Grands ensemble - Violence, solidarité et ressentiment dans les quartiers populaires : Le livre de Fabien Truong, Gérôme Truc
Un livre de plus sur la banlieue ? Pour dénoncer son " communautarisme " et son " séparatisme " ? Pour célébrer sa " diversité " et son " dynamisme " ? Non. À rebours des clichés, une enquête patiente menée pendant dix ans par Fabien Truong et Gérôme Truc dans la foulée des attentats de 2015, à Grigny, ville " la plus pauvre de France " – qui est aussi celle du " terroriste de l'Hyper Cacher ".
Au plus près des personnes et des faits,
Grands ensemble éclaire d'un nouveau jour le rapport des quartiers populaires aux attentats islamistes et, de là, la vie ordinaire de leurs habitantes et habitants, à l'épreuve des violences qui pèsent structurellement sur leur quotidien : celles des trafics et de la police, mais aussi de l'exploitation, de la pauvreté, du racisme, du virilisme et de la stigmatisation. À l'épreuve aussi des blessures intimes et des combats communs.
Comment tient-on dans ces conditions ? Qu'induit le fait de vivre en se sachant scruté par les médias, pointé du doigt quand un voisin bascule dans le terrorisme ? Pourquoi les conditions de vie dans ces quartiers ne cessent-elles de se dégrader, alors qu'une large part de leur population parvient à trouver sa place dans la société ?
Les réponses apportées ici épousent le rythme et les contours de multiples trajectoires entrecroisées. Des vies qui rappellent que la pauvreté et la marginalisation engendrent solidarités mais aussi rivalités, pavant la voie à un rapport au monde où le ressentiment coexiste avec l'espoir et la joie.
De (auteur) : Fabien Truong, Gérôme Truc
Expérience de lecture
Avis des libraires
Avis Babelio
marcbali
• Il y a 1 semaine
Aujourd’hui je vais évoquer Grands ensemble des sociologues Fabien Truong et Gérôme Truc. L’enquête est sous-titrée Violence, solidarité et ressentiment dans les quartiers populaires. Cet essai passionnant est le fruit d’une enquête de terrain de dix ans à Grigny en banlieue parisienne. A partir de cette même recherche Fabien Truong a déjà publié Loyautés radicales. L’enquête démarre en octobre 2015 lorsque les auteurs son sollicités pour contribuer à l’analyse des murs de paroles recueillis par le collectif Ensemble Citoyens de la ville de Grigny. A l’approche de la commémoration des attentats de janvier 2015 (Charlie Hebdo et l’hyper cacher de Vincennes dont le tueur Amedy Coulibaly était originaire de Grigny) il s’agit de préparer la restitution de ces paroles. Un regard extérieur et nimbé d’une approche sociologique devrait permettre de réaliser une analyse pertinente des termes majoritaires. Les deux amis se rendent sur place une première fois le 13 novembre 2015, le jour où Paris est à nouveau frappé sous le choc des attentats (Bataclan et stade de France notamment). Ils n’hésitent pas et s’engagent pleinement dans cette enquête au long cours qui touche à des thématiques dont ils sont familiers. Leur approche ethnographique s’oppose en tout point au temps court et immédiat des journalistes et de la démarche médiatique qui court après le scoop. Eux vont passer beaucoup de temps sur place (ils dorment parfois dans l’hôtel Ibis qui se dégrade au fil des ans), prendre la peine de gagner la confiance de la population, d’écouter la parole, d’établir des liens durables et de dresser un portrait sans concession ni angélisme mais étayé par la science et non pas uniquement la stigmatisation et la simplification. Tout d’abord ce sont les attentats et les effets qu’ils ont produits qui sont au cœur de l’enquête : l’implication d’un enfant de la ville provoque bien entendu réactions et indignations. Les Grignois sont nombreux à emprunter les bus pour participer à la grande manifestation parisienne. On est loin des clichés des journaux indiquant que la population ne serait pas solidaire et ne dénoncerait pas ces actes. Au contraire ils veulent participer et les musulmans sont indignés. Ils racontent dans le livre qui fait une large place aux récits et aux verbatim. Les murs de parole disent l’émotion, la douleur, la peine, l’aspiration à la paix ; ils clament aussi l’abandon et l’absence de services publics. Grigny est une ville où se croisent environ quatre-vingt nationalités ; les questions d’immigration et de racisme sont prégnantes, le rapport à la police et la crainte des contrôles d’identité sont scrutés. Les auteurs reconstituent l’histoire des deux principales cités : La Grande Borne et Grigny 2 sont les deux ensembles centraux de cet écosystème urbain desservi par une gare RER. L’enquête s’élargit et s’intéresse à la violence (en particulier celle dont les femmes sont victimes), à l’urbanisme (l’absence de lieux pour se rencontrer est patent), aux trafics (c’est une plaque tournante de l’économie grise de la drogue, son positionnement géographique proche de l’autoroute qui dessert Paris est précieux), à la vie quotidienne des habitants et aux flux pendulaires des travailleurs