Richard III : Le livre de Georges Minois

La récente diffusion sur Arte du film de Stephen Frears The Lost King, consacré à la la découverte en 2012 des restes de Richard III sous un parking de Chichester dans le centre de l'Angleterre aura conduit certains à s'intéresser à l'histoire de ce monarque anglais du XVeme siècle bien peu connu en France. Bonne occasion sans doute de lire Richard III, un roi maudit?, le livre que Georges Minois lui a consacré en 2022, la plus récente (sauf erreur de ma part) des biographies de ce roi disponibles en France, et la seule qui ait pu ainsi faire état de l'exhumation des rest Georges Minois est un de nos meilleures historiens, méconnu dans le monde universitaire car il a le grand tort de n'en faire pas partie ' ayant enseigné uniquement dans le secondaire. Il est pourtant esl'auteur' d'un grand nombre d'ouvrages de qualité, dont des histoires événementielles, qui ne négligent pas les aspects sociaux, économiques et culturels des lieux et des périodes qu'ils évoquent, des ouvrages d'histoire des mentalités et des biographies, dont le présent livre. Ses livres sont passionnants et d'une lecture très accessible ( ce qui sera peut-être un tort pour certains). Ils réconcilient l'histoire classique et le legs de l'école des Annales, suivant finalement ainsi la voie dans laquelle le grand Fernand Braudel s'était engagé à la fin de sa vie. Un ouvrage très recommandable a priori donc, et qui tient ses promesses. Richard III est surtout connu (pour son malheur posthume) grâce à la tragédie de Shakespeare qui a donné une image très péjorative de son histoire, controversée dès son vivant. Il faut rappeler que le dramarurge ecrivait près d'un siècle plus tard, sous le règne d'Élisabeth, qu'il se devait de présenter sous le meilleur jour, ainsi que son ancêtre Henri VII Tudor, fondateur de sa dynastie après sa victoire sur Richard à la bataille de Bosworth. Depuis sa défaite, et notamment sa biographie à charge par Thomas More, le monarque déchu a été présenté par la plupart des historiens comme un monstre au physique et au moral, et le chef-d'oeuvre de Shakespeare, qui lui a donné ses traits pour la postérité, se situe dans cette tradition qui a perduré jusqu'à nos jours malgré diverses tentatives de réhabilitation tardives. La bataille de Bosworth a mis fin à la Guerre des Deux Roses, guerre civile qui a déchiré l'Angleterre de 1455 à 1485, opposant les clans familiaux des York et des Lancastre qui se sont disputé le trône au cours de la crise provoquée par la folie du roi lancastrien Henri VI. On ne se risquera pas à en résumer les péripéties, suite de batailles, de coups d'état et de contre-coups d'état, d'alliances fluctuantes entre des grands seigneurs ennemis les uns des autres mais tous liés par des réseaux de parenté et de mariage entrecroisés, sous les regards intéressés et avec les interventions sporadiques des puissances voisines, France de Charles VII puis de Louis XI, victorieuse de l'Angleterre au terme de la Guerre de Cent Ans, Bourgogne de Philippe le Bon, longtemps alliée de l'Angleterre dans ce conflit, et même Bretagne du Duc François II, cherchant toujours à tirer son épingle du jeu entre ses puissants voisins, histoire sanglante et complexe dont Minois parvient malgré tout à nous donner une idée aussi claire que possible. Richard d'York, duc de Gloucester, parvient au pouvoir en 1483, au terme d'un processus compliqué, et en vertu de titres ni plus ni moins valables que ses rivaux. On l'accuse d'y être parvenu grâce ( entre autres) à l'assassinat de ses neveux, fils de son frère et prédécesseur Édouard IV. Dès sa naissance, il fut pris dans le conflit et eut une histoire personnelle jalonnée de drames familiaux ( ainsi, encore enfant, il dut assister au viol probable de sa mère par les soldats des Lancastre. Il passa ses deux ans de règne dans une lutte quasi -continuelle avec les tenants de la dynastie adverse. Mais il faut noter qu'il trouva cependant le moyen de gouverner fort bien et était aimé du peuple, et, dans d'autres circonstances, aurait pu selon Georges Minois être un grand roi. Il fut donc vaincu à Bosworth par son rival Henri Tudor, comte de Richmond, débarqué de son exil breton, représentant des espoirs des Lancastre, et titulaire de droits au trône ne valant sans doute ni plus ni moins que ceux de son rival. A son accession au pouvoir, il épousa une princesse d'York, scellant ainsi une réconciliation symbolique des deux dynasties et mettant fin à une guerre dont tout le monde, et particulièrement les Grands, étaient las, Il faut dire que ce furent principalement les aristocrates qui supporterent le poids de la guerre : dans les batailles, et contrairement à l'usage de l' époque le vainqueur tuait systématiquement les seigneurs du parti adverse ou les exécutait sommairement après la victoire ( il s'agissait d'une guerre dynastique dont le but était d'éliminer des rivaux et leurs soutiens), mais epargnait les gens du commun Aussi la guerre des deux roses fut paradoxalement une période de prospérité économique. L, ouvrage se termine par la constatation de la difficulté qu'il y a à porter un jugement définitif sur Richard, homme de son époque, et de sa violence généralisée. Il en avait les défauts, qu'il est difficile de mettre en balance avec vous des qualités propres indéniables