L'enterrement de Serge : Le livre de Stéphane Carlier

Un vaudeville. Un roman choral. L'auteur a à travers l'enterrement de Serge - qui déjà n'a pas bien commencé dans la vie puisque son père avait oublié son prénom lors de l'inscription a l'état civil - nous raconte des morceaux de vie des autres personnages et de Serge bien sûr. Des sujets connus, maintes fois traités dans différents romans comme l'avarice, l'adultère, la tolérance ( ou la non tolérance, c'est selon), la supériorité financière, etc... Même si les personnages sont stéréotypés, il en ressort une belle leçon de morale. Le tout fait avec humour, légèreté et parfois tendresse. 224 pages qui se lisent toute seule, avec des personnages drôles, agaçants, naïfs mais malheureusement peu attachants, sauf peut-être Serge. J'ai souris bien des fois face aux situations burlesques. En définitive, un roman sympathique, touchant et montrant que le plus important au final c'est d'être heureux.

Qu'un enterrement puisse faire sourire, c'est un comble et c'est pourtant le parti audacieux de Stephane Carlier... Ils sont tous là pour dire adieu à Serge, qui était le fils, le compagnon, le frère, l' oncle, un ami, un voisin ; seulement rien ne se passera comme prévu et surtout cela durera plus longtemps que prévu ,de quoi transformer un enterrement intime, en un "truc" un peu plus grand. Ils sont tous là, oui mais pas avec les mêmes pensées dans la caboche : de celui à qui Serge devait depuis "x temps", 400 francs, à ceux qui sont là parce que c'est ce qu'exige les convenances, de ceux qui l'ont aimé à ceux qui l'ignorait, des employés des pompes funébres indifférents (mais polis ), à ceux qui sont reconnaissants à Serge de sa très grande générosité, ils sont venus. La satire est féroce, le trait parfois grossier pour mieux égratigner, le cynisme toujours au rendez-vous et le tout est un roman feel-good... Une comédie extrèmement rythmée, vivante (oui, c'est un comble !),. Rire de la mort, rire de tout, rire des comportements égoïstes et aimer la vie. Voilà ce que pourrait être la morale de cette histoire. J'ai souvent souri, parfois été émue, souvent surprise par l'étendue de l'imagination de Stephane Carlier qui nous offre un panel de ( presque ) tout ce qui pourrait arriver à un enterrement : le pire comme le meilleur. C'est beau, c'est moche, parfois ridicule, parfois mesquin, oui mais c'est les gens, ne nous en déplaise... La fin est vraiment sympa, inattendue. Un auteur qui gagne à être connu pour son oeil acéré sur la société.

C'est le deuxième roman de Stéphane Carlier que je lis après Clara lit Proust qui m'a laissée dubitative. J'avoue que le titre de celui-ci m'a un peu freinée à l'inverse de la couverture qui m'a attirée. Entre les deux lectures, j'ai pu échanger avec l'auteur à Créteil en poche et cela m'a permis de mieux "cerner le personnage" et son univers. L'enterrement de Serge est un roman qui fait grincer des dents, qui est cynique... et drôle. Certaines situations sont rocambolesques mais les personnages sont plus vrais que nature (un peu caricaturaux aussi quand même). Plongée dans ce roman que j'ai lu d'une traite j'avais l'impression d'y assister, à cet enterrement qui s'étale sur deux jours et qui ne se passe évidemment pas comme il se doit. J'ai souvent pouffé de rire mais vers la fin il y a eu des passages plus profonds qui m'ont fait réfléchir et une toute fin qui m'a touchée. Comme quoi, on peut broder autour d'un enterrement et faire rire, réfléchir et réussir à émouvoir en à peine plus de 200 pages. Ce roman, c'est un peu un ovni ! "Ce que je viens de vous dire, ces choses que j'aime chez lui, c'est bête mais il ne le sait pas. Je lui ai jamais dit. C'est pas facile d'admettre qu'on apprécie d'être appelée ma lélette ou ma belette. Le résultat, c'est qu'il est parti sans le savoir. Oh, il se doutait bien que je le détestais pas, mais c'est quand même mieux de dire les choses. Donc, ce que je voulais vous dire, c'est ça : les gens que vous aimez, n'attendez pas pour leur dire. Parce qu'après il est trop tard, on se retrouve faire des listes à trois heures du matin et à les lire bêtement devant un cercueil". "C'est bien un truc qui le dépasse. Pourquoi les riches en veulent-ils toujours plus? Ça ne les rendra pas immortels. Surtout qu'on le sait bien, tous les anciens braqueurs vous le diront - et ce sont des gars qui ont brassé des millions d'euros : le blé, c'est un mensonge qu'on se raconte à soi-même. La vraie richesse, on l'a en se promenant en bord de Saône au début de l'automne, en sentant le parfum du forsythia dans l'air du soir, en faisant rire ou frémir un gamin à qui on lit une histoire. C'est dans ces moments-là qu'on est vraiment puissant".

L'enterrement de Serge, ou comment rendre le banal enterrement d'un quidam furieusement intéressant ! Un sujet qui donne lieu, sous couvert de légèreté, à une certaine profondeur de réflexion et dédramatise le dernier adieu. Un roman plein de dérision qui se lit très facilement.