Anton Tchekhov - Théâtre - tome 1 : Le livre de Anton Tchekhov
Ce volume invite à redécouvrir Tchékhov. Son théâtre d'abord. On trouvera ici les œuvres dramatiques complètes de l'auteur de La Cerisaie, y compris, donc, les divertissements en un acte qui, de la saynète au vaudeville, n'ont pas pris une ride. Leur verve parfois féroce aide à mieux comprendre pourquoi Tchékhov, contre ses admirateurs et ses metteurs en scène, soutenait que ses grandes pièces étaient comiques.
Quelques pièces exceptées (données dans une traduction originale d'Anne Coldefy-Faucard), la traduction est celle de Denis Roche, le premier à avoir popularisé Tchékhov en France, le seul traducteur qui ait connu personnellement l'écrivain.
C'est de même un Tchékhov "en son temps" qui est présenté, à travers ses écrits (correspondance, carnets) et des témoignages d'amis. Un Tchékhov ni plus ni moins authentique qu'un autre, sans doute, mais encore plus contradictoire, donc plus vivant et plus proche.
On croit connaître le "bon docteur" Tchékhov, ami des pauvres et philanthrope, le malade et le sceptique entre désespoir et rêves d'avenir. Connaît-on le Tchékhov passionné de vivre, entouré de jolies femmes, l'amateur de canulars et de cirques, le grand sportif et le grand voyageur ?
Ce Tchékhov-là, qu'agacent les propres sur sa "tendresse", sa "mélancolie" ou son "pessimisme", est un anticonformiste. Il se veut à chaque instant, un homme libre. Il ne donne pas de leçons et ne veut pas en recevoir. Il refuse tous les embrigadements au nom du Peuple, du Progrès (auquel il croit), de l'Art et des Lumières. S'il entend travailler au bien commun, c'est parce qu'il trouve là son bonheur. Quant aux maîtres à penser, il les suspecte d'abuser de leur rente de situation médiatique, qu'ils s'appellent Tolstoï ou Diogène. Sa liberté à lui, c'est de vivre et penser totalement l'égalité naturelle entre tous les hommes. Tsiolkovski, le génial précurseur de la cosmonautique russe, avait un mot favori : "Je veux être un Tchékhov en science."
Jean Bonamour professeur à Paris IV.
De (auteur) : Anton Tchekhov
Directeur éditorial : Jean Bonamour
Expérience de lecture
Avis Babelio
LaLisiere
• Il y a 2 mois
Anton Tchekhov, médecin de formation et dramaturge par vocation, a transformé l’art théâtral en introduisant une forme nouvelle de tragédie intime. Chez lui, les drames ne se construisent pas sur des événements spectaculaires, mais sur des silences, des attentes, des échecs ordinaires. Les quatre pièces ici analysées représentent différentes facettes de cette esthétique tchékhovienne, fondée sur l’infra-drame, la tension contenue et une observation aiguë de la psychologie humaine. Pièce de jeunesse souvent jugée déséquilibrée mais riche, "Ce fou de Platonov" (écrite vers 1878-79, mais publiée bien plus tard) présente un héros charismatique, ironique, incapable d’aimer ou d’agir avec constance. Platonov est entouré d’un chœur de personnages désenchantés, enfermés dans un monde provincial étouffant. Cette pièce brille par sa fougue, son énergie verbale, mais aussi par un excès de matière dramatique. C’est un laboratoire où l’on sent poindre les thèmes majeurs de Tchekhov : l’impuissance à vivre, le vide affectif, l’échec des élans intellectuels. Malgré ses maladresses, l’œuvre fascine par sa modernité, et anticipe les figures de l’anti-héros du XXe siècle. Avec "Ivanov" (1887, remaniée en 1889), Tchekhov affine son art. Le personnage principal est un homme accablé par le vide existentiel, rongé par la culpabilité et le rejet de soi. Il ne parvient ni à aimer sa femme mourante, ni à se donner corps et âme à la jeune Sacha, qui incarne pourtant l’espoir. Cette tragédie