L'ami américain : Le livre de Éric Branca

Avec un ami pareil, pas besoin d'ennemi. Mitterrand qui dénonçait la guerre menée par les États-Unis à la France depuis 1944, leur a pourtant tout cédé et vraisemblablement pour cause... Car le plus navrant de cette affaire, ce n'est pas la politique américaine vis a vis de la France qui est ce qu'elle est certainement légitime de leur point de vue, c'est bien plutôt l'extraordinaire veulerie, soumission, compromission des élites françaises, trahison disons le ! Quant aux présidents, sauf De Gaulle et Chirac (tiens... il aura quand même fait quelque chose) ce ne sont qu'une succession de personnels aux ordres des États-Unis. Pathétique et effroyable.

C'est drôle ! C'est étonnant ! Mon compte-rendu commençait par : "Trop rarement, un livre vient déranger nos certitudes, apporter - enfin - des réponses à de vieilles questions. L'ami américain fait partie de ces livres" etc. Avant de publier, j'ai lu les critiques de ceux qui m'ont précédé. Et toutes disent la même chose : on n'est plus pareil quand on a lu ce livre. Je vais donc éviter les redites et sabrer l'essentiel de mon texte. En bref, je considérais les États-Unis comme un allié parfois un peu égoïste et hégémonique, mais fiable et bienveillant. La vérité est à mille lieux de cette idée simpliste. Difficile d'affirmer que le contenu de l'Ami américain est (toujours) exact. Mais la bibliographie impressionnante, la reproduction des nombreux textes, d'articles, permet de penser que si parfois des interprétations peuvent se glisser entre les pages, le fond est documenté, historique, fiable. Et passionnant - presque un roman. Mais comme il traite de vérités et non de fictions, on en sort à genoux, triste - d'autant que les USA sont - aussi - le pays de mon père. L'ombre de De Gaulle se dresse au dessus des trois quarts du livre. On comprend mieux - on comprend, tout simplement. Et on perçoit que ceux qui se réclament de son héritage sont, pour la plupart, des plaisantins ou des escrocs. Ce livre est un viatique pour analyser le monde d'aujourd'hui, c'est un guide, c'est le Lonely Planet de notre politique étrangère. Il rend la vue aux aveugles que nous sommes pour la plupart, toujours pressés, jamais en possession de toutes les pièces du puzzle, ni de tous les éléments diachroniques. Il permet de juger de ce que proposent les candidats aux élections en termes de politique étrangère. Il éclaire le sens du concept de nation - droite "nationale" en particulier, de retour en France depuis quelques années. A ces divers titres, ce livre est irremplaçable.

"Etre un ennemi des Etats Unis est dangereux, mais être son ami est fatal." prévenait cette ordure d'Henry Kissinger. Eric Branca, journaliste et historien spécialiste de De Gaulle, le démontre dans cet ouvrage édifiant. En le lisant, je me suis demandé pourquoi l'on ne m'avait pas appris tout cela en cours d'Histoire, puis je me dit que les archives ne devaient pas encore être déclassifiées dans les années '80, et que les profs n'en savaient pas plus que ce qu'ils m'ont enseigné. Mais quand même. J'ai eu l'impression d'ingérer une pilule rouge façon "Matrix", mais alors, hautement dosée. Impossible de revenir en arrière, de continuer à voir le monde comme avant, après cette lecture. Et pourtant, je ne suis pas naïve, on m'a appris à me méfier du mythe américain. Mais jamais je n'aurais pu concevoir autant de fourberie yankee. Et jamais je n'aurais imaginé ressentir un jour une forme d'admiration pour le Général. Pour résumer : Eric Branca retrace 75 ans d'Histoire de France et 30 ans de lutte contre l'hégémonie américaine. Il raconte comment, dès 1940, les USA misaient sur Pétain pour mettre en place plus facilement leur AMGOT, gouvernement militaire allié des territoires occupés, dans la France d'après-guerre ; il fallut toute l'opiniâtreté de De Gaulle, fort de l'appui de la résistance, pour épargner cela au pays. Dès lors, le Général n'eut de cesse de déjouer les plans pourris présentés par les Etats Unis, obnubilés par leur désir de domination sur le monde dit "libre". Mais en quoi le restait-il sous influence américaine ? C'est bien pour conserver cette liberté que de Gaulle leur tint tête, malgré le chantage au plan Marshall ou le soutien au FLN, à l'OAS, et même à certains agitateurs de Mai 68, etc. etc. Avec ce livre, je suis donc allée de découverte en découverte, toutes plus stupéfiantes les unes que les autres -au point que je pensais parfois lire un délire complotiste. Mais non, tout est justifié. Et bien que peu fan du Général ("La chienlit, c'est lui"), j'avoue avoir été impressionnée par sa détermination à préserver l'indépendance de la France en s'opposant à toutes les roueries américaines, alors que ses successeurs préféreront se soumettre. C'est une lecture complexe, malgré le ton pédagogue de l'auteur. Il y a tant d'éléments à appréhender, on croise tant de personnages et de services secrets, que je m'y suis parfois perdue. Mais ça reste extrêmement riche et instructif. Et surtout, choquant. A lire, à lire, à lire !

Un livre utile à relire (paru en 2017), en cette époque (2025) où les USA nous paraissent moins amicaux que par le passé. Voltaire disait "Gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m'en charge..." Eric Branca nous montre que la formule s'applique particulièrement bien à "l'ami américain". Bien sûr, Eric Branca est une plume "engagée", pas toujours neutre dans ses interprétations. Il dispose néanmoins d'une solide formation d'historien et son ouvrage s'appuie sur un impressionnant appareil critique. Il connaît manifestement son sujet. A lire ou à relire absolument