son armée vers son château où l'attend la princesse Verveine qui n'est autre que sa fille qui commence à s'impatienter. Pensez-vous ? elle attend son père depuis le petit matin, et après une guerre qui n'est pas de la veille, nous font dire certains indices implicitement.. On peut comprendre son anxiété, le vide s'est creusé en l'absence du roi. Ils ont à traverser une forêt assez dense et en principe ne devraient pas tarder à voir apparaître les hautes tours de la ville d'un point avantageux. Les sujets sont fatigués et pressés de rentrer, mais le soir arrive et cette forêt des racines aux branches des arbres leur semble de plus en plus impénétrable dans des proportions qu'ils ne soupçonnaient pas ! La nature aurait-elle poussé à ce point pendant leur absence ? À plusieurs reprises, ils pensent voir telle partie du royaume, jusqu'à le voir très près, mais ce sont des hallucinations .. À la lecture de ce conte qui se déploie à l'allure d'un tgv, mu par un souffle profond, la question, on peut peut-être se l'inventer comme je l'ai lue ici, mais elle n'est aucunement à qui s'adresse ce magnifique écrit qui me rappelle du coup des auteurs de Bd des années 1980, je pense à Makyo, à Marcelé et d'autres (*), français dont on ne parle pas assez du reste et qui méritent amplement la palme de très grands artistes. Il y a peut-être influence : à vérifier ? …. Bon ! il n'y a pas de marais et de nuées vespérales, on ne verrait pas un labyrinthe dans un marais - entre nous ! Non, ce n'est pas une question que je me pose, mais plutôt une réflexion qui m'anime : ce joyau italien n'a pas d'âge et son décor ma foi se révèle au fur et à mesure que le mystère né de la traversée de la forêt enfle. Pour situer - si ça peut aider ? - allez, d'un très vieux moyen-âge à la naissance de la bicyclette (non comprise). Et puis aux mômes, désolé. Mais il faut quand même traduire, les illustrations ne font que mystifier le propos. Il y a des auteurs comme ça qui ne définissent pas trop le temps, pas comme Bourgeon en fait qui s'est astreint à un travail d'historien éreintant, je pense que c'est pour mieux s'en évader, comme Stendhal avec le Coffre et le Revenant, qui part en Espagne pêcher une affaire ou nulle part ailleurs il aurait pu planter son chevalet.. Dante avait tout sur place pour décrire ses dangereux périples .. Ici, ça donne le sentiment in fine que le mot liberté est banni du vocabulaire. On part sur autre chose, un délire en quelque sorte où la moindre anicroche peut vous arracher le coeur. Bien sûr la guerre qui est derrière a fait un vainqueur et un vaincu, mais on ne sait pas trop, la liberté n'est pas le propos, elle est derrière. Quand un conte est conte, où s'arrêter dans la critique au risque de priver le lecteur de sa lecture, mais avec moi ça ne risque pas, ; aussi, je ne résiste pas au plaisir toutefois d'en dire un peu plus, non sans avoir dit ceci : un conte n'est pas un récit, sa variété est infinie en fait, c'est selon l'intention de l'auteur qui nous désarme bien souvent comme ici ou tout semble s'acheminer vers une fin improbable qui n'est donc pas réelle mais purement imaginative, et que les hommes se rassurent, la femme n'est jamais très loin. Bon alors, (*) Madame la Ministre , qu'attendez- vous pour leur rendre un vibrant hommage, avant qu'ils ne meurent : ils ont dans les 80 balais maintenant, après il n'y aura que les vers pour leur rendre visite !
