Tout ce que dit Manon est vrai : Le livre de Manon Fargetton

C'est un roman choral frôlant le coup de cœur #129763;#129392;. Il est original dans son écriture parce qu’il y a plusieurs narrateurs : les parents de Manon, ses frères, son amie au lycée et l’homme qu’elle aime. Tout le monde a la parole sauf Manon. J’ai été plusieurs fois déstabilisé parce que je ne savais pas qui prenait la parole. En tout cas, j’ai été bouleversé par l’histoire de Manon, seize ans, qui entame une relation avec un éditeur de bande-dessinée de trente ans de plus. Rapidement, la mère de Manon cherche à protéger sa fille par tous les moyens. Elles ont deux visions de l’amour, deux visions de ce que signifie être adulte et on va les suivre jusqu’au dix-huit ans de Manon. C’est compliqué de dire que j’ai apprécié ma lecture car les sujets abordés sont tellement forts et poignants. L’autrice a su diffuser une ambiance pesante, dérangeante et malaisante. C’est un roman révoltant. Les différents documents (mails, documents juridiques, sms) donnent un rythme à la lecture. J’admire la force de la mère qui ne lâche rien pour sa fille. Les passages avec l’éditeur, Gérald, m’ont donné froid dans le dos de part les messages malaisants et les comportements incompréhensibles.

Dans ce livre, on découvre Manon au-travers de plusieurs personnes, sans jamais réellement entendre Manon. C'est un roman choral un peu particulier car les chapitres s'enchaînent, entraînant les voix les unes après les autres. Il y a sa mère, qui s'inquiète, s'interroge, bouscule et ne lâche jamais, il y a son père, qui essaie, mais ne s'acharne pas, il y a son frère, il y a ses amis... Mais on se retrouve aussi dans la tête de l'homme qui la manipulera, dans celle de sa femme qui cautionnera... et là, cela devient malaisant, oppressant... Quand on est une victime, on n'est pas forcément entendue, forcément lue, et on a seulement les avis des uns et des autres, et l'autrice retransmet cela avec brio. C'est toute la force de ce roman : aucun jugement, aucune opinion ne transparaît. Les pensées de chaque personnage nous sont offertes, sauf celle de la principale intéressée, et c'est au lecteur de se faire son propre avis, sa propre interprétation de la situation, des relations entre eux... On lit aussi des extraits d'interrogatoires, des sms, des mails, tout pour qu'on ait la situation sous toutes les coutures, ou presque. J'ai trouvé ce procédé très inventif et finalement très intéressant pour traiter ces sujets difficiles et intenses émotionnellement. Je me suis sentie très proche de Manon pendant ma lecture : bien que ce soit la seule qu'on ne lise pas, on sent son stress, on la voit se débattre au milieu de tout ça, essayer d'y voir clair, d'être aimée et se relever. C'est un roman dérangeant à lire, et c'est le but. J'ai aimé la subtilité, la finesse et l'intelligence avec lequel Manon Fargetton l'a écrit.S'il traite avec force l'emprise et les VSS, il nous apporte également la puissance d'une voix maternelle emplie d'amour et qui ne lâchera rien, envers et contre tout. Manon Fargetton est l'une des autrices préférées de mon fils et, même si le sujet est difficile et m'a beaucoup remuée, parce qu'il me touche beaucoup trop, je suis heureuse d'avoir retrouvé sa plume dans ce roman.

Tout ce que dit Manon est vrai est un coup de cœur et coup de poing dans le ventre. L'histoire de Manon, sous l'emprise de son éditeur est révoltante et tellement pleine de vérités. J'ai été déroutée par la multiplication des points de vue, pas forcément claire, c'est un choix de narration de plus en plus cohérent au fur et à mesure, elle permet de bien situé les sentiments de chaque personnages, l'inquiétude, la peur, l'énervement, voir la passivité de certains. Ces divers personnages parlent non pas de Manon mais à Manon, ce qui renforce les sentiments de chacun. Ceux qui aiment Manon et celui qui l'utilise. Parmi mes plus belles découvertes de l'année, un livre à lire absolument qui pour moi est déjà un classique.

Des récits d’adolescences brisées, de blessures d’enfance, de traumas révélés à l’âge adulte, il y en a. Mais ici, nous sommes bien dans un livre unique. Manon Fargetton a eu la force de réunir ses souvenirs et de donner, à travers ce livre, la parole à toutes les personnes de son entourage. Elle est au centre. Elle est celle que l’on est censé protéger. Elle reçoit les avertissements, les peurs, les menaces, les frustrations. Elle, si jeune, qui se montre bien souvent comme la plus adulte de tous. À travers des lettres, des mails, des SMS, des conversations, des comptes rendus médicaux, des pensées, Manon va dérouler son histoire en huit parties. Dès le début, nous sommes dans l’inconfort, dans le dégoût de cet homme de 57 ans qui manipule une adolescente qui rêve, un jour, de pouvoir voir publier sa BD. Ça tombe bien, il est éditeur, il connaît tout le monde. Les faits remontent à 2004 et, en les lisant avec un recul de 21 ans, nous sentons que la société a bien changé. En 2004, c’était tout aussi choquant. Mais en 2004, les secrets étaient “mieux gardés”. Ce livre n’est pas à mettre dans les mains de tout le monde. Il secoue. J’ai du mal à croire qu’une femme puisse participer aux magouilles de son mari pour séduire une adolescente. C’est sûrement ce qui est le plus choquant. Aussi, le récit dénonce avec brio les mécanismes du corps et du cerveau, la façon dont ils se protègent avant d’être prêts à agir. Ces signaux que l’on ignore, que l’on se refuse à voir, mais qui sont chargés de sens. Et dire que ce livre aurait pu être un bon thriller s’il n’avait pas été vrai…