Une vie française : Le livre de Jean-Paul Dubois, Laurent Natrella

Une vie française présente les constantes de l'œuvre de Jean-Paul Dubois. Les premières pages s'ouvrent sur la mort du frère aîné du héros. Il évolue dans une famille dysfonctionnelle où toute marque d'affection est impossible. Le narrateur se nomme Paul, il a 54 ans. Il évoque ses souvenirs d'enfance. Ce qui fait l'originalité du roman, c'est son découpage "politique". Il commence par le chapitre Charles de Gaulle ( 8 janvier 1958 – 28 avril 1969 ). Chaque changement présidentiel donne lieu à un nouveau chapitre. Le livre ayant été publié en 2004, on termine sur un chapitre Chirac ( 5 mai 2002 - ?). Jean-Paul Dubois expose le contexte politique du pays. C'est la guerre d'Algérie et la déconfiture coloniale française en fin des années 50, début 60. Les différentes positions par rapport au sujet sont représentées au sein de la famille de Paul. Les esprits s'échauffent. Le compagnon de la tante Odile, Bernard Dawson, journaliste sportif, spécialiste de rugby, sympathisant du parti communiste, présente un profil correspondant à celui de l'auteur. Après une adolescence avec passage obligé chez "les petites anglaise", Paul, en 68 atteint ses 18 ans. Jean-Paul Dubois dresse un tableau assez jubilatoire des années de révolte et d'émancipation. Une déferlante d'humour potache débridé marque son écriture. Le héros semble gagner la bataille contre sa famille et l'ordre établi. Paul aux cheveux longs, antimilitariste, est exempté du service militaire après un incident rocambolesque pendant "les trois jours" à la caserne. Jean-Paul Dubois mène de front le récit de l'histoire personnelle de son héros, Paul, celui de sa famille, et celui du gouvernement français. Il le fait avec dans son écriture pas mal d'humour, et toute l'ironie et le cynisme inspirés par ses propres positions et convictions bien à gauche. Paul, comme l'auteur, foncièrement de gauche, est amené, bien malgré lui, à s'éloigner de ses positions initiales. Lui qui dresse un portrait plein de dérision du président Giscard ( juste en citant les prénoms des différents membres de la famille présidentielle ), semble par ses alliances rejoindre son camp. Il le vit comme une fatalité malheureuse et déplorable. Paul n'a en fait la foi ni en lui-même, ni en Dieu, et encore moins en la politique. Il ne vote pas. Il ne travaille pas. Il se retranche de toute vie sociale et familiale. Il semble totalement à contre courant de la vie et ne s'intéresse qu'au monde végétal et à celui des insectes qu'il voit comme des monstres. Comme dans les autres romans de Jean-Paul Dubois, la trajectoire du héros suit une courbe ascendante puis furieusement descendante. Paul est rattrapé par ses névroses. Les thèmes de la mort, de la vieillesse et de la psychiatrie deviennent plus présents au fil de l'histoire. Tout au long du récit, Paul est habité par un détachement qui en fait un être désespéré. Une vie française se distingue dans l'œuvre de l'auteur pour l'importance consacrée à la vie politique du pays, sans négliger pour autant l'histoire personnelle du héros. Le roman est plus comique et plus léger que les autres œuvres de Jean-Paul Dubois. Le passage relatif à l'Amérique au moment de la guerre du Golfe, " Manipulateurs de conscience, exterminateurs de pensée, inséminateurs d'idées prédatrices ", est assez troublant au regard des actuelles interventions de Trump sur l'Ukraine et Gaza et concernant l'issue qu'il propose de chacun de ces conflits. On ne peut que saluer la clairvoyance de l'auteur.

Quelle belle découverte j'ai adoré lire ce livre, une magnifique plume. C'est très poétique et haletant, on le lit avec beaucoup de plaisir et de curiosité. J'ai hâte de découvrir d'autres ouvrage de cet auteur et je recommande ce livre qui m'a beaucoup plu !

Épopée familiale s'étalant tout du long de la Vème République. Nous suivons le jeune Blick, de l'enfance jusqu'à ce qu'il devienne grand-père. Sa scolarité, sa formation, sa vie professionnelle. Ses amours. Le roman est divisé en parties correspondant aux mandats présidentiels successifs. L'ensemble est truffé de références datant l'époque. Comme toujours avec Dubois c'est fluide, malin, plaisant. La fin m'a surpris, du fait du changement de tonalité opéré par rapport au reste de l'existence de Blick.

En un mot comme en cent : j'ai beaucoup aimé Une vie française. Contrairement à ma première expérience de JP Dubois on rentre assez rapidement dans la lecture sans tourner autour du pot en se contentant des facilités d'écriture de l'auteur. On rentre facilement dans l'histoire car le sujet est le narrateur lui-même, qui raconte quasi chronologiquement son existence pendant la deuxième moitié du 20ème siècle. J'ai apprécié la narration et son rythme, l'écriture sincère et émouvante de la traversée des époques par Paul Blick ainsi que son évolution politique et son caractère marqué par les différents événements de sa vie qui rendent le tout très réaliste et nous donne envie de lui conseiller un vrai bon psychanalyste. Cependant, je trouve que malgré la traversée des années, nous ne ressentons que très peu le rapport de Blick à de la vie politique française. Et c'était sûrement l'idée initiale du récit. Enfin, la fin m'a paru un peu longue et aurait pu s'épargner quelques dizaines de pages.