Nastasia-B
• Il y a 12 ans
Italo Calvino a souvent donné dans la littérature dite enfantine, avec des bonheurs divers et pas forcément très fréquents. Ici, c'est encore le cas et je vais essayer d'exposer mes raisons : Tout d'abord, il y a un décalage que je juge trop grand entre le public qui semble visé (illustrations, format de type "Roi-Reine-Princesse", etc.) c'est-à-dire plutôt des enfants de l'école primaire, avec la difficulté du langage (vocabulaire, tournure des paragraphes, ellipses) et la difficulté d'interprétation (conte philosophique, pas évident à rendre parlant). En ce sens, ce texte est accessible, au mieux, pour des collégiens, et encore, pas n'importe quels collégiens, or, ces collégiens, avec un niveau de langage et d'abstraction suffisants, lorsqu'ils sont au collège ne lisent plus des histoires de princesses. Donc, selon moi, il y a plantage sur le public et/ou sur la forme de l'écrit. Le propos n'est pourtant pas inintéressant et donne sujet à réflexions. Le texte étant très allégorique, peut-être que des gens qui auront passé plus de temps que moi à réfléchir dessus trouveront mon interprétation délirante, mais, en l'état actuel de mes connaissances de cette œuvre, je pense que l'on peut d'abord y voir une réflexion sur le contraste Ville-Nature. La ville étant jugée trop minérale et la nature pas assez accessible aux non-initiés. Ce contraste, ces deux mondes qui semblent s'opposer et s'exclure sont pourtant de même nature, deux facettes d'une même monnaie, à savoir le labyrinthe. Le lacis et l'enchevêtrement des rues n'a d'égal que celui des branches et des plantes lianescentes. À bien y regarder, il est parfois difficile de distinguer qui sont les branches, qui sont les racines (amis baobabs, c'est à vous que je dédie cette phrase). Le propos de l'auteur semble donc : faire entrer les arbres dans la ville et la ville dans les arbres. Mais un bien étrange messager dirige les êtres privés de repères dans les méandres impénétrables de tous ordres, un oiseau phénix à cri de klaxon. Ça je vous laisse le soin de décider de qui il s'agit car j'ai déjà beaucoup parlé et d'ailleurs, ceci n'est qu'un avis, noyé dans les entrelacs impénétrables des préférences humaines, c'est-à-dire, pas grand-chose.
Labyrinthiques
• Il y a 13 ans
Il y a une forêt, il y a une ville. Une forêt si épaisse, si touffue, si labyrinthique qu’on n’en voit pas le bout du bout. Il y a une ville qui s’est asséchée de toute végétation : « toutes les plantes, à l’intérieur de la cité, avaient fané, perdu leurs feuilles, puis étaient mortes ». Il y a un roi fatigué qui rentre de guerre et qui ne retrouve plus le chemin dans cette forêt où les racines maintenant semblent s’élancer vers le ciel et les branches s’enfoncer dans le sol. Il y a une Reine marâtre et un Premier ministre qui veulent profiter de l’absence du roi pour s’emparer du pouvoir. Avec leurs hommes de main ils veulent encercler ville pour lui tendre un guet-apens mais ils se perdent à leur tour dans la forêt. Il y a une Princesse qui se languit de ne pas voir son père rentrer et qui, happée par un vieux mûrier dans l’enceinte de la ville, se retrouve comme par enchantement au cœur de « la forêt libre qui l’attirait tant ». Il y a aussi un jeune homme, comme toujours, qui s’inquiète de la disparition de la belle jeune fille au balcon et qui, grimpant à la cime d’un arbre, se retrouve lui aussi en pleine forêt. Et il y a surtout un oiseau extraordinaire qui a « les plumes changeantes du faisan, les grandes ailes puissantes d’un corbeau, le long bec d’un pic, et l’aigrette de plumes blanches et noires d’une huppe. » C’est cet oiseau-là qui apparaît à chaque fois pour égarer ou guider les personnages… Voici le décor : une forêt sans dessus dessous en lutte contre une cité forteresse qui la refuse. Voilà les personnages : quatre protagonistes avec quatre motivations différentes qui se perdent dans la forêt, mais chuuut ! Je ne vous raconte pas la fin. Italo Calvino nous propose ici1 un conte pour enfant qui devient grand et pour grand qui redevient enfant. On peut y trouver plein de thèmes différents derrière