Montesquieu : Le livre de Alain Juppé

Pas facile de commenter un livre dont je me dis que plus grand monde ne le lira. Et pourtant… Pourtant cet ouvrage a bien des mérites. Tout d’abord, il faut reconnaître qu’Alain Juppé sait écrire, et le fait fort bien. Car il n’y a aucun doute que ce livre soir bien de sa main, et non de celle d’un quelconque collaborateur auquel il n’aurait prêté que sa signature. Il s’est attaché, voire parfois identifié à son sujet, et cela rend le ton du livre très chaleureux. Ensuite, son sujet est passionnant; les 2/3 du livre sont une biographie de Montesquieu, quelque peu méconnu aujourd’hui, bien que sa célébrité ait été immense de son vivant. Montesquieu, venu de province, est allé se frotter à la cour dissolue du Régent, a voyagé à travers l’Europe, pour finir par partager sa vie entre son château de La Brede et la capitale. Proche du peuple à La Brede et des puissants à Paris, il a cultivé sa liberté toute sa vie. Parmi nombre d écrits oubliés, 2 œuvres sont passées à la postérité, Les Lettres Persanes, œuvre de jeunesse publiée sous pseudonyme à l’étranger et objet d’indignations à sa parution, qui ont fait sa réputation, puis l’Esprit des Lois, œuvre de 20 ans, éminemment moderne, qui thésaurise sa vision du monde et de ses habitants. Elle aura une influence considérable sur les Lumières, et reflète son amour passionné de la liberté et son rejet viscéral du despotisme. Montesquieu n’est cependant pas révolutionnaire, ni anticlérical comme peut l’être Voltaire, l’autre grand intellectuel de l’époque, qui ne s’appréciaient pas. Ses derniers mots auraient été: «  J’ai toujours respecté la religion; la morale de l’évangile est une excellente chose et le plus grand présent que Dieu pu faire aux hommes » Cet esprit de modération est ce en quoi Juppe se reconnaît visiblement dans Montesquieu, et dans le dernier 1/3 du livre il reprend les grands principes de l’Esprit des Lois pour se les approprier et les rapporter à notre époque. Cette partie de l’ouvrage paraît elle un peu datée, et l’on sent que l’on a changé d’époque depuis 1998, alors que l’on était encore dans l’illusion que la liberté avait gagné suite à la chute du mur, que l’on n’imaginait pas que les États Unis puissent sombrer dans les mains d’un despote… Mais toute la première partie est une magnifique biographie de Montesquieu par un sincère admirateur de sa pensée.