Une vie française : Le livre de Jean-Paul Dubois, Laurent Natrella

Je viens de terminer « Une vie française » de Jean-Paul Dubois. Je ne savais pas à quoi m’attendre avec le résumé mais je sentais que ce livre allait me faire sortir de ma zone de confort. Et ce fut le cas. La lecture est fluide, agréable à lire avec un vocabulaire très fourni. J’ai bien aimé également le coté historique du livre. J’ai en effet lu moins de choses aussi développées sur l’histoire politique française récente. C’était une bonne idée de mélanger histoire et fiction. J’ai par contre eu plus de mal avec les partis pris politiques ainsi que certaines réflexions ou séquences qui ont émaillé le récit. Il y a aussi beaucoup de sujets invitant à la réflexion: le temps qui passe, la mort, la perte d’un être cher, les relations familiales, le couple et sa place… Il est vrai que ce livre raconte l’histoire d’une famille française sur une longue période de temps mais cela reste une parmi tant d’autres. Au final, c’est pour moi un livre en demi-teinte.

L'auteur nous embarque dans la traversée de la seconde moitié du vingtième siècle en nous contant avec jubilation et d'une plume élégante, aisée, et également très osée, l'existence de Paul Blick et de ses démêlés familiaux, de sa naissance à la cinquantaine, évoquant mai 68, les folles années 80 avec ses turbulences, ses fortunes indécentes, son krach boursier, le tout suivi de faillites. Entendons-nous bien. C'est d'une vie tout ce qu'il a de bourgeoise que Jean-Paul Dubois nous entretient ici. Paul Blick n'est pas nécessiteux, non, pas du tout. Pour autant, on ne peut pas dire qu'il soit très joyeux. Il faut dire qu'il y a de quoi. Il perd à l'âge de huit ans un frère ainé qu'il vénérait et toute sa vie va être marquée par cet événement fondateur, qui va faire de lui un être désabusé, désenchanté, se sentant quelque peu hors réalité, hors monde, souvent incapable de tisser des liens chaleureux avec son entourage. Les différentes présidences de la République, du général De Gaulle à Jacques Chirac, qui servent de balise au parcours de Paul, ont pour principale utilité de marquer un repère tant pour le lecteur que pour le héros dans ce vaste espace de temps que ce dernier n'arrive pas à maîtriser. Car Paul se sent paumé dans tout ça. Incapable de nouer des relations satisfaisantes, éloigné de sa femme, toute entière occupée par l'entreprise que son père lui a laissée et qu'elle dirige d'une main de maître, il commence par jouer les père-au-foyer auprès de ses enfants, puis saisissant une opportunité, il va se consacrer à la photographie et passionnément occuper son temps à capter dans son objectif l'infinie beauté de la nature végétale qui satisfait sa quête de pureté. "Etre payé pour regarder le monde et l'admirer. Ne parler à personne. Vivre dans le retrait des bois. Apprendre des arbres et de la terre. Oublier les remontoirs du temps, simplement traîner sur ses traces. Et toujours emplir chaque image de toutes ces petites choses invisibles qui, pourtant, sont là et transcendent la beauté de ce qui nous entoure". Car pour Paul, tout est illusoire et il ne faut surtout pas prendre la vie au sérieux. Sa fréquentation des arbres lui apporte bien plus que celle des humains qu'il ne sait pas photographier, dit-il, mais surtout pas apprécier. Jean-Paul Dubois a le talent de nous faire appréhender la profonde solitude ressentie par son héros "errant comme une âme en peine dans les couloirs des heures". Il paraît donc logique qu'il ne soit que spectateur de sa propre existence, qu'il soit incapable de décrypter celle des autres et que sa femme n'apparaisse, au prisme de sa vision du monde, que comme un fantoche ! L'auteur nous délivre ici une vision profondément pessimiste de l'existence. "Je vois la vie comme un exercice solitaire, une traversée sans but, un voyage sur un lac à la fois calme et nauséabond. La plupart du temps nous flottons." et il fait avaler cette amère potion avec un humour souvent grinçant parfois très vache, afin d'alléger son discours d'une noirceur qui, au bout du compte, ne pourrait que déstabiliser totalement le lecteur. Elle n'a rien de drôle cette vie française ! elle n'a rien de drôle la vie !

Une vie française, de mai 68 à la dissolution voulue par Chirac. Lors de la grande pagaille de 68, Paul jette des pavés dans la concession Simca du paternel. Ni dieu ni maître. Mais l'ambivalence de Paul finit par casser la cohérence : ce personnage cynique, on le voit plus tard affligé par la décrépitude de sa fille. Cette transition n'est pas crédible. Autre bémol, les personnages secondaires sont faiblards et m'indiffèrent. Les meilleures pages restent celles où triomphe l'esprit de dérision et le sarcasme ; et les pages qui donnent le sentiment du temps qui passe. Sans oublier le regard poilant sur la politique. Mon compte rendu de lecture est pâlichon. Aussi, je me permets de citer tout un paragraphe de la géniale critique signé le_Bison : « le début d'un long roman, d'une belle histoire comme la passion de la famille Rochas pour le rôti de boeuf de la Boucherie Centrale. Je te le répète, le rôti est au centre de tout, de la table, du roman et de notre monde aussi. le plaisir est à chaque page, ou presque – je ne peux pardonner à l'auteur de citer Pink Floyd comme un groupe affligeant comme une envie de déchirer la page et de la fourrer dans le rôti pour qu'il s'étouffe avec ».

Une vie française, celle de Paul Blick, sur plusieurs décennies, depuis l'instauration de la Vème république. Une vie avec son lot de joies, mais surtout de peines et de drames... Même si ce roman narre l'évolution de la société française depuis la fin des années 50, j'avoue ne pas avoir été vraiment séduit. D'une part, en raison de personnages assez peu attachants, notamment le protagoniste principal. D'autre part, en raison de liens un peu artificiels entre la destinée de Paul Blick et l'Histoire proprement dite. Le ton est en outre assez pessimiste, négatif...