ces oppositions systématiques d’éléments symboliques : nature/culture, vie sauvage/civilisation, langage/littérature, etc. Voici un point de vue linguistique de Paul Braffort et une définition de la littérature de Calvino qui peuvent apporter un autre éclairage : « Dans Forêt-racine-labyrinthe la forêt toute entière a été le théâtre d’une fantastique permutation des racines et des branches. L’auteur féru de linguistique qu’était Calvino n’ignorait pas que les arbres syntaxiques (Claude Berge les appelait “arborescences”) se représentent graphiquement à l’envers, comme dans le conte. » Paul Braffort, Italo Calvino sur les sentiers du labyrinthe, article paru dans le Magazine Littéraire n°398, mai 2002 « Nous avons dit que la littérature est, tout entière, dans le langage, qu’elle n’est que la permutation d’un ensemble fini d’éléments et de fonctions. Mais la tension de la littérature ne viserait-elle pas sans cesse à échapper à ce nombre infini ? Ne chercherait-elle pas à dire sans cesse quelque chose qu’elle ne sait pas dire, quelque chose qu’elle ne sait pas, quelque chose qu’on ne peut pas savoir ? Telle chose ne peut pas être sue tant que les mots et les concepts pour l’exprimer et la penser n’ont pas été employés dans cette position, n’ont pas été disposés dans cet ordre, dans ce sens. Le combat de la littérature est précisément un effort pour dépasser les frontières du langage ; c’est du bord extrême du dicible que la littérature se projette ; c’est l’attrait de ce qui est hors du vocabulaire qui meut la littérature. » Italo Calvino, Cybernétique et fantasme, texte d’une conférence prononcée en 1967, réédité dans La machine littérature (Seuil, 1993). Citation extraite de l’article de Paul Braffort On peut donc y lire une tentative de réconcilier des labyrinthes a priori incompatibles, celui de la forêt touffue, sens dessus dessous, du langage sauvage qui retourne à ses racines, du babil dirait Barthes, du barbare dirait le grec et celui de la ville rectiligne et policée, du langage plus élaboré, plus civilisé régi par la syntaxe, par la normalisation grammaticale. Entre ces deux deux labyrinthes qui s’opposent, un oiseau chimérique, un oiseau inventé et recomposé par permutation du langage, un oiseau poétique (dans le sens de la création) fait le lien, perd ou guide celui qui le suit… Cet oiseau n’est-ce pas ce qu’on nomme tout simplement la littérature ? Extrait - « Ce matin-là, la forêt n’était qu’un enchevêtrement de sentiers et de pensées perplexes. Le roi Clodovée se disait : “Ô ville inatteignable ! tu m’as appris à marcher dans tes rues rectilignes et lumineuses et me voilà condamner à cheminer dans des sentiers tortueux et embrouillés et me voilà perdus !” Curwald [ndlr : le félon], lui, se disait : “Plus le chemin est sinueux, plus il convient à notre plan. Tout ce qu’il faut, c’est trouver l’endroit où, à force de se courber et de se recourber, ce chemin rejoindra la route droite. L’ennui, c’est qu’avec tous les nœuds et tous les carrefours, je n’arrive pas à trouver le bon.” Verveine [ndlr : la princesse], elle, pensait : ” Fuir ! Fuir ! Mais pourquoi ? Plus j’avance dans la forêt, plus j’ai la sensation d’être prisonnière. J’avais cru que la ville de pierre de taille et la forêt-labyrinthe étaient ennemies et séparée, sans communication possible. Maintenant j’ai trouvé le passage, j’ai l’impression qu’elle se ressemblent de plus en plus… Je voudrais que la sève de la forêt pénètre la ville et ramène la vie entre les pierres. Je voudrais qu’au milieu de la forêt on puisse aller et venir, se rencontrer, être ensemble, comme à l’intérieur d’une ville…”» p.38#8201;–#8201;39
Avis des membres
Fiche technique du livre
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- Genres
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- EAN
- 9782232122545
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- Collection ou Série
- Jeunesse Seghers
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- Format
- Poche
-
- Nombre de pages
- 64
-
- Dimensions
- 178 x 113 mm
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6,50 € Poche 64 pages