L'attrape-coeurs : Le livre de J.D. Salinger

Déjà, un petit avertissement : ce livre n'est pas à lire pour son intrigue. On suit un ado paumé pendant trois jours. Et il fini le roman plus ou moins comme il l'a commencé. La différence majeure, c'est la compréhension qu'on a de lui. L'autre avertissement c'est qu'on a comme narrateur un môme de 17 ans dans les années 50, qui parle et globalement pense comme un ado des années 50, avec tout ce que ça implique de préjugés et de language discutable. Holden se fait virer de son école privée. C'est pas la première fois, loin de là. Sur un coup de tête il décide de fuguer de l'internat pour les quelques jours qu'il lui reste avant les vacances de Noël et son expulsion. On le suit un peu avant et durant cette fugue dans New-York. C'est difficile expliquer ce livre. J'ai trouvé qu'il nous met dans la peau de son protagoniste d'une façon viscérale, et ça a marché pour moi parce que je me suis beaucoup attachée à Holden. Tout le monde ne s'attachera pas à Holden. C'est un petit con privilégié qui gaspille son argent, ne fait aucun effort pour améliorer sa situation, distribue des jugements hâtifs et méprisants sur basiquement tout et tout le monde et ment, beaucoup. C'est aussi un gamin hyper sensible, pas remis de la mort de son son jeune frère, probablement pas neurotypique, qui est baladé dans un système scolaire élitiste et rigide absolument pas adapté à la façon dont son cerveau fonctionne. Dans les années 50, où on en savait encore moins sur les divergences neuronales et le traitement des traumatisme. Et il ne ment pas toujours volontairement, il n'arrive pas à s'en empêcher. Il déteste beaucoup mais il aime intensément. Il a des préjugés de son époque, avec de la sympathie pour les défavorisés (même quand ça contredit les préjugés), énormément d'espoir et d'envie d'aimer les autres couplé à une incompréhension réprobatrice pour la faillibilité humaine. Il ne comprend pas le théâtre. Il ne comprend pas le cinéma. Et ça l'énerve, donc c'est nul et les gens sont cons d'y aller et d'y prendre plaisir. Bref, un gamin.

Je suis sous le charme complet de ce livre malgré son style d'écriture un peu lourd, un peu pompeux. Suivre les aventures d'Holden Caulfield, un adolescent qui a beaucoup de mal à comprendre le monde qui l'entoure. Qui au fil de ses rencontres, il rencontre des gens les plus loufoques les uns que les autres . Et au final, on voit que dans ce grand New-York qui est tout aussi haut avec ses grands immeubles que tout aussi immense. On voit qu'Holden est complètement paumé justement dans ce monde qu'il ne comprend pas. Je parlais du style d'écriture qui franchement peut faire freiner les gens pour lire ce livre. Mais grâce à ce style, on est vraiment hyper proche d'Holden comme si on était pote avec lui. Bien suivre toutes ses aventures, avec ce style, c'est tout simplement génial. Salinger tu as réussi quelque chose de très grand. Et maintenant je sais pourquoi Indochine, grand groupe de musique français a rendu hommage à cet auteur. Comme le dit la chanson, moi aussi, j'aimerais bien le rencontrer ce Salinger. L'attrape-cœurs est sans aucun doute l'un de mes livres préférés.

Un roman culte, un héros marginal, et une œuvre qui dérange encore. Aux États-Unis, L’Attrape-cœurs reste interdit dans certaines universités. Preuve que Salinger n’a jamais cessé de gratter là où ça dérange. Holden Caulfield, l’adolescent errant, en révolte molle contre le monde des adultes, trace sa route dans un New York figé, froid, presque fantomatique. C’est son mal-être qui fait le sel du roman : un désespoir tranquille, une lucidité qui flirte avec la dépression, un refus du conformisme qui sent l’après-guerre en vrac. Le style est brut, nerveux, faussement simple. C’est écrit comme on pense, comme Holden pense : en sautant d’un souvenir à l’autre, d’un agacement à une angoisse. Et ça marche. Parce qu’on s’y retrouve, encore aujourd’hui. Même si on n’est plus ado. Un roman de l’entre-deux : entre crise existentielle et fable urbaine. Une voix qui n’a pas vieilli. Un livre qui ne cherche pas à plaire. Juste à dire.

Je retiens de ce roman deux choses : la tristesse et la solitude du narrateur. Il peut passer pour un sale gosse insupportable et instable (il est renvoyé d'un paquet d'établissements scolaires), sans doute ingrat et peu fréquentable pour les filles. Il fréquente des établissements qui ne sont pas pour lui, fume, fugue... bref, il est bien peu engageant. Cependant, personne n'essaie vraiment de lui parler, de savoir ce qu'il ressent. Aucun des adultes autour de lui du moins, qui d'ailleurs ne me semblent pas très responsables : il est renvoyé mais il semble que ses parents ne sont pas mis au courant, ou ne viennent pas le chercher. !il erre dans alors dans New-York comme il erre dans ses émotions. Les tourments de l'adolescence sont aggravés par son deuil et l'incapacité de communiquer la tristesse que cela crée en lui. Et que personne ne cherche à comprendre. Bien que la subjectivité du narrateur empêche peut-être les lecteurices de vraiment s'en rendre compte. Il se marginalise et est marginal dans un monde dont il ne veut (ou peut) suivre les normes et les prescriptions, un monde qui lui fait peur et auquel rien ni personne ne l'a préparé. C'est une écriture directe, sans fioriture, parfois dure. Je pense qu'elle est au diapason de l'état émotionnel du narrateur, dur envers lui et les autres. Challenge XXème siècle