pauvres (et indispensables) qui vont à Paris, tandis que les enseignants, les policiers et d’autres fonctionnaires municipaux viennent des villes voisines de l’Essonne ou de Paris. La dernière partie de Grands ensemble s’attache aux trois modalités qui font la ville : arriver, partir et rester. En dix ans, la population s’est largement renouvelée, d’ailleurs beaucoup aspirent à s’en échapper malgré l’attachement qu’ils éprouvent. Il faut relever que ce turnover est le témoin de parcours ascendants, de réussites dont on parle peu. Les sociologues documentent tout cela et apporte une analyse inattendue en faisant l’éloge de la solidarité qui existe à Grigny sans pour autant occulter la délinquance et le cas très isolé de Coulibaly (dont la sœur est une protagoniste de l’enquête elle dont la trajectoire est si différente). Grands ensemble est un essai passionnant, important, par moments optimiste ; une incarnation de ce que la sociologie peut apporter au débat en évitant les raccourcis et les stigmatisations rapides. Ce portrait de Grigny, qui peut probablement s’élargir à d’autres banlieues (mais Grigny a le triste privilège des statistiques, notamment la couronne de ville la plus pauvre de France), est révélateur de la nécessité d’enquêter en profondeur et de ne pas rester à la surface des choses. Fabien Truong et Gérôme Truc sont habités par leur immersion et leur empathie évidente n’est jamais prise en défaut, ils savent dénoncer et mettre en exergue aussi bien les défaillances et les échecs qui les avancées portées par le maire (par ailleurs possiblement contestable). Voilà, je vous ai donc parlé Grands ensemble de Fabien Truong et Gérôme Truc paru aux éditions La Découverte.
seb_ply
• Il y a 1 mois
Fabien Truong et Gérôme Truc se rendent à Grigny à la demande d'un collectif en 2015. Un collectif qui met en place une fresque pour recueillir la parole des habitants de la ville, en réaction aux attentats de janvier 2015. Les deux chercheurs ne le savent pas encore mais cette rencontre avec l'association débouchera sur un travail qui durera neuf années. Neuf ans pendant lesquels les deux sociologues restituent comment les habitants d'une ville stigmatisée vivent ces attentats, comment les attentats renforcent les stigmates déjà présents. Par exemple la ville est dépeinte comme un "repère de terroristes". Les évènements de 2015 réactivent ceux que vivent les habitants des quartiers populaires au quotidien en renforçant ce stigmate, en mettant en évidence les à priori et les représentations que la société véhicule. Les deux sociologues tisse au fil des rencontres et des années un tissu complexe de relations, qui brasse à la fois les questions autour de la violence (notamment structurelle), celles autour de la solidarité ou encore celles autour de l’urbanisme. Le livre donne à voir une perspective nouvelle de la ville de Grigny (et derrière cette ville une perspective nouvelle d'autres quartiers populaires en France). "Grands ensemble" est un essai important qui permet de partir du terrain et de la parole des principaux concernés, de questionner l'accès au droit commun. L'éclairage du point sociologique complète très bien les paroles recueillis au fur et à mesure par les deux chercheurs. extraits : "Si les différentes formes de violences que nous avons caractérisées tendent à faire système, elles ne sont cependant pas propres aux quartiers populaires, encore moins à l’(in)culture de celles et ceux qui y vivent. Qu’elles soient liées au trafic de stupéfiants, au virilisme et à la domination de genre, aux politiques institutionnelles du maintien de l’ordre, au racisme, aux migrations forcées, à la misère économique, aux non-dits ou à l’absence d’espaces de paroles où se reconstruire après des expériences traumatisantes, il y a là un effet d’accumulation et de concentration, mais nul particularisme." "[…] contre la violence structurelle et l’arbitraire des dépendances rapprochées, on pourrait se donner les moyens politiques et financiers de l’équité et du droit commun. Toutes les déclarations volontaristes qui prétendent lutter contre la « hausse des violences », le « problème des banlieues », la « non-intégration des étrangers » ou le « péril musulman » sans tenir compte de ces réalités et de ce qu’elles impliquent ne sont que des tentatives de diversion."
Avis des membres
Fiche technique du livre
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- Genres
- Sciences Humaines & Savoirs , Sciences Humaines & Sociales
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- EAN
- 9782348072819
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- Collection ou Série
- SH / L'envers des faits
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- Format
- Grand format
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- Nombre de pages
- 385
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- Dimensions
- 242 x 156 mm
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22,00 € Grand format 385 pages