La vie sous l'Ancien Régime : Le livre de Agnès Walch Mension-Rigau

Je ne connaissais pas l'historienne Agnès Walch avant de tomber sur cet ouvrage pourtant paru en 2020 chez Perrin, une maison d'édition que j'apprécie. C'est une historienne spécialiste de l'ancien régime et plus particulièrement des relations hommes/femmes de cette période. Mais dans ce livre elle fait plus que ça, elle propose - comme le titre l'indique - un véritable panorama de la vie quotidienne sous l'ancien régime ; à savoir des XVII et XVIIIe siècles, sous toutes ses formes et dans tous les domaines : moeurs, habitudes, mentalités, pratiques etc. Elle prend comme interrogation de départ de savoir pourquoi ces siècles étaient-ils vus à posteriori comme des temps heureux malgré les difficultés qui l'ont émaillé et quelle est la réalité du quotidien par rapport à l'image forgée par les historiens ? Et l'originalité de l'ouvrage réside dans le fait qu'elle s'appuie sur les sources de l'époque, il s'agira de la parole même des hommes et femmes de ce temps à travers leurs écrits : journaux, lettres, compte-rendus etc. Il s'agit donc forcément de gens lettrés plus que des paysans, et forcément nobles ou grands personnages, néanmoins l'autrice a tenté de ratisser le plus large possible et on aura aussi quelques d'inconnus et de bourgeois. La première partie s'intitule «le socle des croyances» et passe en revue les aspects moraux et spirituels qui constituent les esprits en ces temps, à savoir l'importance de la monarchie comme ciment de la société et le rapport au roi en tant que garant de son peuple avec les conflits que cela engendre notamment à travers l'impôt et son poids toujours plus lourd pour la population, mais également la foi le second pilier majeur avec la monarchie, qui structure et régie fortement la vie quotidienne, les corps et les esprits. Dans la seconde partie, «les habitudes du quotidien», l'historienne va entrer dans ce qui rythme véritablement le quotidien, les journées, les vies des hommes et des femmes de ce temps, que ce soit dans monde rural ou dans le monde citadin. Des vies quotidiennes marquées par un rapport au corps et aux cinq sens très fort (sans commune mesure avec nous aujourd'hui), qu'elle va explorer dans un chapitre passionnant où elle détaille combien les sons, les odeurs, le parler, le paysage, l'alimentation, tout dans l'environnement immédiat se vit d'une façon profondément charnel, parfois contraint, parfois choisi. C'est assez stupéfiant à lire surtout en tant qu'hommes du XXIe siècle qui vivons de façon quasi aseptisée. Puis elle explore les notions de luxe et du paraître et combien elles sont importantes dans une société où le rang social doit se voir de l'extérieur. Ensuite on bifurque sur le thème de l'insécurité et la violence qui fait partie intégrante de la société, de la vie de tous les jours, un fléau quasi endémique - bien que l'état Royal s'en saisisse et tente de le combattre par des mesures publiques - et avec laquelle hommes et femmes de ce temps ont intégré et appris à vivre. (Tout aussi sidérant à lire quand on sait que c'est un sujet que nos médias/politiques d'aujourd'hui nous assène à longueur de journée comme s'il était inédit, alors qu'à la fin de la lecture de ce chapitre je me suis sentie soulagée de vivre au xxie siècle) Enfin dans la dernière partie «les plaisirs de la vie» va plonger dans ce qui est resté comme l'image principal de l'Ancien Régime à savoir l'art de vivre. Les lettres, les arts, la philosophie, la fête ; on lit l'émergence des Lumières, d'une nouvelle façon de voir la vie, d'éduquer, des salons littéraires dans lesquels la place des femmes a une importance centrale, et l'appétence pour les fêtes et les raffinements. Et puis l'amour (sa spécialité) où on découvre les normes et codes, parfois très différents entre la noblesse, la bourgeoisie et la paysannerie, comment l'on se rencontre et avec qui on se marie, et surtout si l'amour en tant que tel a une place (marginale) dans le mariage. C'est un ouvrage passionnant, différent de ce que j'ai l'habitude de lire dans le sens où il plonge au coeur des hommes et des femmes à leur échelle et à travers leurs mots à eux, - quoi que l'historienne n'élude pas les faits généraux ou les grandes lignes - et c'est assez surprenant à lire. Elle qui offre un tour d'horizon, qu'elle même considère comme non-exhaustif, mais qui l'est presque au vu de la quantité de sous thèmes abordés. C'est assez long, fouillé et parfaitement accessible car ce n'est pas un ouvrage universitaire mais de vulgarisation. C'est pourquoi d'ailleurs il n'y a pas d'analyse en profondeur ni des causes ni des conséquences mais plutôt une présentation large. À travers les journaux, lettres, mais aussi anecdotes et chiffres l'historienne tire une tendance générale des moeurs et habitudes des XVII et XVIIIe siècles, souvent étonnantes, surprenantes, parfois contre-courant des idées qu'on s'en fait, et elle montre que c'est une époque où coexistait effectivement une dureté de la vie avec une douceur de vivre.