Alabama 1963 : Le livre de Ludovic Manchette, Christian Niemiec

Chef-d’œuvre incandescent, une fresque romanesque bouleversante qui transcende les genres. Ludovic Manchette et Christian Niemiec tissent avec une finesse remarquable une intrigue haletante au cœur de l’Amérique ségrégationniste, mêlant le souffle du polar à la profondeur de la critique sociale. Chaque page est traversée par une tension palpable, où l'humanité jaillit là où on l’attend le moins. Le duo improbable que forment Bud Larkin, détective désabusé, et Adela Cobb, femme de ménage noire au caractère bien trempé, donne naissance à un tandem d’une puissance émotionnelle rare. Leur complicité naissante, forgée dans la douleur, la méfiance et l’humour, éclaire le roman d’une lumière crue et chaleureuse à la fois. Les auteurs dépeignent avec une acuité saisissante la violence du racisme institutionnalisé, tout en laissant percer l’espoir dans les failles du quotidien. L’écriture, fluide mais percutante, porte avec élégance un récit qui prend aux tripes sans jamais sombrer dans le pathos. C’est une œuvre d’une modernité troublante, qui parle autant du passé que de notre présent. Alabama 1963 est plus qu’un livre : c’est un cri du cœur, un hymne à la justice, à la solidarité et à la dignité humaine. Un roman qu’on referme bouleversé, grandi, et avec l’envie farouche de croire que les livres peuvent changer le monde.

Avril 1963. Des adolescentes noires sont découvertes assassinées. Mais cela ne tourmente pas trop la police locale. Alors les parents d’une des victimes vont demander à Bud Larkin, un détective privé alcoolique et totalement à la dérive, de rechercher le coupable. La route de ce dernier va croiser celle d’Adela Cobb, une femme de ménage noire. Veuve, elle élève seule ses trois enfants, tout en hébergeant également son beau-frère, handicapé après avoir été agressé par le Ku Kux Klan. A priori ces deux-là ne sont pas destinés à s’entendre dans ce sud qui est en pleine mutation sociale. Le mouvement pour les droits civiques prend de l’ampleur et Bud est un blanc imprégné des préjugés racistes du sud. Pourtant Adela a besoin de ce travail. Petit à petit Bud va comprendre que la présence d’Adela à ses côtés est un atout pour son enquête. Quant à Adela, elle est prête, dans une certaine limite, à accepter d’être vue en compagnie d’un blanc si cela peut mettre fin à cette vague de meurtres. Premier roman du duo Manchette / Niemiec, premier coup de maître. Il faut dire que l’écriture, ça les connaît. Depuis 2007 ils travaillent ensemble sur des doublages, des adaptations/traductions, des dialogues de mangas et de séries. On voit bien qu’ils maîtrisent l’art de construire une histoire, de maintenir du suspense, celui de bâtir des personnages. Les chapitres sont courts, le style efficace, le rythme soutenu, avec un seul bémol : un dénouement un peu trop rapide. Adela est une femme forte. Alors que le mouvement pour les Droits Civique agite la société autour d’elle, que le KKK sème la terreur, que ses employeurs la traitent avec mépris, elle garde la tête haute, continue son chemin pour ce qu’elle croit être juste, ne se laisse pas abattre par l’adversité ni intimider. Le duo qu’elle forme avec Bud est improbable et pourtant il fonctionne, grâce au bon sens d’Adela, à son humanité. La plupart des romans qui parlent de l’Alabama dans ces années 1960 – 1965, sont centrés sur le combat pour les droits civiques. Pour une fois, c’est le quotidien difficile d’une femme seule qui est au centre de ce roman policier. Si elle ne participe pas directement aux marches et autres manifestations, elle se bat avec ses moyens, protège les siens, ne se ménage pas et fait preuve de beaucoup de courage. J’ai beaucoup aimé ce regard de la petite histoire au sein de la grande Histoire.

Dans l'Amérique ségrégationniste des années 60, des petites filles noires disparaissent et sont tuées. Alors que tout les oppose, BUD (détective, blanc, alcoolique) et ADELA (femme de ménage, noire, avec du caractère) vont enquêter ensemble. MON AVIS : EXCELLENT ! J'ai adoré cette histoire captivante et immersive. Nous sommes plongés dans l'Alabama de 1963 grâce aux descriptions précises, aux références musicales et historiques (KKK, Martin Luther King, JFK). Des personnages très attachants : BUD (bougon et meurtri) va être aidé par ADELA (admirable, d'une force exemplaire, avec une répartie percutante). Un duo atypique et efficace où les opposés se complètent à merveille. Une intrigue bien construite, parsemée de fausses pistes. Une écriture fluide et agréable qui dépeint parfaitement les lieux, les émotions et les étapes de l'enquête policière. Ludovic Manchette et Christian Niemiec ont un réel talent pour créer des dialogues pertinents. Un superbe roman gorgé d'humanisme, d'humour et de tendresse, avec des héros charismatiques et touchants.

Je passe après la hype de ce roman, mais je comprends désormais l'engouement généré par ce roman écrit à quatre mains. Lorsque j'ai vu que les auteurs étaient présents au festival du livre de Montaigu, je me suis dit que c'était une belle occasion de découvrir ce roman qui me tentait depuis longtemps. Nous sommes ici embarqués dans un décor des années 60 aux Etats Unis où la ségrégation règne en maître. Bud, un ancien flic reconverti en détective, est un affreux bonhomme alcoolique et plutôt souillon. Il semble tenter de survivre avec ses petites enquêtes... Adela, quant à elle, est une femme noire qui travaille au service de personnes blanches fortunées dont la plupart couchent toutes les cases de racisme. Adela et Bud n'auraient jamais dû se rencontrer, mais un ancien collègue de Bud décidé de lui jouer une "farce" en déposant une annonce de recherche d'aide ménagère. C'est ainsi que nos compères se retrouvent à se côtoyer. Et puis, il y a une disparition, une jeune fille noire, ce qui naturellement n'intéresse pas réellement la police... La famille alors dévastée et démunie se tourne vers Bud pour mener l'enquête et comprendre ce qui a pu se passer. Adela se trouve alors, presque malgré elle, être une alliée de qualité dans cette recherche de vérité. Ce roman est absolument fabuleux. C'est un véritable page turner. Bud est aussi détestable qu'attachant et le personnage d'Adela est quant à lui plein d'espoirs. J'ai trouvé dans cette construction de personnages et de roman une pointe de cynisme drôlement bien dosée qui fait qu'on arrive à détester des personnages et à les aimer en même temps ! Chapeau messieurs ! Les chapitres sont plutôt courts et entraînent et leur qualité réside dans le soin apporté à chacun des personnages. Au fil du roman, les stéréotypes sont déconstruits au profit d'une vision plus juste pour tous. Entre polar et roman historique, les auteurs ont su tirer leur épingle du jeu en proposant un roman qui fait passer la lecture du frisson aux éclats de rire avec brio ! En bref, j'ai été conquise par le décor, par les personnages et par la manière dont les auteurs ont fait le choix de construire le roman. Ce fut une très belle découverte qui m'a bien donné envie de poursuivre la découverte de cette plume à quatre mains.