d’un homme en faillite personnelle illustre la psychologie complexe chère à Tchekhov. La pièce propose une critique sociale (l’hypocrisie de la bourgeoisie, l’indifférence des institutions) tout en évitant les morales faciles. On y voit déjà le glissement vers un théâtre fondé sur l’ambiguïté des intentions et l’impossibilité d’agir. "La Mouette" (1896) est souvent perçue comme l’une des premières grandes œuvres de la maturité de Tchekhov. L’échec de sa première représentation contraste avec la profondeur de son propos. À travers le personnage de Treplev, jeune écrivain en quête de formes nouvelles, Tchekhov interroge le rôle de l’art, la difficulté de créer, l’incommunicabilité. Tout dans cette pièce repose sur le non-dit, le sous-texte, les émotions contenues. La célèbre métaphore de la mouette abattue illustre la fragilité des aspirations humaines. L’amour, l’ambition, le renoncement et l’inertie y tissent une toile sensible, où chaque mot a du poids, chaque silence encore plus. Dans "Les Trois Sœurs" (1901), Tchekhov pousse à l’extrême son esthétique de l’inertie dramatique. L’action semble ne pas avancer : les trois sœurs rêvent de partir à Moscou, mais ne le font jamais. Autour d’elles gravitent des personnages fatigués, usés par la répétition du quotidien et par la perte de sens. La force de la pièce réside dans cette mise en scène du désir inassouvi. Chacun projette une vie meilleure, un avenir différent, mais reste figé dans une immobilité tragique. Tchekhov donne ainsi à voir le drame de la classe cultivée russe en déclin, en quête de but dans un monde qui change. Ces quatre pièces témoignent du regard à la fois tendre et impitoyable que Tchekhov porte sur l’humanité. Il y a chez lui une volonté de montrer la vie telle qu’elle est, sans la forcer dans des schémas classiques. Les conflits ne sont pas toujours résolus, les dialogues paraissent banals, mais tout cela traduit un réalisme psychologique d’une grande acuité. Le théâtre de Tchekhov n’est pas fait pour l’action, mais pour la résonance intérieure. Il nous enseigne à écouter les silences, à percevoir les désirs sous les habitudes, et à reconnaître la beauté tragique des existences ordinaires.
Gruizzli
• Il y a 4 mois
Bien qu'aimant particulièrement le théâtre de Tchekhov, je dois avouer que les pièces présentes dans cet ouvrage ne sont pas toutes du même calibre. Pour les considérations générales, j'ai déjà dit ce que je pensais de l'auteur et de son style sur l'autre volume de la même collection. Je me permettrais ici de ne faire que le point sur les pièces. La première qu'il faut noter ici est "La mouette", sans doute la plus grande pièce jamais écrite sur le théâtre. Tout art fini à un moment donné par atteindre le stade du métatextuel : on part de son art avec son art. La mouette, c'est Tchekhov qui nous parle de théâtre et d'acteurs, le tout dans une histoire banale somme toute. Ce sont des jeunes gens aux rêves plein la tête, des vieux qui tiennent les places importantes, des rêveurs déçus par la réalité, des idéaux qui se perdent et une belle remise en place de chacun dans une position qui les enferme. Paradoxalement, je trouve que la pièce semble parfois cruelle envers les jeunes gens en rappelant qu'ils peuvent aussi être bête (voir con) et fougueux (dans le mauvais sens du terme), mais aussi et tout simplement manquer de talent. Une remarque que j'ai rarement vu soulignée par les acteurs ayant lu la pièce, mais il semble clair que Tchekhov rappelle qu'être bon c'est surtout une quantité énorme de travail, de la patience et du talent qui n'est pas donné à tout le monde. La pièce est une référence sur l'art théâtrale, mais aussi sur des rapports