Six contre un : Le livre de Cécile Alix

Un roman court mais extrêmement intense sur le thème du harcèlement, celui dont est victime Ludo, au collège, à cause de son surpoids. Toute la mécanique du harcèlement est parfaitement décrite : prise en grippe d'un élève par d'autres élèves, insultes, humiliations, coups jusqu'à lui crever un tympan, peur, paranoïa de la victime, solitude, isolement parce que les autres ne veulent pas s'en mêler, culpabilité de la victime qui se croit responsable et ne veut pas en parler aux adultes par peur des représailles ou pour en pas donner plus de soucis à sa mère qui l'élève seule, sous-estimation de soi et envie de suicide pour en finir avec la peur. En 92 pages, l'auteur parvient à nous faire ressentir l'immense douleur de Ludo, sa solitude et sa peur.

Dans cette collection de chez Magnard, j'avais déjà lu "Au poil" et il me semble que dans celui-ci, les contraintes éditoriales sont un peu mieux gérées ;-) Voici donc mon 3ème Cécile Alix en 3 semaines, j'avoue avoir moins apprécié "Six contre un" que l'excellent "Homère in the city" ou "Regarder l'orage dans les yeux". Ce court roman (ou nouvelle longue?) traite du harcèlement de façon assez linéaire, c'est-à-dire uniquement du point de vue de la victime. Ludo se fait maltraiter à cause de son poids par un groupe de 6 jeunes de son collège et la situation dégénère jusqu'à ce qu'il pense sérieusement à disparaître. Alors la vraie bonne chose, c'est que l'auteur se moque un peu des "protocoles" mis en place dans les collèges et les lycées pour sonner l'alerte face à ce genre de cas, pour parler, appeler au secours, etc ; mais elle insiste aussi sur l'humain, sur le fait qu'il y a des gens qui peuvent écouter et comprendre et qu'être humain, c'est veiller les uns sur les autres (ici, c'est un prof qui va lancer la machine, et une élève qui va la faire exploser au grand jour). C'est un peu simpliste mais parfait pour un début de collège pour des enfants peu portés sur la lecture et qui sont concernés, de près ou de loin, par cette thématique. Ludo, à la fin, se met à la danse (l'écriture de Cécile Alix est toujours aussi poétique à ce moment-là), cela m'a fait penser à "Riposte" de Louisa Red (son héroïne se fait harceler et se met à la boxe). A lire aussi sur le même thème, pour des lecteurs un peu plus aguerris : "Les ombres que nous sommes" de Sandrine Caillis, pour des lycéens, où il est question de harcèlement par rapport à une identité sexuelle ; ou encore "River" de Claire Castillon, peu fouillé mais parfait pour le collège, où le harcèlement vise ici la différence "mentale" (en opposition à physique).

Ce livre est une véritable claque. Dans un format très court quasiment de nouvelle, Cécile Alix nous entraîne dans le quotidien de Ludo, un collégien harcelé par ses camarades en raison de son surpoids. J'avais déjà lu A(ni)mal de l'autrice qui m'avait beaucoup secoué et j'étais curieuse d'essayer à nouveau sa plume. Je n'ai pas été déçue, elle parvient vraiment à traduire la détresse de la victime et nous place dans une position d'impuissance intolérable. En tant que lectrice et plus largement en tant qu'être humain, j'ai bouillonnée de rage à l'idée que, comme précisé à la fin du livre, le harcèlement n'est pas juste un sujet de fiction mais qu'il touche 1 enfant sur 10 en France. Je ressors de cette lecture encore plus convaincue qu'un vrai changement de mentalité est nécessaire et ce dès l'école primaire afin de préparer les enfants au collège. Plus légèrement, j'ai également hâte de me plonger dans le roman "Guerrière" de l'autrice que je me suis procuré sitôt celui-ci terminé. Un coup de coeur donc, à mettre entre toutes les mains !

Cécile Alix ne perd pas de temps pour entrer dans ce récit qui cogne là où ça fait mal. Dès le départ, on sent son Ludo très fragile. Il se fait frapper et il a bien intégré le concept de la victime. « Si j’étais normal, je me défendrais », dit-il (mais surprise, la normalité n’est pas si facile à définir). Puis on le voit sombrer jusqu’à la scène de la douche, très forte, celle qui déclenche le signal d’alarme (enfin) chez un prof. C’est d’ailleurs à ce moment que j’ai vraiment eu un coup de cœur pour le roman. Parce que là où on attend que Ludo saisisse la main tendue et que les « méchants » paient, l’autrice avance dans un sentier peu fréquenté. Ludo ne dénonce pas. Pire, il excuse. Enfermé dans sa peur maladive, il refuse toute l’aide proposée.