Livres interdits
Dans La librairie des livres interdits, le dernier roman de Marc Levy, le libraire Mitch combat la loi HB 1467 qui lui interdit de vendre un grand nombre de livres.
Voici la postface de l’ouvrage qui explique le contexte bien réel de cette censure.
La loi HB 1467 n’est pas une invention.
Signée par le gouverneur de Floride le 25 mars 2022 elle permet désormais à tout résident de l’État de faire retirer des livres des programmes d’enseignement, des bibliothèques scolaires et publiques accessibles aux mineurs.
1 477 livres ont été interdits rien qu’au cours du premier semestre de l’année scolaire 2022-2023, soit plus de 100 titres chaque mois devenus inaccessibles aux étudiants.
Et la loi HB 1467 a été aussitôt reprise par d’autres États dirigés par les Républicains conservateurs. Au Texas, en Floride, au Missouri, en Utah, en Caroline du Sud et la liste s’allonge. Les censeurs ciblent de manière écrasante les romans et documents écrits par des écrivains et écrivaines de couleur, ou appartenant à la communauté LGBTQ+, ainsi que les ouvrages traitant du racisme ou de la question identitaire.
De nombreux titres sont maintenant retirés selon le principe de précaution à des fins d’enquêtes plus approfondies. Il s’agit d’un artifice utilisé par les censeurs pour étendre la portée de leur action.
Sont interdits de façon « préventive » les romans qui dépeignent la violence, particulièrement la violence conjugale, les abus de pouvoir, comme ceux qui traitent de sujets de santé liés au corps, du bien-être, de la mort et du deuil.
Une législation volontairement vague contraint les écoles, collèges et bibliothèques à retirer un grand nombre d’ouvrages pour ne courir aucun risque juridique.
Par leurs manœuvres, les censeurs ne cessent de gagner du terrain. Au cours de l’année scolaire 2021-2022, des groupes de parents d’élèves religieux ou marqués par leur conservatisme se sont coordonnés, exerçant des pressions afin que les établissements scolaires et bibliothèques soient obligés de retirer des livres sans même pouvoir les lire. Cette tendance s’est poursuivie durant l’année scolaire 2022-2023, favorisée par la législation de certains États.
Les institutions scolaires et les bibliothèques doivent ainsi faire face à de nouvelles lois qui dictent quels types de livres sont autorisés dans les écoles, et la marche à suivre par les établissements désireux d’ajouter de nouveaux ouvrages à leurs collections.
De plus en plus de livres sont considérés comme « pornographiques » ou « indécents ». Et des centaines ont été interdits sous prétexte qu’ils contenaient, parfois sur quelques lignes seulement, un propos qualifié de sexuel.
Cette formulation est devenue un argument redoutablement efficace pour les activistes et politiciens conservateurs, afin de justifier le retrait de livres qui pourtant ne correspondent nullement aux définitions légales et courantes de la « pornographie ».
La rhétorique portant sur la « pornographie dans les écoles » a également été utilisée pour justifier l’introduction de nouvelles lois ou propositions de loi dont certaines veulent interdire tous les livres mentionnant le corps ou la nudité, parmi lesquels quantités d’ouvrages liés à la santé. Un livre d’anatomie représentant le corps humain nu est jugé pornographique.
L’effet de ces actions dépasse ce qui est comptabilisé par les associations de défense des livres, car les conservateurs imposent maintenant des interdictions préventives dites « de masse », restreignant l’accès à un nombre incalculable d’ouvrages dans les salles de classe et les bibliothèques scolaires.
De nombreux États ont promulgué de telles interdictions de masse. Des cours ont été suspendus, des bibliothèques scolaires fermées ou vidées de leurs livres, et ce de manière permanente ou temporaire.
Des bibliothèques publiques sont contraintes de refuser l’accès aux lecteurs et lectrices de moins de dix-huit ans.
Les enseignants et les bibliothécaires de plusieurs États font maintenant l’objet de pressions et sont menacés de sanctions judiciaires.