humains difficile. Konstantin et sa mère ont des relations difficiles, mais c'est aussi Nina qui devient actrice par rêve et subit la réalité de plein fouet (son histoire dramatique est inspirée par une personne que Tchekhov à connu et ça se sent), le tout dans une pièce qui étire le temps jusqu'à la rupture. La fin est tragiquement belle, la violence des idéaux. Ce fou de Platonov et Ivanov me semblent deux pièces assez proches par leur thématique, puisque dans Platonov nous suivons un invétéré dragueur qui ne peut s'empêcher de faire succomber les femmes à son charme, tandis que dans Ivanov, cet homme assez gris moralement sera au cœur d'une intrigue amoureuse pas très saine. Tchekhov explore ici les sentiments amoureux mais loin du vaudeville. C'est avant tout l'expression de sentiments contrariés. Il m'a semblé y voir aussi les conséquences d'une société, c'est-à-dire un ensemble d'humains qui interagissent ensemble d'une manière étrange. Il y a de nombreuses fois où j'aurais aimé rentrer dans l'histoire et les secouer tous, où leur expliquer leurs erreurs, mais Tchekhov ne fait pas dans la tragédie antique : les erreurs sont connus mais sans qu'on y prête attention, de même que les drames n'arrivent que parce qu'on a tout fait pour. Ce qui saute aux yeux dans ces deux pièces, c'est à quel point Tchekhov aime ses personnages. Personne n'est jamais "juste" un salaud ou un homme de bien, tout est question de moment, de point de vue. Chacun est attachant et parfois tendre, émouvant. Même lorsqu'on les déteste pour ce qu'ils font ou disent. Le malheur des humains n'est pas une question morale, c'est une question sociale, semble-t-il nous dire. Ce serait tellement plus facile si tout était question de gentils et de méchants, n'est-ce pas ? Les trois sœurs est la pièce que j'ai le moins aimé de l'auteur, trouvant que cette fois-ci quelque chose trainait en longueur jusqu'à ce que le final arrive enfin et nous fasse retomber sur cette tragédie si chère à l'auteur. Il manque une consistance à l'ensemble, notamment le comportement des trois sœurs qui est très différent à chaque fois mais pas assez à mon gout. Elle contient beaucoup de bonnes choses, et je serais très client de la voir joué pour comprendre les différentes interactions de tout ça. C'est sans doute celle qui m'a semblé la plus "superficielle" par rapport à l'ensemble. Ce volume contient en outre quelques commentaires et notes, intéressantes mais j'aurais aimé quelque plus grand passages, à mon gout. L'ensemble manquait un peu de corps, mais c'est avant tout pour découvrir les pièces que j'ai acheté ce volume et je ne le regrette pas. Les pièces de Tchekhov sont décidément impressionnante. Il a un regard tendre et désabusé, cynique et finalement assez proche de nombre de ses personnages sur le monde. L'humain lui semble fuir le bonheur face à lui, chercher ailleurs ce qu'il a déjà chez lui, rêvant dans les nuages plutôt que contemplant la beauté de la terre, et seul, désespérément seul, parce que briser sa solitude semble être souffrir. Et que personne ne veut ça...
Avis des membres
Fiche technique du livre
-
- Genres
- Classiques et Littérature , Théatre
-
- EAN
- 9782221072370
-
- Collection ou Série
- Bouquins La Collection
-
- Format
- Grand format
-
- Nombre de pages
- 860
-
- Dimensions
- 197 x 133 mm
Nous sommes ravis de vous accueillir dans notre univers où les mots s'animent et où les histoires prennent vie. Que vous soyez à la recherche d'un roman poignant, d'une intrigue palpitante ou d'un voyage littéraire inoubliable, vous trouverez ici une vaste sélection de livres qui combleront toutes vos envies de lecture.
29,00 € Grand format 860 pages